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Chine

Le grand bond dans l’espace

En devenant le troisième Etat capable d’envoyer un homme en orbite, la Chine accède aujourd’hui au rang de grande puissance spatiale. Elle adresse aussi un message au monde : il faudra désormais compter avec elle dans les domaines technologique, stratégique, politique, économique. La Chine ne pèse plus seulement par son poids démographique. Pour preuve, elle a damé le pion à l’Europe et au Japon qui n’ont jamais réalisé de vol habité dans l’espace.
Dans la case profession, Yang Liwei, jusque-là pilote de chasse de l’Armée de libération populaire, pourra désormais inscrire : taïkonaute. Après les cosmonautes russes, les astronautes américains, voici donc une nouvelle génération de conquérants de l’espace issue de Chine dont le premier représentant est un lieutenant-colonel de 38 ans.

Le président Hu Jintao a assisté en personne mercredi au lancement de la fusée «longue marche 2F» à partir d’une base de Mongolie intérieure et a pu se réjouir, quelques minutes après, de la mise en orbite du vaisseau Shenzhou V à bord duquel Yang Liwei a pris place. Il a déclaré qu’il s’agissait «d’un moment de gloire pour la patrie» et d’une «étape historique pour le peuple chinois dans sa conquête des sommets de la science et de la technologie mondiales». S’adressant au premier taïkonaute chinois, il a affirmé : «Nous allons attendre votre retour triomphant». Celui-ci est prévu à 7h00, heure locale, jeudi matin (22h00 GMT mercredi), après 21 heures de vol et 14 orbites.

Quarante ans après l’Union soviétique et les Etats-Unis, la Chine a donc envoyé elle-aussi un homme dans l’espace à bord d’un vaisseau qualifié de «divin», le Shenzhou V. Même si avant Yang Liwei, 240 personnes ont déjà fait «le» voyage, cette mission n’est pas anodine. Elle permet à la Chine de faire la démonstration de sa capacité technologique et de gagner des galons dans le palmarès de la conquête de l’espace.

Vers une station spatiale chinoise…

De cette manière, la Chine veut montrer qu’elle joue désormais sans équivoque dans la cour des grands. Ce premier vol habité représente l’étape initiale d’un programme qui pourrait aboutir notamment à la réalisation, dans un délai très court, d’une station spatiale chinoise. Ces avancées sont susceptibles de permettre au pays de marquer des points dans le domaine militaire et stratégique grâce à la réalisation de systèmes de surveillance, de navigation, de communication, de défense antimissile… autant d’atouts indispensables pour jouer un rôle géostratégique et obtenir des retombées économiques. La Chine affiche ainsi ses ambitions aussi bien sur le plan régional, que mondial face aux Etats-Unis notamment. Larry Wortzel, directeur des études du groupe de réflexion conservateur The heritage foundation et spécialiste du programme militaire chinois, a ainsi estimé : «Si les forces chinoises peuvent neutraliser ou détruire nos équipements dans l’espace, les forces américaines perdront un avantage critique, les rendant plus vulnérables face à une armée moins moderne mais plus nombreuse».

La Chine fait désormais office d’acteur sérieux dans le secteur spatial, qui selon la ministre française de la Recherche Claudie Haigneré, représente «un environnement concurrentiel international». A un moment où les vols habités ont été suspendus aux Etats-Unis après l’accident de le navette Columbia et où le programme spatial russe souffre d’un manque de moyens chronique, la Chine ouvre une brèche. Même si elle a encore du chemin à faire, nul ne doute qu’elle continue à rattraper son retard. Igor Lissov, un expert russe estime ainsi : «Il est trop tôt pour parler d’une concurrence réelle entre la Russie et la Chine dans l’espace, mais dans certains domaines les Chinois ont déjà atteint un niveau assez élevé et se rapprochent de nous».

D’ailleurs la Chine ne compte pas lorsqu’il s’agit du programme spatial. On estime qu’elle dépense environ deux milliards de dollars par an pour financer ce secteur. A titre de comparaison, les Russes ne disposent que de 400 millions de dollars. Malgré ce coût exorbitant dans un pays où une large part de la population vit de façon misérable, l’aventure rencontre plutôt des réactions favorables. Et le président Hu Jintao semble déterminé à tirer profit de cette «manifestation de la puissance de la Chine» sur le plan intérieur. Un an après son arrivée à la direction du pays à la suite de Jang Zemin, il marque de plus en plus de son empreinte les cercles du pouvoir. L’ancien président, pourtant à l’origine du programme spatial chinois, n’a d’ailleurs pas assisté à la mise en orbite du Shenzhou V. Après l’obtention de l’organisation des Jeux olympiques pour 2008, ce premier vol habité va sans doute participer à renforcer le sentiment de fierté des Chinois dont le pays pèse de plus en plus lourd sur la scène internationale.

A écouter :
Claudie Haigneré, aujourd'hui ministre de la Recherche et des Hautes technologies fut la première Française à partir pour les étoiles en 1996 avec la mission Cassiopée. Elle répond aux questions de Christian Sotty (15/10/2003).



par Valérie  Gas

Article publié le 15/10/2003