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Irak

Attentat de Najaf : début des obsèques de l’ayatollah Hakim

Des milliers d’Irakiens ont suivi dimanche à Bagdad le cortège funèbre de l’ayatollah Mohamed Baqr al-Hakim. Il s’agit de la première procession organisée en la mémoire de ce haut dignitaire chiite qui a été tué vendredi lors de l’attentat perpétré devant la mosquée d'Ali. Sa dépouille doit être ensuite transférée à Kerbala avant l’enterrement, prévu mardi, à Najaf. Alors que les chiites irakiens entament leur deuil et crient vengeance, la police a communiqué les premiers éléments de l’enquête engagée pour identifier les auteurs de cette attaque terroriste.
«Hakim était pour tous les Irakiens, chiites, sunnites, Kurdes et Turcomans. Sa mort est une perte pour nous tous», a déclaré Abdel Aziz Hakim, le frère de l’ayatollah Mohamed Baqr al-Hakim, à la foule réunie à Bagdad pour participer à la procession funéraire organisée en sa mémoire. Le cortège de plusieurs milliers de personnes a commencé à défiler dans le quartier chiite de la capitale, près de la mosquée Al-Khadimiyah. La foule a suivi le cercueil dans lequel se trouvaient les restes de l’ayatollah tué lors de l’attentat de Najaf. Les fidèles portaient des banderoles aux inscriptions parfois vengeresses : «Nous ne serons jamais en paix tant que nous n’aurons pas pris notre revanche».

Il s’agit de la première étape des obsèques de Mohamed Baqr al-Hakim qui doivent se poursuivre lundi dans la ville sainte de Kerbala, à 80 kilomètres au sud de Bagdad et à Hilla, avant son enterrement à Najaf prévu mardi prochain. Dans cette ville, l’attentat de vendredi dernier a provoqué un terrible choc et la population vit dans la hantise d’une nouvelle attaque. Des informations, confirmées par la police, selon lesquelles trois voitures piégées auraient pénétré dans la cité, n’ont pas arrangé les choses.

Les suspects ont avoué

C’est vraisemblablement l’interrogatoire des suspects arrêtés vendredi qui a permis d’avoir connaissance de la présence d’autres voitures piégées dans la ville. Selon la police, les quatre hommes interpellés, deux Irakiens de Bassorah liés à l’ancien régime et deux Arabes wahhabites dont la nationalité n’a pas été précisée, sont en effet passés aux aveux. Ils auraient ainsi confirmé leur implication dans l’attentat qui a coûté la vie à 83 personnes devant la mosquée d’Ali. Mais ils auraient aussi annoncé que d’autres complots étaient en préparation. Quinze personnes auraient ensuite été arrêtées par la police, parmi lesquelles un suspect interpellé près de la frontière saoudienne et ramené à Najaf.

Pour le moment, les autorités n’ont donné aucune indication précise sur les motivations des auteurs de l’attentat, ni sur les commanditaires de cet acte. Mais déjà, l’hypothèse d’une action menée par des membres de l’organisation terroriste Al Qaïda proche du wahhabisme et à laquelle les deux Arabes arrêtés appartiendraient, avec la complicité de partisans de l’ancien dictateur irakien Saddam Hussein, est évoquée avec insistance. Pour Hamad Bayatti, le représentant à Londres du Conseil supérieur de la révolution islamique en Irak dont l’ayatollah Hakim était le chef, il n’y a aucun doute : «Je soupçonne une collaboration entre Al Qaïda et les gens de Saddam, tout comme dans les explosions au quartier général de l’ONU et devant l’ambassade de Jordanie».

Dans ce contexte de peur et de confusion, certains redoutent que le pays ne sombre encore plus dans le chaos et que le nombre d’actes violents n’augmente encore. D’ailleurs, la première conséquence directe de l’instauration d’un climat de suspicion n’a pas tardé à arriver avec une bavure des gardes du corps d’un dignitaire chiite radical Moqtada Sadr, qui ont tué deux personnes qui circulaient en voiture à proximité d’un barrage placé près de la résidence du religieux. Les occupants du véhicule croyant avoir à faire à des voleurs ont accéléré en passant, ce qui a fait penser aux gardes du corps qu’il s’agissait de terroristes. Ils ont alors tiré. Terrible quiproquo à cause duquel deux personnes ont perdu la vie et deux autres ont été grièvement blessées.

Sur le plan politique, la mort de l’ayatollah Hakim qui appelait à la modération et à la patience face à la présence américaine dans le pays, risque aussi d’avoir des conséquences importantes. Un chef chiite Mohammad Bahr al-Ouloum a d’ores et déjà annoncé qu’il suspendait sa participation au Conseil de gouvernement transitoire irakien, une instance mise en place par les Américains, pour protester contre «l’indifférence» dont ont fait preuve les forces d’occupation et qui a rendu possible l’assassinat de l’ayatollah Hakim.

Les chiites reprochent dans leur ensemble aux Etats-Unis d’être responsables de l’insécurité qui règne dans le pays et dont ils viennent de payer le prix avec l’attentat de Najaf. Les Brigades Badr, une milice chiite que l’ayatollah Hakim avait dissoute à son retour d’Iran, a d’ailleurs réapparu lors de la procession de Bagdad. Son commandant a déclaré : «Les Américains ne peuvent pas nous donner la sécurité. Ce sont les Irakiens qui doivent faire cela et la Brigade Badr est irakienne». Face à ces accusations, les Américains essaient de faire preuve de bonne volonté pour calmer les esprits. Ils ont expliqué que leurs forces ne patrouillaient pas près des lieux saints en réponse à une demande des religieux mais qu’ils avaient participé à l’équipement et l’entraînement d’une force de protection spéciale destinée à les protéger. Ils ont aussi annoncé qu’ils avaient donné 200 000 dollars pour les victimes de l’attentat et qu’ils allaient débloquer 2 millions de dollars pour la reconstruction de la mosquée et des habitations détruites par l’explosion.



par Valérie  Gas

Article publié le 31/08/2003