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Commerce mondial

Le coton est aux cœur des négociations de l’OMC

A Cancun, la survie de la filière cotonnière de l’Afrique est en jeu. L’OMC doit trouver une solution aux problèmes des subventions. C’est la raison pour laquelle les pays de l’ouest et du centre de l’Afrique demandent à ce que soient prises une décision sur un calendrier de réduction accélérée des subventions sur le coton. Une négociation qui renvoie directement aux manières de faire de l’OMC.
De notre envoyé spécial à Cancun

Depuis plusieurs années, les producteurs de coton des pays d’Afrique ont entrepris des réformes importantes pour restructurer et libéraliser le secteur du coton. Mais le résultat de cette restructuration a été anéanti par les subventions (4 milliards de dollars) que touchent les producteurs de coton dans les pays de l’OCDE. C’est un exemple des relations commerciales inégales. Le coton est une monoculture dans certains pays, il fait vivre environ 10 millions de cultivateurs. Pour le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, il représente en moyenne 6,5% du PNB, 66% des revenus d’exportations agricoles et 33% des revenus d’exportation totales (source: IDEAS).

Dans ces pays, les revenus d’exportation ont chuté de 31% alors que la production avait augmenté de 14%. Une perte sèche de 1 milliard de dollar. Entre 1997 et 2002, la baisse sur la valeur du cours mondial du coton représente 50%!
Le coton est l’un des rares produits qui permet à ces pays de tirer des bénéfices des échanges internationaux. Leurs gouvernements ne demande pas l’aide du FMI, ni des dons, ni des cadeaux, simplement ils veulent pouvoir appliquer les accords de l’OMC, c’est a dire avoir une concurrence loyale et des échanges équitables comme le soulignait le représentant de Kofi Annan, Rubens Recupero, lors de son discours d’inauguration. L’OMC ne peut ignorer une telle distorsion sur le marché du coton, surtout après le sommet de Doha sur le développement et les engagements pris pour venir en aide aux pays les plus défavorisés. On se souvient que l’OMC en novembre 2001 a reconnu que les pays industrialisés profitaient davantage des résultats du dernier cycle de l’OMC (Uruguay Round) que les régions pauvres et qu’en conséquence il avait été convenu de remédier aux distorsions et restrictions touchant les marchés agricoles mondiaux et de les prévenir.

Les pays d’Afrique veulent donc que les promesses soient tenues. C’est la raison pour laquelle ils exigent une abolition totale des subventions et, sachant que cela ne peut se faire du jour au lendemain, il réclament une indemnité financière pour compenser les pertes de revenus. Une compensation qui serait transitoire mais qui est vitale pour ces pays africains en raison de la dramatique situation économique dans laquelle vivent ces 10 millions de familles.

Enjeux du Nord et du Sud

La stratégie sur le coton est donc au cœur des négociations à Cancun. C’est très simple explique Bakary Fofana, directeur du CECIDE, le Centre du commerce international pour le développement de Guinée: «Il y a d’un coté les Africains qui défendent la survie de 10 millions de cultivateurs et qui demandent l’application des règles de l’OMC, mais au delà de ces dix millions de pauvres gens, c’est toute l’implication des pays dans le processus de négociation au sein de l’OMC et du même fait le coton devient un sujet central.

Pour les pays du Nord, le coton remet en question la manière de vendre les principes mêmes de l’OMC à l’opinion publique internationale et même nationale: pour les États-Unis, c’est extrêmement important parce qu il n’est pas question de revenir sur les subventions au cotonniers américains pendant cette période pré électorale, pour l’Union européenne, c’est un sujet de négociation essentiel dans la mesure où en faisant des concessions sur le coton, elle peut obliger les pays africains à faire des concessions sur d’autres sujets, en particulier les questions de Singapour et d’accès aux marchés
». Derrière le coton, il y a en fait une bataille de compréhension et d’implication dans la dynamique des négociation au sein de l’OMC. Ces pays d’Afrique pourraient bien avant la fin du sommet de Cancun, rejoindre le groupe des 22 qui trouvent que l’OMC doit se reformer pour que les décisions ne soient pas prises uniquement pour les seuls avantages des grandes puissances.



par Patrice  Gouy

Article publié le 12/09/2003