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Santé

Canicule : un rapport d’experts accablant

Manque d’anticipation, d’organisation et de coordination de tous les acteurs du système sanitaire. C’est ce que révèle un rapport d’experts sur les morts liés à la canicule remis lundi 8 septembre au ministre de la Santé. Le rapport dénonce également le manque de personnels dans les hôpitaux et l’absence des médecins libéraux pendant l’été.
La canicule qui a fait plus de 11 000 morts cet été en France aurait-elle pu être évitée ? Oui à en croire un rapport rendu public lundi 8 septembre. Le document des experts de l’Inspection générale des Affaires sociales sur les conséquences de la vague de chaleur est un véritable réquisitoire. Tous les acteurs du système sanitaire sont mis en cause dans la gestion désastreuse de la canicule. En revanche, le ministre de la Santé Jean-François Mattei, vigoureusement attaqué par l’opposition de gauche, ne l'est pas.

L’information n’a pas circulée entre les différentes autorités concernées. Les trois médecins, auteurs du rapport, pointent notamment le «cloisonnement entre les ministères, les administrations et les services d’urgence sur le terrain» qui a entravé la mise en commun de toutes les données disponibles sur la canicule. «La mise en commun de ces informations aurait permis de percevoir plus tôt le caractère exceptionnel du phénomène, de réagir plus vite, de façon mieux coordonnée et plus efficacement», dit le document. C’est ce qui explique le décalage sensible entre l’ampleur de la crise sur le terrain et sa perception par les autorités sanitaires concernées, d’autant qu’aucun programme d’alerte sur les risques liées à la chaleur n’a été mis au point.

Ce document contient de nombreux exemples de mauvaises communications entre les autorités sanitaires concernées. Si rien de probant n’était perceptible jusqu’au 6 août, les indices se sont ensuite accumulés sur le terrain: forte hausse des interventions des pompiers et des services d’urgence, multiplication par dix du nombre de personnes décédées à leur domicile, et ce bien avant que les administrations et le gouvernement ne commencent à réagir. Le plan blanc réquisitionnant les lits dans les hôpitaux n’a été déclenché qu’une semaine plus tard.

Des indices dès le 6 août

Egalement mis en cause, les médecins libéraux, dont les départs en congés massifs auraient pesé sur le fonctionnement des urgences. Par ailleurs, la mission d’experts pointe «les difficultés croissantes à disposer de personnels en nombre suffisant dans les hôpitaux», en raison de la mise en oeuvre de la semaine de travail de 35 heures, de l'intégration du temps de garde dans le temps de travail, et de l'état de la démographie médicale. Le mois d’août a été également marqué par des fermetures de lits d’hôpitaux plus importantes que celles prévues initialement par l’Administration hospitalière centrale.

Ce document de 200 pages reproche également aux autorités sanitaires d’avoir fait l’impasse sur l’existence d’un certain nombre d’informations pertinentes qui auraient pu permettre en amont de prévenir cette hécatombe. Une importante littérature médicale est disponible sur les risques liées aux vagues de chaleur. Les expériences antérieures ont permis d’identifier les victimes des canicules. En général, des personnes âgées, isolées, parfois malades ou grabataires, vivant dans des logements mal ventilés et non climatisés.

Pour éviter une nouvelle catastrophe de ce type, les experts préconisent une réorganisation de l’Institut de veille sanitaire (InVS), afin de pouvoir développer à l’avenir un système d’alerte simple et robuste qui travaillera en liaison avec les services d’urgence et météorologiques. Autres propositions de la mission: créer des réseaux des réseaux gériatriques ville-hôpital pour une meilleure prise en charge des personnes âgées, recenser les personnes âgées vivant seules ou vulnérables et réviser le système d’information des décès. Côté prévention toujours, la mission insiste sur la préparation de «programmes pour des situations climatiques extrêmes». S’agissant de la climatisation, il faut que les établissements (hôpitaux, maison de retraite) étudient la mise en place d’équipements de climatisation.

Les réactions des professionnels de santé ne se sont pas fait attendre. Le syndicat des généralistes MG-France estime que «les médecins sont traités en boucs émissaires». Vive réaction également du président de InVS, Gilles Brücker rejette toute responsabilité dans cette crise sanitaire: «les défaillances ne relèvent pas de l’InVS. Il n’y a jamais eu de dysfonctionnement liés à l’absence d’une permanence de veille». Avant de préciser toutefois que l’InVS allait tirer «un certain nombre de leçons très importantes de cette crise». Pour sa part, le syndicat des maisons de retraites privées (Synerpa) estime que ce rapport conforte, en tous points, le constat fait par les professionnels d’un fort déficit de personnel soignant en établissement. «Si le gouvernement n'est pas directement responsable des 11 400 morts, il sera en revanche comptable des suivants si, au vu des conclusions du rapport, il n'agit pas sans délais», a expliqué le président du Synerpa, Luc Broussy.

La remise du rapport marque le début d’une semaine d’examen de la crise liée à la canicule meurtrière, dont le bilan définitif devrait être connu le 20 septembre prochain. Le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, quant à lui, sera entendu jeudi par la mission d'information de la commission des affaires familiales et sociales de l'Assemblée nationale à propos de cette crise sanitaire.



par Myriam  Berber

Article publié le 09/09/2003