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Burundi

Partage du pouvoir pour cesser le feu

La médiation sud-africaine tente de renouer le fil des négociations inter burundaises à Dar-Es-Salam, la capitale économique de la Tanzanie, où s’est tenu le round précédent, également placé sous l’égide des présidents tanzanien et ougandais. Le 20 juillet dernier, le gouvernement de transition burundais et la rébellion des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) s’étaient en effet séparés, officiellement pour en référer à leurs mandants, mais sans avoir finalisé l’accord politique censé permettre la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu conclu à Arusha le 3 décembre 2002. Ce dernier est en effet resté lettre morte car le véritable enjeu est un partage du pouvoir. En outre, si des consultations se poursuivent avec le FDD, il n’en est rien avec la principale rébellion en lice à Bujumbura et alentours, les Forces nationales de libération du Palipehutu (FNL).
Dix ans de guerre civile – après des années des décennies de turbulences sanglantes –, un nombre incalculable de morts – 300 000 au moins –, une transition politique accouchée au forceps à Arusha (Tanzanie) le 28 août 2000 – en l’absence des rebelles –, un cessez-le-feu en souffrance depuis neuf mois, une force de paix sud-africaine en attente d’un hypothétique cantonnement des belligérants : le Burundi peine à trouver le sentier de la paix. A la fin des années quatre-vingt-dix, à Arusha, au pied du Kilimandjaro, Nelson Mandela avait forcé la main des politiciens burundais espérant convaincre plus tard les rebelles armés. La redistribution des cartes avait alors pris la forme d’un partage du pouvoir et des postes rémunérés qu’il confère, sur des bases ethniques, avec une présidence alternée, 18 mois pour le Tutsi Pierre Buyoya, autant pour le Hutu Domitien Ndayizeye – effectivement en place depuis le 1er mai 2003 –, quatorze portefeuilles ministériels pour les partis étiquetés hutu et douze pour le camp tutsi, 40 % des 190 sièges au Parlement pour ces derniers et le reste pour des Hutu. 50/50 pour la future armée nationale enfin, de l’état-major au deuxième classe.

«Le problème n'est pas ethnique»

En attendant les élections que la transition est chargée de préparer, la mission prioritaire était d’amener la paix dans un Burundi où la solution militaire a été la règle, des décennies durant. A l’inverse d’Arusha, accord de paix sans cessez-le-feu, la transition a fini par conclure un cessez-le-feu sans accord politique et donc sans paix, sous Buyoya, alors aux derniers jours de son mandat présidentiel. Encore ce cessez-le-feu n’a-t-il été conclu qu’avec le seul FDD, les FNL reprenant au contraire l’offensive en juillet dernier. Pour ces derniers, il s’agissait de manifester leur radicale opposition aux institutions de transition, quels qu’en soient les titulaires, et au partage du pouvoir, manière Arusha. Car selon ces rebelles «Ndayizeye ou Buyoya, c’est bonnet blanc et blanc bonnet». L’objectif affiché des FNL, Parti pour la libération du peuple hutu, c’est de renverser un système qui selon eux perpétue la «domination de la majorité par une minorité». C’est aussi l’analyse de Nelson Mandela qui l’avait dit très crûment à Arusha, avançant même une comparaison avec l’Afrique du Sud de l’apartheid. Le FDD pour sa part définit politiquement le problème burundais. «Il n’est pas ethnique. C’est un assemblage aussi bien de Hutu que de Tutsi qui vivent au détriment du reste de la Nation», explique l’un de ses représentants, Salvator Ntacobamaze.

«Nous sommes en train de discuter du partage du pouvoir et du partage des responsabilités au niveau de l’armée, de la police et des services de renseignements», indique le principal négociateur du gouvernement, Ambroise Nyionsaba. Placée sous la direction provisoire d’un général sénégalais mandaté par les Nations unies, une commission mixte de cessez-le-feu (CMC) a commencé à s’installer à Bujumbura fin juillet. Six délégués des FDD en font partie. Le CMC est chargé de surveiller l’application du cessez-le-feu inscrit dans un Accord technique des forces (ATF). L’ATF «concerne tout le processus d’intégration des deux parties belligérantes dans les nouvelles forces de défense et de sécurité», rappelle Salvator Ntacobomaze qui précise qu’il régit «la taille de la nouvelle armée, de la nouvelle police et du nouveau service de renseignement», mais aussi le cantonnement, la formation, la démobilisation et la répartition des postes de commandement dans les différents corps. Mais le plus difficile, c’est l’intégration des rebelles dans les institutions de la transition.

A l’instar de Mandela qui avait lancé le train de la transition sur la route de la paix, avec les seuls politiciens, espérant voir plus tard les rebelles les rejoindre, le gouvernement table aujourd’hui sur le succès de ses pourparlers avec les FDD pour inciter les FNL à franchir le pas, de gré ou de force. De son côté, la région va tenir sommet une fois de plus d’ici la fin du mois. Car derrière le consensus de façade sur la volonté commune d’une paix au Burundi, les avis sont partagés sur les différentes forces politiques burundaises, entre notamment la Tanzanie et l’Ouganda d’une part et d’autre part l’Afrique du Sud. En outre le destin du Burundi dépend largement de celui du Congo-Kinshasa, géant déchiré qui pèse sur la stabilité régionale. Reste l’aspiration profonde des citoyens burundais pour une paix et un minimum de prospérité de nature à autoriser la construction d’un avenir national, à l’écart d’une compétition politico-économique embourbée depuis des lustres dans des chemins de traverse ethnico-régionalistes.



par Monique  Mas

Article publié le 05/08/2003