Irak
Le double-jeu des États-Unis
Contrairement aux signaux lancés ces derniers jours, le nouveau projet de résolution américain n'accorde pas un rôle plus important à l'Onu. Les États-Unis demandent aux Nations unies d'autoriser une force multinationale commandée par Washington, mais sans confier à l'organisation le dossier politique ou celui de la reconstruction.
De notre correspondant à New York (Nations unies)
La nouvelle résolution américaine risque d'être accueillie avec froideur, à l'Onu. En dépit de quelques envolées littéraires sur le rôle «vital» des Nations unies en Irak, le projet américain cantonne l'Onu à un rôle marginal d'aide humanitaire, d'assistance et de conseil. Selon le projet que s'est procuré RFI, le Conseil de sécurité se contenterait d'«autoriser une force multinationale, sous commandement unifié (langage codé qui désigne le principal contributeur de troupes, c’est-à-dire les États-Unis, NDLR) pour prendre toutes les mesures nécessaires au maintien de la sécurité et de la stabilité en Irak, et exhorte les États membres à contribuer à cet effort sous forme d'assistance, y compris de forces militaires». Ces forces, toujours dirigées par le Pentagone, contribueraient notamment à la sécurité de la Mission de l'Onu, des institutions de l'autorité irakienne intérimaire, et des infrastructures économiques et humanitaires. Le Conseil de sécurité appellerait également la communauté internationale à participer à la formation d'une police irakienne.
Cet appel à l'aide ne s'accompagne d'aucune réelle concession américaine. Au contraire. Le projet américain demande à l'Onu «d'endosser le Conseil de gouvernement irakien» mis en place par les États-Unis. Or ce débat a déjà eu lieu voilà quelques semaines à l'Onu. Et une grande majorité des pays du Conseil de sécurité avaient refusé d'endosser une institution sous la coupe américaine, qu'ils ne considèrent pas comme étant un gouvernement irakien légitime. Après de longues négociations, le Conseil avait fini par s'accorder pour «se féliciter» de la mise en place de la nouvelle institution - ce qui n'équivaut pas à une reconnaissance. Chassés par la porte, les États-Unis essayent de revenir par la fenêtre.
Un rôle très secondaire pour l’Onu
Contrairement à ce qu'espéraient certains diplomates, le rôle offert à l'Onu reste très secondaire, y compris dans le processus politique. Le Conseil de gouvernement irakien est «invité» à «fournir en coopération avec l'autorité opérant en Irak (les États-Unis NDLR) et le représentant spécial du Secrétaire général de l'Onu un calendrier et un programme pour la rédaction d'un projet de nouvelle constitution pour l'Irak et pour la tenue d'élections démocratiques». L'Onu «facilite», «assiste», «aide», mais ne décide pas. La marge de manœuvre des représentants irakiens vis à vis de la tutelle incarnée par l'administrateur américain Paul Bremer n'est pas définie.
L'Onu ne se voit pas non plus confier le dossier de la reconstruction. Le projet de résolution américain «exhorte les États membres et les organisations internationales et régionales à accélérer la fourniture de contributions financières substantielles pour soutenir l'effort de reconstruction de l'Irak». Pas un mot des mécanismes de transparence dans la gestion de l'argent du pétrole irakien, que plusieurs pays appellent pourtant de leurs vœux. Le Conseil de sécurité a déjà prévu leur mise en place, mais cela n'a été suivi d'aucun effet. Aucune promesse non plus d'élargir les passations de marchés de la reconstruction à des entreprises non anglo-saxonnes. La seule concession américaine, relativement minime, est d'accepter d'informer le Conseil de sécurité sur l'évolution de la situation, au moins tous les six mois.
On est donc très loin des appels de la France, de l'Allemagne, et de la Russie, qui demandaient une totale redistribution des cartes au profit de l'Onu en Irak. «Au lieu de prendre le pouvoir de Paul Bremer et de le donner à l'Onu, les États-Unis proposent de le donner au Conseil de gouvernement irakien, estime un diplomate. C'est rusé, mais il reste à savoir si le Conseil de sécurité est prêt à considérer l'autorité irakienne comme un gouvernement légitime, capable de nommer un ambassadeur à l'Onu.» Un autre diplomate estime que le nouveau projet «ne contient rien de nouveau. Les États-Unis font zéro concessions, ils demandent juste à l'Onu de leur donner une légitimité».
Les missions de la France et de la Russie auprès des Nations unies se refusaient hier soir à commenter le projet qui leur a été remis. Mais l'histoire semble se répéter. Par deux fois au cours de l'été, les États-Unis ont tenté d'arracher une résolution du Conseil de sécurité, destinée à obtenir l'aide de pays comme l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh ou la Turquie, qui refusent d'envoyer leurs troupes en Irak sans mandat de l'Onu. Par deux fois, faute de concessions, le Conseil de sécurité a renvoyé les diplomates américains à leurs études. À moins que le camp américain accepte cette fois de changer en profondeur son projet de résolution, il est fort probable que les États-Unis essuieront un troisième échec.
La nouvelle résolution américaine risque d'être accueillie avec froideur, à l'Onu. En dépit de quelques envolées littéraires sur le rôle «vital» des Nations unies en Irak, le projet américain cantonne l'Onu à un rôle marginal d'aide humanitaire, d'assistance et de conseil. Selon le projet que s'est procuré RFI, le Conseil de sécurité se contenterait d'«autoriser une force multinationale, sous commandement unifié (langage codé qui désigne le principal contributeur de troupes, c’est-à-dire les États-Unis, NDLR) pour prendre toutes les mesures nécessaires au maintien de la sécurité et de la stabilité en Irak, et exhorte les États membres à contribuer à cet effort sous forme d'assistance, y compris de forces militaires». Ces forces, toujours dirigées par le Pentagone, contribueraient notamment à la sécurité de la Mission de l'Onu, des institutions de l'autorité irakienne intérimaire, et des infrastructures économiques et humanitaires. Le Conseil de sécurité appellerait également la communauté internationale à participer à la formation d'une police irakienne.
Cet appel à l'aide ne s'accompagne d'aucune réelle concession américaine. Au contraire. Le projet américain demande à l'Onu «d'endosser le Conseil de gouvernement irakien» mis en place par les États-Unis. Or ce débat a déjà eu lieu voilà quelques semaines à l'Onu. Et une grande majorité des pays du Conseil de sécurité avaient refusé d'endosser une institution sous la coupe américaine, qu'ils ne considèrent pas comme étant un gouvernement irakien légitime. Après de longues négociations, le Conseil avait fini par s'accorder pour «se féliciter» de la mise en place de la nouvelle institution - ce qui n'équivaut pas à une reconnaissance. Chassés par la porte, les États-Unis essayent de revenir par la fenêtre.
Un rôle très secondaire pour l’Onu
Contrairement à ce qu'espéraient certains diplomates, le rôle offert à l'Onu reste très secondaire, y compris dans le processus politique. Le Conseil de gouvernement irakien est «invité» à «fournir en coopération avec l'autorité opérant en Irak (les États-Unis NDLR) et le représentant spécial du Secrétaire général de l'Onu un calendrier et un programme pour la rédaction d'un projet de nouvelle constitution pour l'Irak et pour la tenue d'élections démocratiques». L'Onu «facilite», «assiste», «aide», mais ne décide pas. La marge de manœuvre des représentants irakiens vis à vis de la tutelle incarnée par l'administrateur américain Paul Bremer n'est pas définie.
L'Onu ne se voit pas non plus confier le dossier de la reconstruction. Le projet de résolution américain «exhorte les États membres et les organisations internationales et régionales à accélérer la fourniture de contributions financières substantielles pour soutenir l'effort de reconstruction de l'Irak». Pas un mot des mécanismes de transparence dans la gestion de l'argent du pétrole irakien, que plusieurs pays appellent pourtant de leurs vœux. Le Conseil de sécurité a déjà prévu leur mise en place, mais cela n'a été suivi d'aucun effet. Aucune promesse non plus d'élargir les passations de marchés de la reconstruction à des entreprises non anglo-saxonnes. La seule concession américaine, relativement minime, est d'accepter d'informer le Conseil de sécurité sur l'évolution de la situation, au moins tous les six mois.
On est donc très loin des appels de la France, de l'Allemagne, et de la Russie, qui demandaient une totale redistribution des cartes au profit de l'Onu en Irak. «Au lieu de prendre le pouvoir de Paul Bremer et de le donner à l'Onu, les États-Unis proposent de le donner au Conseil de gouvernement irakien, estime un diplomate. C'est rusé, mais il reste à savoir si le Conseil de sécurité est prêt à considérer l'autorité irakienne comme un gouvernement légitime, capable de nommer un ambassadeur à l'Onu.» Un autre diplomate estime que le nouveau projet «ne contient rien de nouveau. Les États-Unis font zéro concessions, ils demandent juste à l'Onu de leur donner une légitimité».
Les missions de la France et de la Russie auprès des Nations unies se refusaient hier soir à commenter le projet qui leur a été remis. Mais l'histoire semble se répéter. Par deux fois au cours de l'été, les États-Unis ont tenté d'arracher une résolution du Conseil de sécurité, destinée à obtenir l'aide de pays comme l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh ou la Turquie, qui refusent d'envoyer leurs troupes en Irak sans mandat de l'Onu. Par deux fois, faute de concessions, le Conseil de sécurité a renvoyé les diplomates américains à leurs études. À moins que le camp américain accepte cette fois de changer en profondeur son projet de résolution, il est fort probable que les États-Unis essuieront un troisième échec.
par Philippe Bolopion
Article publié le 04/09/2003