Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Irak

Obsèques de martyr pour l’ayatollah Hakim

C’est le premier deuil national en Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Il est vrai que l’ayatollah Mohammed Baqr al-Hakim, plus qu’un dignitaire religieux, était un homme aimé et respecté dans toute la communauté chiite, aussi bien en Irak qu’en Iran où il a vécu 23 années d’exil et où Téhéran a décrété trois jours de deuil. Quelque 100 000 personnes se sont donc rassemblées à Najaf pour lui rendre un dernier hommage. Dans la foule encore choquée par l’attentat qui a coûté la vie au dignitaire religieux et à 82 fidèles venus à la mosquée du mausolée d’Ali écouter son prêche de vendredi, la douleur n’a pas effacé la colère. Si l’hostilité de la foule est dirigée contre l’ancien dictateur et ses partisans accusés d’être à l’origine de cette attaque terroriste, elle n’épargne pas les Américains incapables, selon elle, de garantir la sécurité en Irak.
Les cérémonies de deuil ont débuté dès dimanche à Bagdad où des dizaines de milliers de personnes sont venues se recueillir devant la dépouille de l’ayatollah Mohammed Baqr al-Hakim qui reposait dans la mosquée Moussa al-Kadhim. La foule en deuil s'est massée dans les rues pour rendre hommage au dignitaire religieux et certains des fidèles ont passé la nuit dehors à prier et pleurer la mort de celui que l’on surnommait le «Khomeiny irakien». Lundi la procession funèbre a quitté la capitale irakienne pour un périple qui l’a conduite dans les principales villes saintes chiites, Kerbala, Koufa avant d’atteindre Najaf ou a été enterré mardi en début d’après-midi l’ayatollah Mohammed Baqr al-Hakim. Le dignitaire a été inhumé sur une place au cœur de la vie sainte où de son vivant il avait rêvé construire une mosquée.

Tout au long du trajet des dizaines de milliers de fidèles sont venus grossir les rangs du cortège. Hommes, femmes vêtues de noir et enfants, les traits défigurés par les pleurs et la douleur, se frappaient la poitrine ou la tête, signe de deuil dans la tradition chiite. Beaucoup brandissait des oriflammes rouges et vertes, symboles du martyre et de l’islam, d’autres des corans ou encore le portrait du dignitaire assassiné à Najaf. Les fidèles pleuraient la mort de l’ayatollah Hakim mais aussi celle d’Ali, le 4ème calife, et de Hussein, le petit-fils du prophète Mahomet, dont la mort violente en 680 a marqué le chiisme à ses origines. «Oh Hussein ! Oh Hakim! Que vos meurtriers périssent en enfer», scandait la foule pour le plus grand hommage qui puisse être rendu à un homme qui depuis son retour en mai dernier a prêché la tolérance, n’hésitant pas à condamner lors de son dernier sermon les attaques contre les soldats de la coalition. Quelque 20 000 pèlerins iraniens, présents en Irak au moment de l’attentat, ont choisi de rester pour participer aux obsèques.

Hostilité envers Saddam et les Américains

Comme lors des grands rassemblements chiites à l’occasion du dernier pèlerinage de Kerbala, la sécurité a été considérablement renforcée. La route empruntée par le cortège entre Koufa et Najaf a été encadrée par un très grand nombre de gardes de sécurité irakien, plus que jamais sur le qui-vive depuis la découverte dimanche à Koufa de deux nouvelles voitures piégées après celle qui a explosé vendredi tuant 82 personnes à leur sortie de la mosquée du mausolée d’Ali où elles venaient d’effectuer la prière du vendredi. Parmi ces gardes figurent de simples policiers irakiens mais aussi des miliciens religieux, au premier rang desquels des membres de la brigade Badr, la branche armée de l’Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak, le puissant mouvement que dirigeait l’ayatollah Mohammed Baqr al-Hakim. Seule signe de la présence américaine, un hélicoptère a survolé le trajet emprunté par la procession funèbre.

L’attentat de vendredi a profondément choqué la communauté chiite qui a tout de suite accusé les partisans de l’ancien régime d’être à l’origine du drame. Mais dans un enregistrement, le septième du genre, diffusé par la chaîne qatarienne al-Jazira, l’ancien dictateur a nié tout lien avec cette attaque terroriste. La voix, attribuée à l’homme dont la tête est mise à prix 25 millions de dollars, a ainsi estimé que cet attentat était «un acte injustifiée». «Les serviteurs des envahisseurs et des colonisateurs mécréants ont vite accusé, sans preuve, les partisans de Saddam Hussein pour l’assassinat de Hakim», affirme la voix qui souligne qu’«ils n’ont agi que pour éloigner les soupçons sur les véritables auteurs».

Mais cet enregistrement ne convainc personne, les chiites ayant tout au long du règne de Saddam Hussein subi une répression sanglante et aveugle. Après l’attentat, les maisons de plusieurs anciens cadres du parti Baas ont d’ailleurs été la cible des attaques d’une foule en colère. Mais cette hostilité n’est pas seulement dirigée contre les supposés partisans de l’ancien régime. Elle frappe également les forces américaines accusées de n’avoir rien fait pour protéger l’ayatollah Mohammed Baqr al-Hakim qui avait pourtant pris leur défense. Le jour de l’attentat de Najaf, pas un seul soldat américain n’était présent dans la ville sainte, officiellement par respect religieux. Une position que la population chiite a bien du mal à comprendre.

Ecouter également : Le rendez-vous de la rédaction, Farida Ayari, Envoyée spéciale de RFI à Bagdad.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 02/09/2003