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Maroc

Mohammed VI réforme le Code de la famille

La réforme, comportant notamment de nouveaux droits pour les femmes, a été annoncée vendredi par le roi à l’ouverture de la session parlementaire. Il a aussitôt reçu le soutien du président français Jacques Chirac, en visite officielle au Maroc, et l’appui plus tardif des mouvements islamistes.
La réforme, comportant notamment de nouveaux droits pour les femmes, a été annoncée vendredi par le roi à l’ouverture de la session parlementaire. Il a aussitôt reçu le soutien du président français Jacques Chirac, en visite officielle au Maroc, et l’appui plus tardif des mouvements islamistes.
C’est un bel effet de surprise que s’est offert le roi Mohammed VI. Saisissant l’occasion de l’inauguration de la session d’automne du parlement, il s’est prononcé pour un profond remaniement de la Moudawana, le Code du statut personnel en vigueur depuis 1957 dans la monarchie alaouite. Le débat sur la réforme durait depuis plusieurs années. Les mouvements islamistes avaient même organisé d’impressionnantes manifestations en 1999 contre la révision de la Moudawana. Depuis, le débat, souvent vif, n’était pas tranché.

C’est désormais chose faite depuis vendredi, Mohammed VI ayant résolument pris l’option moderniste au grand dam des opposants à qui il a coupé l’herbe sous les pieds. Le projet annoncé par le souverain, et qui devra être approuvé par le parlement, pose en effet le principe de l’égalité entre la femme et l’homme. L’âge du mariage pour les filles est repoussé de 15 à 18 ans (comme les garçons) et l’autorisation du père n’est plus nécessaire, La famille est désormais placée «sous la responsabilité conjointe des deux époux», la femme n’est plus tenue d’obéir à son mari, la répudiation unilatérale par le mari est interdite, tout divorce devant passer par un tribunal, le divorce par consentement mutuel est introduit dans le Code.
En revanche, la polygamie n’est pas abolie, mais strictement encadrée par les nouveaux textes. Afin d’apaiser les inquiétudes des conservateurs et du courant islamiste, a priori hostile à cette révision, le roi a pris soin de dire que cette réforme «ne doit pas être perçue comme une victoire d’un camp sur un autre» et qu’«en [sa] qualité de Commandeur des croyants [il] ne peut autoriser ce que Dieu a prohibé ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé».

Faire de nécessité vertu

Cette annonce de Mohammed VI a provoqué immédiatement une réaction enthousiaste des mouvements féministes et de défense des droits de l’homme, comme l’a indiqué sur RFI Fouzia Assouli, membre de la Ligue pour les droits de la femme. Le roi a également reçu un soutien appuyé du président français Jacques Chirac, en visite officielle au Maroc. Du côté islamiste, après quelques heures de silence, on s’est également prononcé pour la réforme. Nadia Yassine, fille de cheikh Abdessalam Yassine, fondateur du mouvement al Adl wal Ihsane (Justice et Bienfaisance) et porte-parole du mouvement, a estimé sur nos antennes que le nouveau texte proposé respecte les sources de l’islam. De son côté, le Parti de la Justice et du Développement (islamiste) seul courant d’opposition représenté au parlement, «salue et apporte son soutien» à ce texte et «se félicite de la volonté d’instituer le projet de réforme du code de la famille sur des fondements conformes aux prescriptions de notre religion tolérante et à ses desseins qui prônent la justice et l’équité et appellent à honorer l’homme».

C’est ce qui s’appelle faire de nécessité vertu. Dans ce pays où tout procède du roi, descendant du prophète Mahomet et «Commandeur des croyants», où même les opposants se recommandent du souverain, il était extrêmement difficile de s’opposer frontalement à une réforme voulue par le Palais et annoncée par le roi lui-même. De surcroît, depuis les attentats du 16 mai à Casablanca, le courant islamiste est l’objet d’une répression accrue et, quoi qu’en pensent au fond d’eux-mêmes les dirigeants de ces mouvements, le rapport des forces actuel ne leur permettait pas de contredire Mohammed VI, même sur un sujet aussi important que le Code de la famille.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 12/10/2003