Nigeria
«L’embryon dormant» sauve Amina Lawal
Amina Lawal, condamnée à mort par lapidation pour adultère, a été acquittée jeudi par la Cour d’appel de Katsina, dans le nord du Nigeria. L’examen en deuxième appel de sa condamnation et l’acquittement sont révélateurs des dissensions qui existent entre les adeptes de la charia.
La Cour d’appel islamique de Katsina, dans le nord du Nigeria, a très rapidement rendu son verdict dans le procès en appel, pour la condamnation à mort d’Amina Lawal par lapidation. Les juges, englués dans les contradictions, se sont accrochés à tout ce qui pouvait plaider leur cause: se sortir d’affaire! La Cour a estimé que celle de Funtuna qui a confirmé en appel la condamnation à mort «a eu tort de ne pas l’autoriser à rétracter ses aveux faits au cours du procès de première instance en mars dernier», a indiqué un juge. Autrement dit, l’expression de la vérité avait conduit la Cour d’appel de Funtuna à n’avoir aucune autre possibilité que de condamner à mort l’accusée. Cette Cour aurait dû donc permettre à Amina Lawal, de mentir en revenant sur ses aveux, affirmant haut et fort «qu’elle n’avait, depuis sa séparation d’avec son mari (deux ans), eu aucune relation sexuelle».
La Cour d’appel islamique de Katsina a rattrapé ce manque d’habileté de leurs confrères de Funtuna, en adjoignant l’hypocrisie à l’absurde. En effet la rigidité des juges de Funtuna n’a pas permis à Amina Lawal de mentir, ce qui aurait permis d’ouvrir la voie à une autre ligne de défense, non moins absurde. Les avocats d’Amina Lawal se sont engouffrés dans la brèche ouverte par les juges, pour dire «qu’en fait leur cliente n’avait jamais eu de relation sexuelle hors mariage». Sa grossesse, deux ans après avoir divorcé, serait le fait «d’un embryon dormant», phénomène que reconnaît la loi islamique. «L’embryon dormant» aurait été fécondé alors qu’Amina Lawal était encore auprès de son mari. Les avocats ont aussi plaidé le fait que l’enfant avait été conçu bien avant l’introduction de la charia dans l’Etat de Katsina.
La sagesse des juges
Devant des arguments aussi convaincants, les juges de la Cour d’appel de Katsina ont rendu sa liberté à Amina Lawal. «Nous nous rassemblons (demain) pour livrer notre jugement au monde. Nous voulons que le monde s’aperçoive de la sagesse de la charia», avait déclaré, la veille du verdict, le greffier en chef du tribunal de Katsina. La mobilisation des grands médias et des organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme a dû aussi peser dans «la sagesse» des juges, qui étaient par ailleurs confrontés à une opinion nationale de plus en plus controversée. Amina Lawal avait trouvé des soutiens dans son village natal, dont les ressortissants s’étaient déplacés en masse, promettant même de la soustraire à la justice, si sa condamnation était confirmée. La menace de l’affrontement entre ethnies planait au-dessus de la tête des juges.
Sur le plan politique, le silence pesant des autorités d’Abuja a fait gonfler la polémique entre partisans et opposants de la charia. Parmi les musulmans on commence par dénoncer l’injustice d’une loi islamique qui ne «frappe que les pauvres». La fréquentation des hôtels et de certains lieux prouve bien à qui ne se voile pas la face que les violations flagrantes de la charia ne sont pas le fait des seules femmes. C’est ce que laissent entendre en substance des représentants des communautés religieuses, musulmane et chrétienne, qui dénoncent la corruption des riches et des hommes politiques. Les associations chrétiennes reprochent particulièrement au président Olushegun Obasanjo, chrétien du sud, de faire preuve de laxisme vis-à-vis des Etats musulmans du nord de la fédération nigériane qui ont adopté la charia. Elles assimilent le laisser-faire du gouvernement à la crainte de mécontenter les 63 millions de musulmans qui représentent, par ailleurs, la moitié de la population globale du pays. Pour de nombreux observateurs la passivité du pouvoir s’exprime dans son appel aux citoyens à s’adresser à la Cour suprême s’ils se sentent «injustement condamnés». Le pouvoir, faute de s’opposer aux musulmans du nord, rétablit l’autorité juridique de l’Etat, en appelant aux initiatives individuelles. C’est d’ailleurs le dernier recours que brandissaient les avocats d’Amina Lawal, confiants et convaincus que la sentence qui aurait frappé leur cliente n’aurait jamais été appliquée.
Ecouter également:
Ecouter Me François Cantier, président d’Avocats sans frontières, l’un des défenseurs d’Amina Lawal (Clarisse Vernhes, 25 septembre 2003, 1’00’’).
La Cour d’appel islamique de Katsina a rattrapé ce manque d’habileté de leurs confrères de Funtuna, en adjoignant l’hypocrisie à l’absurde. En effet la rigidité des juges de Funtuna n’a pas permis à Amina Lawal de mentir, ce qui aurait permis d’ouvrir la voie à une autre ligne de défense, non moins absurde. Les avocats d’Amina Lawal se sont engouffrés dans la brèche ouverte par les juges, pour dire «qu’en fait leur cliente n’avait jamais eu de relation sexuelle hors mariage». Sa grossesse, deux ans après avoir divorcé, serait le fait «d’un embryon dormant», phénomène que reconnaît la loi islamique. «L’embryon dormant» aurait été fécondé alors qu’Amina Lawal était encore auprès de son mari. Les avocats ont aussi plaidé le fait que l’enfant avait été conçu bien avant l’introduction de la charia dans l’Etat de Katsina.
La sagesse des juges
Devant des arguments aussi convaincants, les juges de la Cour d’appel de Katsina ont rendu sa liberté à Amina Lawal. «Nous nous rassemblons (demain) pour livrer notre jugement au monde. Nous voulons que le monde s’aperçoive de la sagesse de la charia», avait déclaré, la veille du verdict, le greffier en chef du tribunal de Katsina. La mobilisation des grands médias et des organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme a dû aussi peser dans «la sagesse» des juges, qui étaient par ailleurs confrontés à une opinion nationale de plus en plus controversée. Amina Lawal avait trouvé des soutiens dans son village natal, dont les ressortissants s’étaient déplacés en masse, promettant même de la soustraire à la justice, si sa condamnation était confirmée. La menace de l’affrontement entre ethnies planait au-dessus de la tête des juges.
Sur le plan politique, le silence pesant des autorités d’Abuja a fait gonfler la polémique entre partisans et opposants de la charia. Parmi les musulmans on commence par dénoncer l’injustice d’une loi islamique qui ne «frappe que les pauvres». La fréquentation des hôtels et de certains lieux prouve bien à qui ne se voile pas la face que les violations flagrantes de la charia ne sont pas le fait des seules femmes. C’est ce que laissent entendre en substance des représentants des communautés religieuses, musulmane et chrétienne, qui dénoncent la corruption des riches et des hommes politiques. Les associations chrétiennes reprochent particulièrement au président Olushegun Obasanjo, chrétien du sud, de faire preuve de laxisme vis-à-vis des Etats musulmans du nord de la fédération nigériane qui ont adopté la charia. Elles assimilent le laisser-faire du gouvernement à la crainte de mécontenter les 63 millions de musulmans qui représentent, par ailleurs, la moitié de la population globale du pays. Pour de nombreux observateurs la passivité du pouvoir s’exprime dans son appel aux citoyens à s’adresser à la Cour suprême s’ils se sentent «injustement condamnés». Le pouvoir, faute de s’opposer aux musulmans du nord, rétablit l’autorité juridique de l’Etat, en appelant aux initiatives individuelles. C’est d’ailleurs le dernier recours que brandissaient les avocats d’Amina Lawal, confiants et convaincus que la sentence qui aurait frappé leur cliente n’aurait jamais été appliquée.
Ecouter également:
Ecouter Me François Cantier, président d’Avocats sans frontières, l’un des défenseurs d’Amina Lawal (Clarisse Vernhes, 25 septembre 2003, 1’00’’).
par Didier Samson
Article publié le 25/09/2003