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Eglise catholique

Jean-Paul II ou le dernier rempart contre le «désordre moral»

C’est peut-être sur le thème de la morale que Jean-Paul II a dû mener le combat le plus difficile de son pontificat. En 25 ans, le pape a été confronté aux effets de la libération des mœurs, des progrès de la médecine, de la propagation du virus du sida, à des scandales qui ont entaché la réputation des serviteurs de l’Eglise, autant de phénomènes face auxquels le souverain pontife a pris le parti de réaffirmer de la manière la plus stricte les valeurs morales chrétiennes autour de la famille et du droit à la vie. Quitte à être souvent critiqué pour son intransigeance et son absence d’ouverture sur des sujets comme le divorce, l’avortement ou, bien sûr, le sida. Mais pour Jean-Paul II, seule importe la foi.
«Si le mariage n’est pas pour la vie, ce n’est pas un mariage, et sans le mariage, le fondement même de la société, la famille, est miné.» Pour Jean-Paul II, l’union matrimoniale est sacrée. La rompre est donc un terrible péché. C’est pour cette raison que dans son combat contre le divorce, le souverain pontife n’a jamais fléchi. Il a d’ailleurs été très loin, sûr que sa foi chrétienne l’autorisait à contredire ce que la loi des hommes rendait possible au prétexte que le divorce est une «plaie dans le corps social». Jean-Paul II a ainsi été jusqu’à appeler les avocats à jouer les objecteurs de conscience en refusant de plaider dans les affaires de divorce.

De la même manière, le pape a nié la valeur des lois qui autorisent ce qu’il appelle des «crimes»: l’avortement et l’euthanasie. «Des lois de cette nature, non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais elles entraînent une obligation grave et précise de s’y opposer par l’objection de conscience». Priver de vie un être, même à l’état embryonnaire, n’est admissible sous aucun prétexte du point de vue du Vatican. «Tuer directement ou volontairement un être innocent est toujours gravement amoral». Le droit à la vie est ainsi considéré comme un droit «inviolable». Du coup, toute personne qui s’associe à ce type d’actes, au rang desquels se situe aussi la contraception, devient complice d’un meurtre. Quand il s’agit de morale, Jean-Paul II ne transige pas.

Pour preuve aussi, la position qu’il a maintenue durant son pontificat sur les questions liées à la procréation assistée, symbole d’un progrès médical capable de donner aux femmes et aux hommes la chance de dépasser les contraintes d’une nature parfois peu généreuse. Même si «l’enfant est le bien le plus précieux du mariage», le Vatican s’est toujours fermement opposé à toutes les techniques mises au point par les médecins pour vaincre la stérilité, de l’insémination artificielle à la fécondation in vitro en passant par la réduction embryonnaire. «Tout ce qui est scientifiquement réalisable n’est pas toujours moralement acceptable». Quand la science s’en mêle, l’enfant perd, du point de vue de l’Eglise, sa caractéristique principale: il n’est plus un don de Dieu au couple, il est revendiqué comme un droit. Du coup, c’est toute la conception de la famille et de l’enfant, fruit de l’amour conjugal, qui est bousculée.

«La paix est un des biens les plus précieux pour les personnes, les peuples et les Etats»

Dans un contexte marqué par la libéralisation des mœurs, l’évolution de la place des femmes dans la société et au sein de la famille, le message de l’Eglise sur des questions aussi fondamentales, et surtout qui touchent aussi profondément à l’intimité des personnes, a souvent provoqué des incompréhensions et des critiques. Mais pour Jean-Paul II, adapter la morale chrétienne à la demande sociale aurait signifié l’affaiblir. Et ça, celui qui est né Karol Wojtyla en Pologne en 1920 pour devenir, à Rome, le Pape Jean-Paul II en 1978, ne l’aurait jamais admis. Sa foi est profondément ancrée. Son courage et son endurance sans faille.

Une foi et un courage qui ont tout de même pu sembler déconnectés des réalités du monde dans lequel ils se sont exprimés. La gestion de la question du sida en a offert une illustration flagrante. Malgré les ravages d’une épidémie qui a tué des millions de personnes, surtout en Afrique, le Vatican refuse encore d’admettre que le port du préservatif est le meilleur moyen de se protéger de la contamination et d’en recommander l’utilisation auprès des fidèles. L’efficacité même du préservatif contre la transmission du VIH est mise en cause malgré l’évidence scientifique que l’Eglise refuse d’admettre. Selon le Vatican, l’utilisation du préservatif encourage le «libertinage sexuel» et du coup favorise même la propagation de la maladie. Dans ce contexte, l’Eglise préconise les seules solutions «morales»: la chasteté et la fidélité dans le couple. Cette position de principe extrême n’a pas empêché Jean-Paul II de s’impliquer sur la question du sida et notamment de prendre position dans le débat sur l’accès des Africains aux médicaments. Dans son message pour la Session spéciale de l’ONU sur le VIH, en juin 2001, il a ainsi écrit: «Je demande aux pays riches de répondre aux besoins des malades du sida des pays pauvres avec tous les moyens disponibles».

Car le pape entend les plaintes de ses fidèles. Il comprend leur souffrance. Et lorsque la «morale» le lui permet, il y répond. Quand le scandale des prêtres pédophiles a éclaté aux Etats-Unis, par exemple, Jean-Paul II a finalement condamné fermement ces actes et apporté son soutien aux familles des victimes. «Je suis profondément peiné du fait que des prêtres et des religieux, dont la vocation est d’aider les gens à vivre saintement devant Dieu, aient causé souffrance et scandale à des jeunes… L’abus qui a provoqué la crise est inique, et il est juste que la société le considère comme un crime. Mais c’est aussi un pêché détestable aux yeux de Dieu». Jean-Paul II a aussi répondu aux attaques sur l’absence de transparence dans la gestion de cette grave crise et les tentatives des évêques américains de dissimuler les fautes le plus longtemps possible. Le pape a ainsi appelé les membres de l’Eglise à «fixer des critères plus fiables pour que les erreurs ne se reproduisent plus».

Malgré ces dérapages qui ont amené de nombreux critiques mais aussi des fidèles à reposer la question du célibat des prêtres, évoqué comme l’une des causes possibles de l’assouvissement de pulsions sexuelles sur des enfants, Jean-Paul II a tenu bon sur cette question et n’a jamais voulu que l’on évoque un changement sur les contraintes de la prêtrise à ce niveau. Tout comme il n’a jamais envisagé d’autoriser les femmes à devenir prêtres. Pour lui, l’Eglise souffre en fait des mêmes maux que la société: «Abuser les mineurs est un grave symptôme de la crise qui frappe l’Eglise comme toute la société. C’est une crise de la morale sexuelle profondément enracinée, mais aussi des rapports humains.» Quoi qu’il en soit, cela ne doit en aucun cas remettre en question les fondements théologiques et moraux de l’exercice du sacerdoce.

Le combat contre le «désordre moral» de Jean-Paul II s’est aussi exprimé dans ses prises de position en faveur de la paix dans le monde. Chef d’Etat, le souverain pontife a saisi toutes les occasions pour appeler les responsables politiques à essayer de régler les conflits sans effusion de sang. Qu’il s’agisse de l’Afrique, d’Israël, de l’Irak, le pape a voulu être le messager de l’espoir et de la réconciliation entre les peuples. «La paix est un des biens les plus précieux pour les personnes, les peuples et les Etats», fort de cette conviction le souverain pontife n’a eu de cesse de prêcher pour la fraternité contre la guerre. A l’aube du 25ème anniversaire de son pontificat, Jean-Paul II a même été pressenti pour le prix Nobel de la paix. Il n’a finalement pas obtenu cette récompense terrestre suprême. Mais qu’importe pour un homme qui a consacré sa vie au divin, seul compte le paradis.



par Valérie  Gas

Article publié le 14/10/2003 Dernière mise à jour le 11/08/2004 à 14:08 TU