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Eglise catholique

Un collège électoral toujours très européen

Menacé dans son action sinon dans sa vie par la maladie, Jean-Paul II a pris de l’avance sur le calendrier qui prévoyait pour février 2004 son neuvième Consistoire, la cérémonie rituelle consacrant la «création» de cardinaux. Dimanche, le pape a désigné 31 nouveaux «princes de l’Eglise» et fixé au 21 octobre leur avènement. A cette date, 26 d’entre eux viendront s’ajouter aux 109 cardinaux disposant du droit de participer au Conclave, le collège électoral chargé de donner un pape à l’Eglise catholique. Ces nominations dénotent un souci d’équilibre intercontinental tout en confirmant le poids de la composante européenne du conclave. Certaines d’entre elles vont sans doute entraîner des remaniements au sein de la Curie romaine, le «gouvernement pontifical».
Le Consistoire verra la création des 31 nouveaux cardinaux le 21 octobre, à l’issue des cérémonies célébrant le vingt-cinquième anniversaire du pontificat de Jean-Paul II, élu le 16 octobre 1978. Sur la liste figurent sept collaborateurs de la Curie romaine, dont le Français Jean-Louis Tauran. Il est l’actuel secrétaire pour les relations avec les Etats (autrement dit ministre des Affaires étrangères) à la Secrétairerie du pape, c’est-à-dire le numéro deux dans l’organigramme de l’état-major de la Curie, derrière le secrétaire d’Etat chargé des Affaires générales, le cardinal Angelo Sodano actuellement. L’élévation au rang de cardinal de Mgr Taura implique son départ du poste de chef de la diplomatie pontificale.

Outre 19 évêques d’églises locales, les nouveaux promus comptent dans leur rang quatre ecclésiastiques dont le pape a tenu à saluer les mérites mais qui ont quatre-vingts ans ou plus. A l’instar de 55 des 164 cardinaux actuellement en fonction, ils ont donc franchi la limite d’âge fixée aux électeurs pontificaux, membres potentiels du conclave. Quant au trente et unième nouveau cardinal, il est déclaré in pectore et donc privé du droit de vote puisque le pape veut garder son nom secret ( in pectore : dans son cœur)pour ne pas le mettre en difficulté là où il se trouve, comme l’accepte la loi de l’Eglise. Au total, sur ces 31 nouveaux cardinaux, 26 seulement seraient en droit de se joindre aux 109 autres cardinaux du conclave qui compterait donc 135 grands électeurs. Cela, s’il avait à se réunir le 21 octobre où dans les mois qui suivent parce que au delà du premier trimestre 2004, une dizaine de cardinaux supplémentaires auront rejoint les octogénaires. D’autres peuvent également disparaître, bien sûr. Mais dans tous les cas de figures, le collège électoral aura été presque entièrement composé par le seul Jean-Paul II, à l’infime exception de quatre cardinaux (encore en position d’électeurs) nommés par son prédécesseur.

Minorité de blocage tricontinentale

En 1978, Jean-Paul II a été élu par 111 cardinaux, dont 27 Italiens sur un total de 55 électeurs européens. Visiblement, le pape tient à cette proportion en faveur de l’Europe d’où proviennent 15 des 31 nommés. Ils sont donc désormais 66 Européens dans les rangs des 135 cardinaux électeurs. Parmi eux, 23 Italiens et cinq Français (contre deux seulement avant ces dernières nominations). L’Italie enregistre encore six nouveaux promus. Premier pape polonais de l’histoire de l’Eglise catholique appuyée sur la longue lignée des papes italiens, Jean-Paul II ne bouscule pas l’édifice. Au cours de son très long pontificat, le plus long du siècle, Jean-Paul II a créé 201 cardinaux en huit consistoires, dont le dernier remonte à 2001. A cette date, 66 nationalités étaient représentées au collège cardinalice. Et si aujourd’hui, Jean-Paul II promeut les archevêques de Zagreb (Croatie) ou de Budapest (Hongrie), si, aux Etats-Unis, il oublie volontairement l’archevêque de Boston, où l’Eglise a vacillé sur un scandale pédophile, s’il honore au contraire son vieil ami, le nouvel archevêque de Philadelphie, Justin Rigali, les choix pontificaux ne paraissent pas seulement motivés par des affinités purement «politiques».

S’ils n’ont pas vraiment de papabili à proposer, les cardinaux du Sud sont désormais en nombre suffisant pour former une minorité de blocage (le tiers des voix au conclave) tricontinentale. Jean-Paul II vient de leur envoyer le renfort de trois Africains, trois Latino-américains et trois Asiatiques (dont un Japonais). L’Amérique du Sud reste en tête avec désormais 24 cardinaux électeurs, l’Afrique et l’Asie 13 chacune et l’Océanie 5, soit 55 sur les 135 membres potentiels du conclave électoral. Deux nouveaux cardinaux du Sud proviennent de la Curie : le «ministre de la Santé» mexicain, Mgr Javier Lozano Barragan et le Japonais Stephen Fumio Hamao qui est président du conseil pour les migrants dans l’administration pontificale. L’archevêque d’Ho Chi minh ville, Mgr Jean-Baptiste Pham Minh Man hisse le Vietnam au conclave et l’Eglise persécutée du Soudan se voit distinguée avec l’élévation au rang de cardinal de l’archevêque de Khartoum, Mgr Gabriel Zube ir Wako. Le Polonais Carol Wojtila a rompu le cycle des papes italiens. Il revient aux cardinaux qu’il a créés de sonner ou non l’heure d’un pape venu d’ailleurs.



par Monique  Mas

Article publié le 29/09/2003