Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Politique française

Bayrou, opposant de l’intérieur

Dans un entretien au quotidien Le Parisien, le président de l’UDF (centre-droit) critique sévèrement l’équipe gouvernementale issue du parti présidentiel allié UMP. François Bayrou estime que la politique conduite par Jean-Pierre Raffarin «est tout, sauf clair». Selon lui, l’UDF constitue une alternative au retour des partis de gauche au pouvoir.
Il y a du tirage à droite. Sur le créneau de la contestation politique, dans le contexte de sidération de la gauche française depuis l’élection présidentielle d’avril 2002, c’est en effet au sein même de la grande famille libérale que l’on trouve désormais les critiques les plus percutantes à l’égard du travail de l’équipe gouvernementale. Et probablement les plus déstabilisantes pour un Premier ministre très malmené par une conjoncture franchement défavorable à la mise en place de ses réformes. Et loin d’en tirer humblement les conséquences pour alimenter sa réflexion, Jean-Pierre Raffarin semble s’enfermer dans un système de communication essentiellement basé soit sur la culpabilisation des Français, présumés paresseux et rétifs à ses réformes, soit sur la dénonciation de l’héritage laissé par ses prédécesseurs. Résultat : le gouvernement donne de lui l’image d’une équipe sur la défensive et tirant sur tout ce qui bouge… Alors que les formations dont ses membres sont issus sont actuellement en situation de quasi-monopole sur la vie politique institutionnelle française.

A droite, les conditions sont donc réunies pour faire entendre sa différence, sans toutefois menacer profondément la cohésion de l’ensemble et faire le jeu d’un adversaire commun (de gauche) à peine convalescent. Et c’est précisément ce que s’emploient à faire François Bayrou et ses amis du mouvement Union pour la démocratie française (UDF). Marginalisé au cours de ces derniers mois, alors que le parti présidentiel Union pour un mouvement populaire (UMP) affirmait triomphalement son monopole sur la vie politique et la droite française, le président de l’UDF peut savourer aujourd’hui sans complexe d’avoir été un pionnier de la résistance à cette tentative d’appropriation de la droite républicaine par l’UMP. Aujourd’hui que la formation chiraquienne, après dix-huit mois de gestion, a eu le temps de se mettre à dos une partie de l’opinion publique, François Bayrou passe à l’offensive et entretient le doute sur la question de savoir si son mouvement, et lui-même, font toujours partie de la majorité.

Incarner les déçus du chiraquisme

Selon lui, des millions de Français sont dans le désarroi face à un pouvoir présidentiel absent, qui «n’assume pas ensuite en première ligne les choix qu’il a proposés». Le gouvernement, dit-il, adresse des messages contradictoires. Il ne se plaint pas de l’impopularité des choix, mais de l’absence de clarté dans les décisions prises sur la fiscalité, sur la question des 35 heures, dont le débat à peine lancé est immédiatement enterré. Pourtant, d’après lui, les Français «n’ont aucune envie que les socialistes reviennent» au pouvoir. Et, en conclusion, «si l’UDF n’était pas là, ces Français de bonne volonté n’aurait pas de porte-parole. Ils ne trouveraient que des godillots d’un camp ou de l’autre».

Pressé par l’UMP d’opter pour une stratégie dans la perspective des élections régionales de 2004, il estime qu’il est temps de proposer aux électeurs non pas «une alternance, mais une alternative : un même chemin pour la même volonté du pays». Faut-il comprendre : la même politique, mais avec des personnalités différentes ? François Bayrou se sent pousser des ailes. Il attend certainement d’engranger les dividendes électoraux du débat qu’il suscite. Mais il tient surtout sa revanche après avoir été mis à l’écart et durement caricaturé pour avoir défendu le principe qu’un parti, même majoritaire, ne peut pas faire l’économie de «courants» et de «tendances» et pour ne pas s’être rallié, lui et ses amis de l’UDF, aux contingents chiraquiens de l’UMP. Aujourd’hui nul ne peut augurer quel sera le destin politique de François Bayrou au cours de ces prochains mois. Mais dans la configuration actuelle, avec une opposition dont l’électroencéphalogramme demeure désespérément plat, qui peut parier qu’il n’incarnera pas une fraction des déçus du chiraquisme ?


Lire également dans Le Parisien.



par Georges  Abou

Article publié le 09/10/2003