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Iran

Washington interdit le CNRI

Le département d’État a ordonné vendredi la fermeture des bureaux du Conseil national de la résistance iranienne, émanation des Moudjahidine du Peuple iraniens.
Un décret signé Colin Powell, le secrétaire d’État américain, paru au Journal officiel daté de vendredi, a ordonné la fermeture des deux bureaux américains du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), le gel de leurs avoirs aux États-Unis (environ, 100 000 dollars) et l’inscription du CNRI sur la liste des organisations soutenant le terrorisme.

La raison invoquée à l’appui de cette décision est que le CNRI n’est qu’un paravent pour l’Organisation des Moudhjahidine du Peuple iranien (OMPI) que dirigent Massoud et Maryam Radjavi, classée par les États-Unis depuis plusieurs années sur la liste des organisations terroristes. Cette péripétie est le dernier en date d’une série de coups durs pour l’opposition armée au régime de Téhéran. En avril dernier, lors des opérations militaires américaines en Irak, la base militaire des Moudjahidine située à la frontière de l’Iran avait été attaquée par les forces américaines avant la conclusion d’un cessez-le-feu suivi d’un accord de désarmement.

Ce cafouillage initial reflétait les profondes divisions au sein de l’administration américaine entre ceux qui considéraient qu’il était hors de question de laisser intacte cette armée d’opposants iraniens, financée et équipée par le régime de Saddam Hussein et qui figurait au surplus sur la liste des organisations terroristes dressée annuellement par le département d’État, et ceux qui songeaient déjà à utiliser ce moyen de pression pour affaiblir le régime iranien.

En fin de compte, au terme d’un intense débat interne à l’administration Bush, ce sont les premiers qui ont prévalu et les moudjahidine ont été désarmés, mais dans l’honneur. Ce qui n’a pas été sans susciter un certain malaise au sein d’une administration dont le leitmotiv est: «On ne discute pas avec les terroristes». Affaiblis militairement, les moudjahidine conservaient leur structure politique.

Privés de la protection du régime de Saddam Hussein, nombre de ses cadres, à commencer par la présidente du mouvement Maryam Radjavi, se sont repliés sur l’Europe, en particulier la France où se trouve le siège mondial du CNRI, l’organisation politique de l’OMPI. Mais à la mi-juin, nouveau coup dur: sur une réquisition du juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, la DST investit et perquisitionne les locaux des moudjahidine à Auvers-sur-Oise et arrête 150 personnes, dont Maryam Radjavi. La vigueur des protestations (plusieurs manifestants s’immolent par le feu, d’autres entament une grève de la faim, et la minceur des preuves trouvées sur les lieux amènent les juges à les relâcher. Mais l’action politique de l’OMPI (et du CNRI) s’en trouve sérieusement handicapée.

Bien entendu, le gouvernement iranien applaudit à cette opération, entraînant le soupçon d’une action plus politique que judiciaire destinée à satisfaire Téhéran. Mais à Washington, les autorités félicitent également Paris pour cette action contre le terrorisme. La police française affirme en effet que les moudjahidine préparaient des attentats contre des intérêts iraniens en Europe. C’est aujourd’hui la même argumentation qu’avancent les autorités américaines. Selon le porte-parole du Département d’État Tom Casey, la décision de vendredi étaient «fondée sur des informations provenant de diverses sources indiquant que [le CNRI] faisait partie de l’OMPI et avait soutenu les actions terroristes de l’OMPI».

Un geste en direction de Téhéran ?

La décision du gouvernement américain ne manquera pas de provoquer de vives réactions politiques, dans la mesure où le CNRI avait pignon sur rue, à proximité immédiate de la Maison Blanche, et avait mené au fil des années une très efficace action de lobbying auprès des parlementaires américains. Le CNRI tenait régulièrement des conférences de presse dénonçant la volonté de Téhéran de se doter d’armes de destructions massives à travers son programme nucléaire civil, et les documents des moudjahidine étaient souvent repris tels quels par des sénateurs ou députés influents, notamment au sein de l’aile la plus conservatrice des partis démocrates et républicains. Comme on, l’a vu précédemment, certains néo-conservateurs, au Pentagone et à la Maison Blanche, ont un temps envisagé de les utiliser contre l’Iran. George W. Bush a donc arbitré autrement.

Aujourd’hui, les partisans du mouvement du couple Radjavi dénoncent ce geste en direction de Téhéran et font observer que Washington demande, jusqu’à présent en vain, que l’Iran lui livre les dirigeants d’Al-Qaïda qu’il affirme détenir. Dans cette optique, la fermeture des bureaux du CNRI serait une bonne manière qui, du moins l’espère-t-on à Washington, pourrait amener Téhéran à revoir sa position.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 16/08/2003