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Chili

Trente ans après, un pays fortement divisé

A l’occasion de la commémoration du trentième anniversaire du coup d’État et de la mort de Salvador Allende, deux visions historiques radicalement opposées se sont à nouveau fait entendre, reflétant ainsi les profondes dissensions qui perdurent au sein de la classe politique et de la société de manière générale.
Deux commémorations radicalement opposées se sont déroulées jeudi à Santiago du Chili à la même heure, distantes de seulement quelques kilomètres. Au moment où le président chilien Ricardo Lagos pénétrait dans le palais présidentiel de la Moneda par une issue murée peu après le coup d’État du 11 septembre 1973 et rouverte pour ce trentième anniversaire, plusieurs dizaines de personnes se rendaient au domicile privé d’Augusto Pinochet, situé dans un quartier aisé de la capitale chilienne, pour saluer l’ancien dictateur et souligner une nouvelle fois l’importance du travail accompli par le régime militaire.

Une brève cérémonie au cours de laquelle Augusto Pinochet a remis au président de la Fondation qui porte son nom l’écharpe présidentielle qu’il portait au début des années 80. Agé de 87 ans, l’ancien dictateur est resté assis pendant la brève cérémonie, donnant l’image d’un octogénaire très fatigué. Certains de ses proches ont d’ailleurs indiqué que ses médecins lui avaient déconseillé de se rendre dans une de ses résidences secondaires de la côte Pacifique où il avait initialement prévu de commémorer le trentième anniversaire du coup d’État.

Ces deux manifestations symboliques montrent bien comment persistent au sein de la société chilienne et de la classe politique deux visions historiques complètement différentes. Trente ans après le coup d’État, aucun hommage officiel à Salvador Allende n’a par exemple réussi à rassembler l’ensemble des représentants des partis politiques représentés au Parlement. Et les divergences ne portent pas seulement sur la personnalité de Salvador Allende ou la manière dont il a dirigé le pays, mais également sur l’interprétation que chaque camp fait de l’intervention des militaires voilà trente ans.

Les parlementaires de droite ont ainsi tenu à défendre à la Chambre des députés mercredi l’œuvre économique et politique du régime militaire, une session à laquelle aucun des parlementaires de la Concertation, la coalition de centre-gauche au pouvoir, n’ont pas assisté. Jeudi, le scénario inverse s’est déroulé, les députés de la coalition gouvernementale condamnant, dans un hémicycle à moitié vide, le renversement du gouvernement de l’Unité populaire.

La justice en ligne de mire

La commémoration de ce trentième anniversaire a cependant marqué un tournant dans la mesure où un véritable débat historique s’est enfin publiquement ouvert. Tous les médias du pays se sont ainsi penchés sur les origines du Coup d’Etat, en essayant d’analyser les raisons de la situation chaotique que connaissait le pays voilà trente ans. Pratiquement tous les acteurs politiques de l’époque ont ainsi pu s’exprimer et nourrir un débat d’idées inédit. «Je crois que le Chili est enfin sur le point de se retrouver avec son Histoire», estime le sénateur socialiste Ricardo Nunez. «Pendant les 17 ans de dictature, la droite et le régime militaire ont tenté d’imposer leur version. Mais les peuples ne peuvent pas avoir d’Histoire officielle. Et il est important que toute la population puisse enfin se forger sa propre opinion».

Dans le discours qu’il a prononcé jeudi au palais de la Moneda, le président Ricardo Lagos a expliqué que la mission du Chili était de poursuivre sur le chemin de la réconciliation, en réussissant à construire un pays dans lequel les «différences font partie de la normalité démocratique». Rappelant que la moitié des Chiliens actuellement en vie n’étaient pas nés au moment du coup d’État, il a invité le pays à construire un pays «plus humain, plus uni et plus confiant». Un appel repris quelques instants plus tard par la ministre chilienne de la Défense, Michele Bachelet, pour qui cette mission doit être partagée par tous les acteurs de la société. «Il manque encore du chemin à faire pour arriver à la réconciliation. Et c’est pourquoi tous les Chiliens doivent participer à cet effort



par Olivier  Bras

Article publié le 12/09/2003