Algérie
Les journalistes rappelés à l’ordre
La presse dénonce une campagne de harcèlement. Elle se traduit par la multiplication des procédures policières et judiciaires contre les journalistes et les titres qui les emploient. Jusqu’à présent la presse algérienne jouissait d’une liberté incomparable dans la région. Cette évolution pourrait révéler le durcissement d’un régime confronté à une opposition interne, face à des échéances électorales dont il ne contrôle plus l’issue.
Ces dernières semaines ont révélé l’émergence d’une très forte crispation entre le pouvoir et algérien et la presse. Jeudi, c’est la presse oranaise qui a été la dernière visée par le pouvoir. Le patron du groupe de presse Er-Raï El Aam, Ahmed Benaoum, a été interpellé par la police de la grande métropole de l’ouest algérien et aussitôt conduit au commissariat central de la ville. Selon le directeur de l’un des journaux du groupe (Ahmed Oukili d’Er-Raï), cette interpellation «est le résultat d’une campagne de harcèlement lancée contre le personnel de l’entreprise depuis des mois par la police». Dans l’après-midi, une trentaine de personnes, parmi lesquelles 17 journalistes et lui-même, venues manifester contre cette interpellation devant les locaux de la police, étaient à leur tour appréhendées. Elles devraient être présentées à la justice samedi. L’arrestation de M. Benaoum intervient à la suite d’une série d’articles consacrés «aux abus» du chef de la police d’Oran, publiée sur la base de témoignages impliquant des fonctionnaires de police.
Lundi 8 septembre, le directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, et le caricaturiste du journal Liberté, Ali Dilem, avaient été interpellés à leur domicile et passé la journée au commissariat central d’Alger où ils avaient été interrogés. Les deux hommes sont connus l’un pour les articles et les caricatures sans complaisance à l’égard du président Abdelaziz Bouteflika publiés par son journal et l’autre pour ses caricatures tournant en ridicule le chef de l’Etat. Tous deux avaient refusé de répondre aux convocations de la police, conformément à la décision prise le samedi précédent par sept quotidiens au nom du principe que l’appréciation du délit de presse relève directement de la justice, et non pas de la police.
Selon leur avocat, les deux hommes sont victimes de «harcèlement» après la publication d’informations présumées compromettantes pour le chef de l’Etat et son entourage, notamment pour son ministre de l’Intérieur et homme de confiance, Yazid Zerhouni. Mardi, ils ont été tous deux inculpés «d’offense au chef de l’Etat» tandis que jeudi le directeur du Soir d’Algérie était également convoqué par la police. Comme ses confrères, il a affirmé qu’il ne se rendrait pas à la convocation. Dans le contexte, son interpellation prochaine ne constituerait donc pas une surprise.
Le pouvoir menacé ?
La détérioration du climat entre la presse et le pouvoir s’est radicalisée cette été lorsqu’à la mi-août les six journaux les plus virulents à l’égard de l’équipe gouvernementale (Er-raï, Liberté, Le Matin, Le Soir d’Algérie, El-Khabar et L’Expression) ont été sommés de payer leurs dettes aux imprimeries d’Etat. Pour quatre d’entre eux (Liberté, El Khabar, Le Matin et Le Soir d’Algérie) l’interruption fut de courte durée. En revanche L’Expression et Er-Raï sont toujours absents des kiosques.
Cette correction infligée par les autorités algériennes aux journalistes n’est pas sans rappeler le durcissement des positions et l’apparition de vifs antagonismes enregistrées au sein même de la classe politique à moins d’un an des élections. Le pouvoir en éprouverait-il une sensibilité particulière, exacerbée, à l’égard d’une critique trop vive ? Le clan présidentiel est, il est vrai, confronté à des difficultés internes qui compliquent sa reconduction, quasi-automatique depuis l’indépendance. L’ex-parti unique, le Front de libération nationale au pouvoir depuis 1962, enregistre des dissensions inhabituelles qui permettent peut-être d’envisager un scrutin plus ouvert. Le secrétaire général du parti a en effet annoncé sa volonté de se présenter, contre Abdelaziz Bouteflika, attitude d’indocilité qui a provoqué la colère du président algérien qui, à titre de représailles, vient de limoger six ministres membres du FLN.
Jusqu’à présent le pouvoir semblait, sinon mépriser, du moins ignorer la presse. En échange de quoi celle-ci jouissait d’une liberté incomparable dans la région et la critique des élites politiques, la description de ses frasques présumées ou avérées, allaient bon train dans les journaux algériens. Sans influence notable d’ailleurs sur les résultats, d’une stabilité remarquable, enregistrés par l’oligarchie militaro-économique lors des consultations périodiques.
La presse algérienne passe pour la plus impertinente et la plus libre du Maghreb et c’est l’un des nombreux paradoxes de ce pays dont le régime a confisqué le pouvoir dont il était dépositaire et détourné au profit de la classe dominante les énormes richesses qu’il détient. Cette crispation traduirait-elle un sentiment de menace inédit éprouvé par le régime ?
«Je ne poursuivrai ni ne suspendrai aucun journal», avait pourtant proclamé le président au début de son mandat, en 1999.
Lundi 8 septembre, le directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, et le caricaturiste du journal Liberté, Ali Dilem, avaient été interpellés à leur domicile et passé la journée au commissariat central d’Alger où ils avaient été interrogés. Les deux hommes sont connus l’un pour les articles et les caricatures sans complaisance à l’égard du président Abdelaziz Bouteflika publiés par son journal et l’autre pour ses caricatures tournant en ridicule le chef de l’Etat. Tous deux avaient refusé de répondre aux convocations de la police, conformément à la décision prise le samedi précédent par sept quotidiens au nom du principe que l’appréciation du délit de presse relève directement de la justice, et non pas de la police.
Selon leur avocat, les deux hommes sont victimes de «harcèlement» après la publication d’informations présumées compromettantes pour le chef de l’Etat et son entourage, notamment pour son ministre de l’Intérieur et homme de confiance, Yazid Zerhouni. Mardi, ils ont été tous deux inculpés «d’offense au chef de l’Etat» tandis que jeudi le directeur du Soir d’Algérie était également convoqué par la police. Comme ses confrères, il a affirmé qu’il ne se rendrait pas à la convocation. Dans le contexte, son interpellation prochaine ne constituerait donc pas une surprise.
Le pouvoir menacé ?
La détérioration du climat entre la presse et le pouvoir s’est radicalisée cette été lorsqu’à la mi-août les six journaux les plus virulents à l’égard de l’équipe gouvernementale (Er-raï, Liberté, Le Matin, Le Soir d’Algérie, El-Khabar et L’Expression) ont été sommés de payer leurs dettes aux imprimeries d’Etat. Pour quatre d’entre eux (Liberté, El Khabar, Le Matin et Le Soir d’Algérie) l’interruption fut de courte durée. En revanche L’Expression et Er-Raï sont toujours absents des kiosques.
Cette correction infligée par les autorités algériennes aux journalistes n’est pas sans rappeler le durcissement des positions et l’apparition de vifs antagonismes enregistrées au sein même de la classe politique à moins d’un an des élections. Le pouvoir en éprouverait-il une sensibilité particulière, exacerbée, à l’égard d’une critique trop vive ? Le clan présidentiel est, il est vrai, confronté à des difficultés internes qui compliquent sa reconduction, quasi-automatique depuis l’indépendance. L’ex-parti unique, le Front de libération nationale au pouvoir depuis 1962, enregistre des dissensions inhabituelles qui permettent peut-être d’envisager un scrutin plus ouvert. Le secrétaire général du parti a en effet annoncé sa volonté de se présenter, contre Abdelaziz Bouteflika, attitude d’indocilité qui a provoqué la colère du président algérien qui, à titre de représailles, vient de limoger six ministres membres du FLN.
Jusqu’à présent le pouvoir semblait, sinon mépriser, du moins ignorer la presse. En échange de quoi celle-ci jouissait d’une liberté incomparable dans la région et la critique des élites politiques, la description de ses frasques présumées ou avérées, allaient bon train dans les journaux algériens. Sans influence notable d’ailleurs sur les résultats, d’une stabilité remarquable, enregistrés par l’oligarchie militaro-économique lors des consultations périodiques.
La presse algérienne passe pour la plus impertinente et la plus libre du Maghreb et c’est l’un des nombreux paradoxes de ce pays dont le régime a confisqué le pouvoir dont il était dépositaire et détourné au profit de la classe dominante les énormes richesses qu’il détient. Cette crispation traduirait-elle un sentiment de menace inédit éprouvé par le régime ?
«Je ne poursuivrai ni ne suspendrai aucun journal», avait pourtant proclamé le président au début de son mandat, en 1999.
par Georges Abou
Article publié le 12/09/2003