Politique française
Le Premier ministre contre l’Europe
Contre vents et marées le Premier ministre français n’en démord pas : en dépit d’une conjoncture défaillante, des critiques tous azimuts et des engagements européens de la France (considérée comme le «moteur» de l’Union européenne, avec l’Allemagne), il persiste dans sa volonté de poursuivre la baisse de l’impôt sur le revenu entamée l’année dernière avec l’arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité.
Dans le contexte économique difficile que traverse la France, qui ne respectera pas le pacte de stabilité européen cette année, l’annonce jeudi soir d’une nouvelle baisse de 3% de l’impôt sur le revenu (IR) a déclenché une vague d’incompréhension et de scepticisme chez les uns, un tollé parmi les adversaires politiques de l’actuelle majorité présidentielle. Au cours de ces dernières années, et quelle que soit la majorité en place, l’impôt n’a pas été très populaire et les différents gouvernements successifs se sont employés à en limiter les effets réputés néfastes pour la consommation des ménages et, par voie de conséquence, sur l’activité économique.
C’est un pari audacieux. En maintenant le cap fixé par Jacques Chirac lors de sa campagne électorale (baisser l’IR de 30% sur cinq ans), le gouvernement veut relancer l’investissement, renouer avec la croissance et espère que cette tendance sera de nature à combler les déficits, voire à les surmonter. Pourtant rien n’est moins sûr. Le «moral des ménages» n’est pas une équation mathématique, mais plutôt une alchimie imprévisible et, en toute logique, les autorités s’appuient sur des prévisions de croissance modestes, de l’ordre de 1,7% l’an prochain.
Si le patronat se félicite du maintien de cette tendance, si les membres du parti présidentiel UMP appliquent sans états d’âme la discipline militante derrière leur chef de file, on entend néanmoins parmi les acteurs les mieux disposés à l’égard du gouvernement et du libéralisme des commentaires dubitatifs. Le ministère des Finances auraient préféré une baisse plus modeste, limitée à 1%. Le gouverneur de la Banque de France, futur président de la Banque centrale européenne, est troublé. Au sein même de la majorité présidentielle, des alliés de l’UMP contestent la décision. Quant à l’opposition, elle fait valoir que la baisse de l’IR est une erreur sur le plan économique, car l’Etat se prive de ressources à un moment où les déficits sociaux s’accumulent, qu’elle ne profite qu’à ceux qui le paient, c’est à dire les riches, et que le gain par famille sera de toute façon dévoré par l’augmentation des taxes locales payés indifféremment par tous, riches et pauvres.
Arrogance et populisme
La dimension européenne du problème prend également une ampleur imprévue. Avec un déficit qui devrait atteindre 4% du produit intérieur brut cette année, la France crève le plafond des 3% du pacte de stabilité européen qu’elle a elle-même contracté avec ses partenaires. Et loin de manifester la contrition du plus mauvais élève de la classe, le Premier ministre adopte une attitude qui passe pour de l’arrogance et du populisme aux yeux de nombreux observateurs de la vie politique nationale. En effet, c’est négliger les efforts consentis par les partenaires (présents et futurs) de Paris pour maintenir à niveau leurs propres déficits et oublier que plus de la moitié du commerce extérieur de la France est communautaire.
Lorsque le commissaire européen Pascal Lamy rappelle Jean-Pierre Raffarin à l’ordre budgétaire, celui-ci réplique que son «premier devoir, ce n’est pas d’aller rendre des équations comptables et de faire des problèmes de mathématiques pour que tel ou tel bureau dans tel ou tel pays soit satisfait». Vendredi dans le département des Landes, lors des universités d’été des jeunes de l’UMP, le chef du gouvernement a enfoncé le clou en déclarant qu’il avait demandé à M. Lamy, «de manière ferme et courtoise, de s’en tenir à son mandat, rien qu’à son mandat de négociateur avec l’OMC (Organisation mondiale du commerce)». Présent, l’autre commissaire européen français, Michel Barnier, a préféré se faire discret et ne s’est pas associé aux attaques anti-européennes prononcées à la tribune. Ce qui lui a valu un commentaire acerbe de la part du président de l’UMP, Alain Juppé : «il est là au fond et je ne sais pas pourquoi il n’est pas à nos côtés».
Après les futurs retraités, les enseignants, les intermittents du spectacle, les Corses, le personnel médical, les laissés-pour-compte des plans sociaux annoncés, ce gouvernement vient d’ajouter les pro-européens à la liste des catégories de Français qu’il vient de se mettre à dos. En attendant, Jean-Pierre Raffarin aura réussi l’improbable performance de renvoyer l’impôt, jusqu’alors discrédité, au centre du débat républicain.
Ecouter également :
Pascal Lamy est l'invité de la semaine du 06/09/2003 (13'40)
C’est un pari audacieux. En maintenant le cap fixé par Jacques Chirac lors de sa campagne électorale (baisser l’IR de 30% sur cinq ans), le gouvernement veut relancer l’investissement, renouer avec la croissance et espère que cette tendance sera de nature à combler les déficits, voire à les surmonter. Pourtant rien n’est moins sûr. Le «moral des ménages» n’est pas une équation mathématique, mais plutôt une alchimie imprévisible et, en toute logique, les autorités s’appuient sur des prévisions de croissance modestes, de l’ordre de 1,7% l’an prochain.
Si le patronat se félicite du maintien de cette tendance, si les membres du parti présidentiel UMP appliquent sans états d’âme la discipline militante derrière leur chef de file, on entend néanmoins parmi les acteurs les mieux disposés à l’égard du gouvernement et du libéralisme des commentaires dubitatifs. Le ministère des Finances auraient préféré une baisse plus modeste, limitée à 1%. Le gouverneur de la Banque de France, futur président de la Banque centrale européenne, est troublé. Au sein même de la majorité présidentielle, des alliés de l’UMP contestent la décision. Quant à l’opposition, elle fait valoir que la baisse de l’IR est une erreur sur le plan économique, car l’Etat se prive de ressources à un moment où les déficits sociaux s’accumulent, qu’elle ne profite qu’à ceux qui le paient, c’est à dire les riches, et que le gain par famille sera de toute façon dévoré par l’augmentation des taxes locales payés indifféremment par tous, riches et pauvres.
Arrogance et populisme
La dimension européenne du problème prend également une ampleur imprévue. Avec un déficit qui devrait atteindre 4% du produit intérieur brut cette année, la France crève le plafond des 3% du pacte de stabilité européen qu’elle a elle-même contracté avec ses partenaires. Et loin de manifester la contrition du plus mauvais élève de la classe, le Premier ministre adopte une attitude qui passe pour de l’arrogance et du populisme aux yeux de nombreux observateurs de la vie politique nationale. En effet, c’est négliger les efforts consentis par les partenaires (présents et futurs) de Paris pour maintenir à niveau leurs propres déficits et oublier que plus de la moitié du commerce extérieur de la France est communautaire.
Lorsque le commissaire européen Pascal Lamy rappelle Jean-Pierre Raffarin à l’ordre budgétaire, celui-ci réplique que son «premier devoir, ce n’est pas d’aller rendre des équations comptables et de faire des problèmes de mathématiques pour que tel ou tel bureau dans tel ou tel pays soit satisfait». Vendredi dans le département des Landes, lors des universités d’été des jeunes de l’UMP, le chef du gouvernement a enfoncé le clou en déclarant qu’il avait demandé à M. Lamy, «de manière ferme et courtoise, de s’en tenir à son mandat, rien qu’à son mandat de négociateur avec l’OMC (Organisation mondiale du commerce)». Présent, l’autre commissaire européen français, Michel Barnier, a préféré se faire discret et ne s’est pas associé aux attaques anti-européennes prononcées à la tribune. Ce qui lui a valu un commentaire acerbe de la part du président de l’UMP, Alain Juppé : «il est là au fond et je ne sais pas pourquoi il n’est pas à nos côtés».
Après les futurs retraités, les enseignants, les intermittents du spectacle, les Corses, le personnel médical, les laissés-pour-compte des plans sociaux annoncés, ce gouvernement vient d’ajouter les pro-européens à la liste des catégories de Français qu’il vient de se mettre à dos. En attendant, Jean-Pierre Raffarin aura réussi l’improbable performance de renvoyer l’impôt, jusqu’alors discrédité, au centre du débat républicain.
Ecouter également :
Pascal Lamy est l'invité de la semaine du 06/09/2003 (13'40)
par Georges Abou
Article publié le 06/09/2003