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Maroc

Une visite d’ami et d’Etat

Pas moins de six ministres, une quinzaine de chefs d’entreprise et de nombreuses personnalités du monde sportif et culturel, accompagnent le président français dans sa visite d’Etat au Maroc, la deuxième depuis son arrivée à l’Elysée en 1995. Jacques Chirac, qui entretient des relations «personnelles et affectueuses» avec la famille royale marocaine, entend à l’occasion de son séjour assurer le Maroc de «la solidarité active et fraternelle» de la France à sa «politique de réforme et de modernisation». Près de cinq mois après les attentats qui ont ensanglanté Casablanca, le président français, qui doit prononcer samedi un discours devant le parlement marocain, devrait également insister sur le soutien au royaume dans sa lutte contre le terrorisme.
L’amitié que porte Jacques Chirac au Maroc n’est pas nouvelle, et chacun se souviendra, quelques semaines à peine après la mort du roi Hassan II, de sa visite éclair à Rabat, le temps d’un déjeuner, pour venir prodiguer quelques conseils à son ami le roi Mohammed VI qui venait juste de succéder à son père. Ajoutons la place d’honneur accordée, à l’occasion du «Temps du Maroc» en France au roi Hassan II, quelques jours avant sa mort lors du 14 juillet 1999, et le fait que la première visite d’Etat à l’étranger de Jacques Chirac, lors de son arrivée à l’Elysée en 1995, ait été réservée au royaume chérifien et l’on comprendra que les relations franco-marocaines sont nécessairement au beau fixe. Un beau fixe que n’ont même pas troublé cinq ans de gouvernement Jospin puisque le parti socialiste français a eu alors comme principal interlocuteur le Premier ministre marocain Abderrahmane Youssoufi à la tête de l’Union socialiste des forces populaires (USFP).

Cette excellence des relations entre les deux pays est d’ailleurs amplement illustrée par le fait que la France a toujours été et demeure le premier partenaire commercial du royaume. Elle achète en effet 32% des exportations marocaines –loin devant l’Espagne dont les importations marocaines n’excèdent pas les 14%– et se place en première place des fournisseurs avec 19,5% des importations du royaume. Au total, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays s’élève à 5,2 milliards d’euros, soit près de 30 % des échanges marocains.

La France est aussi le premier investisseur étranger au Maroc et compte un peu plus d'un demi millier d’entreprises employant plus de 65 000 personnes dans le royaume. Et sa première place a été largement confortée en 2003 avec le récent rachat par Renault de 38% de la société marocaine de construction automobile SOMACA et l’implication du groupe Bouygues dans la construction du futur port en eau profonde de Tanger-Méditerranée sur le site duquel doit précisément se rendre le président Chirac. Si l’on ajoute le fait que la communauté marocaine en France, qui compte quelque 800 000 personnes, est la première source de devises pour le royaume avec 54% des transferts des ressortissants marocains de l’étranger et 24% des recettes touristiques, on mesure mieux l’importance des relations franco-marocaines que ne peut se permettre d’assombrir le moindre différend politique.

Soutien à «une politique de réformes sans précédent»

Différends politiques d’ailleurs inexistants comme l’a souligné mercredi Catherine Colonna, la porte-parole de l’Elysée, en parlant de «liens très profonds» et de «relations d’une exceptionnelle qualité». Dans ce contexte, Jacques Chirac réaffirmera haut et fort, lors de sa visite, que la France se tient aux côtés du Maroc pour «soutenir et accompagner une politique de réformes sans précédent». Des réformes qui se sont longtemps faites attendre dans un pays où plus d’un Marocain sur deux et analphabète et vit avec moins de deux euros par jour. Dans une interview accordée à l’agence de presse marocaine MAP, le président a en effet expliqué que «le Maroc avait fait le choix audacieux de la modernité et de la démocratisation» et qu’à ce titre il constituait «l’exemple rare d’un pays qui a fait le choix de l’ouverture au monde dans le respect de son identité profonde». «Nous savons, a-t-il en outre précisé, que pour consolider la démocratie il faut en même temps mener le combat contre la pauvreté et l’analphabétisme». Selon lui, il s’agit là d’un combat de longue haleine auquel le gouvernement marocain «s’est attelé résolument».

Dans cette perspective, Catherine Colonna a rappelé que le Maroc entendait «profondément se moderniser en faisant porter ses efforts sur le logement social, l’éducation, la santé, les infrastructures routières et les transports urbains». Et c’est d’ailleurs dans ce but, a-t-elle précisé, que le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, lors de sa visite au Maroc en juillet dernier, a annoncé le doublement de 150 à 300 millions d’euros des engagements de l’Agence française pour le développement (AFD) pour la période 2004-2006.

Près de cinq mois après les attentats sanglants qui ont endeuillé Casablanca, Jacques Chirac réaffirmera que la France se tient aux côtés du Maroc dans sa lutte contre le terrorisme. Le président français a récemment rappelé que son pays «avait immédiatement réagi en condamnant ces attentats odieux et en dépêchant sur place des experts de police scientifique et technique afin d’aider les autorités marocaines dans leur enquête». Le combat contre le terrorisme, a-t-il également insisté, est «l’affaire de tous et son succès suppose une ample mobilisation internationale à laquelle le Maroc et la France contribuent activement».

Ce soutien sans faille ne manquera pas d’inquiéter les organisations de défense de droits de l’homme, très inquiètes du tour de vis sécuritaire qui s’est opéré depuis quelques mois dans le royaume, au risque selon elles de mettre en péril la fragile démocratisation du pays. Depuis les attentats du 16 mai en effet, des centaines de personnes, islamistes présumés, ont été incarcérées et des dizaines de procès se sont déroulées devant les chambres criminelles de Casablanca et Rabat. Ces affaires se sont quasiment toutes soldées par des condamnations très lourdes, parmi lesquelles seize peines de mort et une cinquantaine de peines de prison à vie. Lors de leur procès, la plupart des inculpés ont en outre affirmé que leurs aveux leur avaient été extorqués par la torture.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 09/10/2003