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Irak

Washington tente de briser «le camp de la paix»

L’administration américaine a décidément la rancune tenace. Et il semblerait bien que conformément à ce que clamait Condolezza Rice, la conseillère de George Bush pour la sécurité intérieure qui préconisant, au lendemain de la fin officielle des opérations militaires en Irak, de pardonner à la Russie, de bouder l’Allemagne et de punir la France, que la Maison Blanche ait choisi d’isoler Paris, sans doute dans le secret espoir de briser cette troïka qui s’était opposée de façon aussi véhémente à la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Dans ce contexte, l’accueil poli mais distant réservé par le président américain à Jacques Chirac contraste sévèrement avec celui beaucoup plus chaleureux destiné à Gerhard Schröder ou encore à Vladimir Poutine. Mais malgré cette différence de traitement, les trois pays affichent toujours leur ferme adhésion à un rôle central de l’ONU dans la reconstruction de l’Irak.
A en croire la presse russe, la troïka européenne des opposants à la guerre en Irak est définitivement «tombée en ruines» à New York. Elle en prend pour preuve l’intervention de Vladimir Poutine à la tribune des Nations unies. Le président russe, affirme-t-elle, «a évité de faire des commentaires sur les actions américaines en Irak». Il est vrai que l’homme fort de Moscou a ménagé Washington sur le dossier irakien, se contentant de plaider pour un rôle accru des Nations unis dans ce pays. «La position de la Russie est claire et constante : seule une participation directe de l’ONU dans la reconstruction de l’Irak donnera à son peuple une chance de définir son avenir de manière indépendante», a déclaré Vladimir Poutine. Mais contrairement à son homologue français, il s’est bien gardé de faire la moindre allusion à un calendrier de transfert effectif de la souveraineté aux Irakiens.

Une position qui se comprend aisément, le président russe souhaitant éviter toute polémique avec George Bush qui le reçoit vendredi et samedi dans la résidence présidentielle de Camp David. Si le dossier irakien est au menu des discussions, les deux hommes aborderont également d’autres sujets épineux comme le programme nucléaire iranien, soutenu contre l’avis de Washington par Moscou, et objet de frictions entre les deux gouvernements.

Mais le ton conciliant adopté par Vladimir Poutine ne signifie pas pour autant que la Russie a quitté le camp de la paix. Le président russe a en effet participé mercredi à une réunion tripartite avec Jacques Chirac et Gerhard Schröder. S’agissait-il de garder la face ? Rien n’est moins sûr. A l’issue de cette rencontre d’une heure, qualifiée de «cordiale, amicale et positive», le président français a en effet tenu à réaffirmer l’unité de l’ancien front des anti-guerre. «Il n’y a pas l’ombre d’une divergence entre la position allemande et française sur l’Irak. C’est tout à fait clair et incontestable», a déclaré Jacques Chirac qui a précisé que cette position était «très commune avec les Russes». Evoquant les discussions, il a également affirmé que les trois capitales voulaient négocier le projet américain de résolution «dans un esprit à la fois positif et constructif».

Offensive de charme de Bush pour Schröder

Cette démonstration d’unité était d’ailleurs loin d’être inutile tant les Américains se sont appliqués à isoler la France depuis le début de l’Assemblée générale des Nations unies. Car si George Bush s’est entretenu avec le président français, il n’a pas cru en effet bon d’en rendre compte à la presse, tandis que Jacques Chirac se contentait pour sa part d’indiquer que «des divergences» subsistaient entres les deux pays. Le président américain a en revanche tenu à médiatiser sa rencontre avec le chancelier allemand, la première après seize mois de brouille. Par deux fois, il a appelé devant les caméras son hôte par son prénom en assurant : «Nous avons eu des différences, c’est fini, et nous allons travailler ensemble».

Mais cette réconciliation semble avoir ses limites. Selon les observateurs en effet, si les rapports germano-américains sont passés de l’ère glaciaire à une température plus clémente, ils n’en sont pas pour autant au beau fixe. Sur le fond en effet, l’Allemagne, comme la France, ne partage pas du tout le point de vue américain sur le dossier irakien, tous deux plaidant en effet pour un transfert rapide de souveraineté aux Irakiens. Les deux pays s’opposent en outre encore à Washington sur le rôle des Nations unies dans la reconstruction du pays.

Alors que de plus en plus d’experts mettent en doute la réalité même d’un camp de la paix, arguant notamment du fait qu’il ne s’agissait que d’une alliance de circonstance, les trois pays se retrouvent une nouvelle fois dans le même clan. Ni Paris, ni Berlin, ni Moscou n’ont en effet répondu à l’appel des Américains pour l’envoi de troupes en Irak et pour le financement de la reconstruction que ces derniers avaient naïvement cru pouvoir trouver dans le pétrole irakien.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/09/2003