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Etats-Unis

Un réseau électrique vétuste et obsolète

L’ancienneté d’un réseau mal entretenu et non modernisé est la cause profonde de la panne qui a affecté le nord-est des États-Unis.
«Un réseau électrique digne du tiers monde». Ce commentaire acerbe de Bill Richardson, gouverneur du Nouveau Mexique et ancien secrétaire à l’énergie de Bill Clinton semble faire l’unanimité plus de vingt-quatre heures après la cascade de pannes qui a privé d’électricité une bonne partie du nord-est des États-Unis et le sud du Canada. Alors que les causes immédiates de ce black-out ne sont pas encore identifiées et que Canadiens et Américains se renvoient la responsabilité de l’incident initial, les causes profondes, elles, ne semblent faire de doute pour personne: le réseau électrique des États-Unis est insuffisant et obsolète.

A l’étranger, la presse du «tiers monde» justement, commente avec un mélange d’amusement et d’étonnement l’ampleur de la panne survenue dans la plus grande puissance de la planète. Car de l’Afrique de l’ouest à l’Inde en passant par l’Égypte et bien d’autres pays encore, on est habitué aux coupures de courant intempestives et cela ne fait pas nécessairement les gros titres de la presse internationale. La presse américaine s’interroge gravement sur le retard technologique de la première puissance de la planète. Le Herald Tribune se demande si des coupures d’électricité d’une telle ampleur seraient susceptibles de se produire en Europe pour conclure qu’on ne peut pas écarter cette hypothèse, mais que globalement, les équipements européens sont à la fois plus modernes, plus adaptés et mieux intégrés régionalement, y compris à travers les frontières, pour faire face aux surplus temporaires de la demande.

Les Américains se remémorent les précédentes méga-pannes d’électricité qui ont affecté New York en 1965 et 1977, ou la Californie en 1996. Le président Bush lui-même n’a pas hésité à aller dans le même sens: ces coupures d’électricité, les plus sévères jamais enregistrées aux États-Unis sont un «signal d’alarme qui nous indique que nous devons moderniser le réseau de distribution de l’électricité, et faire que les systèmes de production électrique soient doublés de façon que s’il y a des coupures comme cela s’est produit dans l’histoire, cela n’affecte pas autant de gens que par le passé».

Le président Bush, qui est aussi candidat à sa réélection l’an prochain, ne peut ignorer que le gouverneur démocrate de Californie Davis s’est vu vivement reprocher les coupures à répétition du réseau électrique en 1996 et que ces incidents, qui ont affecté de larges secteurs de la population californienne, sont souvent cités comme des exemples de sa «mauvaise gestion», ce qui lui vaut aujourd’hui d’être rappelé par anticipation devant les électeurs.

Services publics à l’abandon

D’une façon générale, les infrastructures collectives sont le point faible des États-Unis. Chemins de fer, réseau routier, enseignement, santé, service postal et distribution électrique sont négligés et le service public dans ce domaine ne se compare en rien à ce à quoi sont habitués les Européens. Cela tient largement à ce que lorsqu’elles relèvent du secteur public, ces infrastructures sont mal entretenues et ne bénéficient pas de la maintenance nécessaire faute des moyens financiers qui seraient nécessaire. Or, le mouvement de baisse des impôts amorcé depuis vingt ans a privé ces services des ressources qui leur auraient permis de se renouveler. Il est vrai que dans la plupart des cas, les financements relèvent non de l’État fédéral, mais des États fédérés. Il n’empêche que la diminution d’impôts que le président Bush vient de faire voter au Congrès ne donne pas précisément le signal que le l’État est prêt à assumer ses charges en ce qui concerne les infrastructures collectives qui ne concernent pas directement la défense, les prisons ou la police.

Lorsque ces infrastructures sont privatisées, ce qui est le cas du téléphone et de l’électricité, les compagnies sont placées en situation de concurrence, et le double souci de conserver des parts de marché sans sacrifier les profits exigés par leurs actionnaires les amène à différer les investissements ou les opérations de maintenance qui auraient permis au secteur électrique de conserver le potentiel de production suffisant pour faire face aux pointes de consommation.

Cependant, à plusieurs reprises depuis sont arrivée à la Maison Blanche, George Bush, marqué par une culture économique libérale fondée sur le laisser-faire, a démontré qu’il pouvait parfaitement se montrer dirigiste, interventionniste et protectionniste lorsqu’il estimait que la situation l’exigeait. Son instinct politique lui souffle sûrement que dans le domaine de la production électrique, ses électeurs ne lui pardonneraient sans doute pas de s’en remettre purement et simplement à l’initiative privée. Mais si Bush veut moderniser les infrastructures sans augmenter les impôts, il va lui falloir recourir à l’emprunt. Or, les États-Unis sont déjà très endettés…



par Olivier  Da Lage

Article publié le 16/08/2003