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Santé

Canicule : 11 000 morts au moins

Le ministre de la Santé Jean-François Mattéi a rendu public le premier bilan officiel de l’hécatombe consécutive à la canicule qui a sévi en France ces dernières semaines. Onze mille quatre-cent-trente-cinq décès ont été répertoriés entre le 1er et le 15 août. Et ces chiffres, déjà largement supérieurs à ceux qui avaient été envisagés jusqu’ici par le gouvernement, ne sont pas définitifs. Il faudra attendre la fin du mois de septembre pour obtenir le décompte exact des victimes de la vague de chaleur.
Les Pompes funèbres avaient annoncé il y a quelques jours plus de 13 000 morts supplémentaires dus à la canicule. Cette projection sur les décès du mois d’août a d’abord suscité le scepticisme du côté des autorités. Mais il semble aujourd’hui au regard des chiffres présentés par Jean-François Mattéi à la suite du premier bilan officiel réalisé par l’Institut national de veille sanitaire à partir de la compilation des certificats de décès, qu’on n’est finalement pas loin du compte.

Pour la Coordination médicale hospitalière, il s’agit «d’une catastrophe sans précédent» puisque cela équivaut au décès de 1 000 personnes supplémentaires chaque jour par rapport à 2002. Pour le président de ce syndicat de médecins, François Aubart : «Il n’y a pas d’équivalent en France sur une période aussi courte d’une catastrophe de cette ampleur en matière civile».

Cette situation est d’autant plus inquiétante que les chiffres des décès répertoriés dans l’Hexagone sont largement supérieurs à ceux des autres pays européens, pourtant eux aussi touchés par la vague de chaleur. Même si là aussi, les bilans ne sont pas définitifs. Pour le moment, on ne dénombre officiellement que 101 morts en Espagne (2 000 selon les associations), 1 300 au Portugal, de 500 à 1000 aux Pays-Bas. En Italie et en Allemagne, par contre, l’évaluation n’est pas terminée.

«La vérité est en marche»

Pour le ministre français de la Santé, il n’est plus question de minimiser. Lui qui il y a encore quelques jours s’était fait tirer l’oreille pour admettre publiquement que le chiffre de 5 000 décès était «plausible», est obligé aujourd’hui de constater l’ampleur du phénomène. Pour le président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUHF) Patrick Pelloux, le ministre «s’est engagé sur le fait qu’il y aura un comptage rigoureux». Dans ce contexte, il estime donc que «la vérité est en marche» et que la publication de ce bilan devrait provoquer «l’ouverture d’un débat politique».

Certains s’interrogent malgré tout sur le temps qui a été nécessaire pour diffuser ce premier état des lieux réaliste des décès. Ainsi la présidente d’un syndicat hospitalier (INPH) Rachel Bocher a fait part de son étonnement : «Je suis sidérée de voir que l’on n’arrive pas à avoir des chiffres exacts sur les décès, alors qu’on les a en temps réel sur les naissances». Le ministre de la Santé a en effet précisé que le décompte présenté aujourd’hui n’était pas définitif et qu’il faudrait encore attendre la fin du mois de septembre et de la mission confiée à deux experts de l’Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (Inserm), Eric Jougla et Denis Hémon, pour avoir les données précises qui seront selon toute probabilité réajustées à la hausse. François Aubart de la Coordination hospitalière a rappelé de ce point de vue que les décès consécutifs aux fortes chaleurs ne se sont pas arrêtés le 15 août. «Il se poursuit depuis le 15 août une surmortalité, en particulier hospitalière, qui est indéniable… Comment pourrait-il en être autrement puisqu’une fois de plus les problèmes n’ont pas été traités.»

Dans l’intervalle, le gouvernement continue à préparer, sous le feux des critiques, un plan d’action pour améliorer la réactivité du système d’alerte, donner les moyens aux personnels de santé de faire leur travail efficacement et éviter un nouveau drame de ce type. Dans cette optique, le gouvernement a déjà laissé entendre qu’il envisageait de supprimer un jour férié pour financer l’aide aux personnes âgées. Une idée approuvée, selon un sondage réalisé par l’institut CSA pour Le Parisien/Aujourd’hui en France, par 70 % des Français, dont l’esprit de famille a été largement mis en cause dans cette affaire à cause du nombre de personnes âgées décédées dont les corps n’ont pas été réclamés.



par Valérie  Gas

Article publié le 29/08/2003