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Chine

Pékin lâche du lest à Hong Kong

Face à la colère des habitants de Hong Kong, Pékin a abandonné son projet de loi anti-subversion et a retiré un projet d’article de loi jugé liberticide par les opposants de l’ancienne colonie britannique. Mais nul n’ignore qu’il s’agit d’un recul tactique, donc provisoire.
Le projet finalement abandonné prévoyait l’adoption d’une loi contre la trahison, la sédition, la subversion et le vol de secrets d’Etat. Il aurait du figurer dans la nouvelle Constitution de Hong Kong, au titre de l’article 23. Le projet avait soulevé la vague de protestations la plus importante depuis la rétrocession de l’enclave britannique à la Chine en 1997. Début juillet, en signe de protestations, 500 000 hongkongais étaient descendus dans les rues lors de la plus grande manifestation chinoise depuis le «printemps» de 1989 et le massacre de la place Tiananmen, à Pékin. Les résidents de Hong Kong avait alors rappelé à Pékin la singularité du statut du territoire, selon le principe «un pays, deux systèmes», garantissant une large autonomie à l’ex-colonie pendant une période de cinquante ans.

Le gouvernement local, conduit par Tung Chee-hwa, avait été contraint de retirer les points les plus contestés du projet, puis d’en repousser l’adoption en invoquant de nouvelles consultations avant l’annonce ce 5 septembre de son retrait. Selon ses détracteurs, il aurait pu être utilisé pour restreindre de nombreuses libertés parmi lesquelles le droit de manifester ou celui d’informer face à des abus de pouvoir.

A Pékin, les autorités chinoises n’ont pas fait de commentaires. «Le travail législatif relève du gouvernement de la Région administrative spéciale (RAS)», déclare à l’AFP un responsable chinois qui ajoute que «le gouvernement central ne s’occupe pas d’affaires relevant du gouvernement de la RAS». A Hong Kong, les militants des droits de l’homme ont salué la décision comme une «nécessité politique», déclare le porte-parle du Front civique des droits de l’Homme, Richard Tsoi, organisateur de la mobilisation contre le projet. Selon le politologue Paul Harris, les autorités gagnent du temps et s’épargnent des troubles socio-politiques en différant de quelques années la rédaction de cet article 23.

David et Goliath

Selon l’actuel chef de l’exécutif de Hong Kong, l’ancienne colonie est obligée de mettre en œuvre une législation protégeant la sécurité nationale, conformément à sa Constitution actuelle et selon une clause imposée par Pékin. Toutefois, l’objectif du président du Parti démocratique de Hong Kong est de retarder jusqu’en 2008 la date de l’adoption d’une telle mesure car, à cette date, la Constitution permettra l’élection directe du chef de l’exécutif et des parlementaires. Aujourd’hui, c’est Pékin qui choisit le chef du gouvernement et seul un tiers des membres du Conseil législatif sont élus par la population.

Cette affaire montre en tout cas une capacité inhabituelle du gouvernement chinois à composer avec son opposition et sa volonté de ne pas envenimer la situation sur un dossier (démocratie et droits de l’homme) qui touche un point sensible de ses relations avec les pays occidentaux, à l’heure où ces derniers doivent justifier auprès de leurs opinions publiques leur complaisance à l’égard d’un régime dont le caractère démocratique reste à établir. De toute évidence quelques centaines de milliers de Chinois manifestant à Hong Kong pèsent considérablement plus lourds que des millions d’autres, ailleurs dans le pays. Forts du poids économiques et symboliques qu’ils pèsent, les opposants de l’enclave ont surfé sur la vague de ces contradictions. D’une certaine manière, David a eu raison de Goliath. Provisoirement.



par Georges  Abou

Article publié le 05/09/2003