Burundi
Accord à l'arraché
Après des mois de négociations infructueuses, le président sud-africain Thabo Mbeki est intervenu en personne dans le dossier burundais. A l’instar de Nelson Mandela qui avait obtenu un accord de paix des politiciens burundais à Arusha (Tanzanie), le 28 août 2000, Thabo Mbeki vient d’arracher ce 8 octobre à Pretoria la signature d’un accord politico-militaire entre le gouvernement de la transition et les Forces pour la défense de la démocratie (FDD), la principale rébellion qui avait boycotté Arusha. Reste à convaincre les rebelles des Forces de libération nationales (FNL) qui opèrent dans la région de Bujumbura. Reste aussi à épuiser quelques sujets de désaccords du côté des FDD, mais surtout à mettre en œuvre un projet de société de nature à sortir définitivement le Burundi d’une décennie de guerre civile et de trente ans de turbulences sanglantes. Pour le moment, il s’agit de consolider le cessez-le-feu signé par les FDD en décembre 2002. Et cela en l’intégrant dans les rouages du pouvoir et de l’armée.
L’aube n’était pas levée ce 8 octobre quand les adversaires harassés, le président de la transition burundaise Domitien Ndayizeye et le chef politique des FDD, Pierre Nkurunziza, ont cessé de rompre des lances pour appeler de concert leurs troupes à l’arrêt immédiat de combats, signifiant ainsi que le cessez-le-feu signé le 2 décembre 2002 peut enfin se concrétiser. Quant à leur hôte, Thabo Mbeki, il se félicite haut et fort de cet «Accord global de cessez-le-feu» obtenu à l’arraché à Pretoria après avoir échappé au sommet régional sur le Burundi qui s’est tenu à la mi-septembre en Tanzanie. Le président sud-africain ne regrette pas ses trois jours et trois nuits de marathon diplomatique, qualifiant leur aboutissement «d’élément important pour le Burundi et pour la solution des problèmes dans le cœur de l’Afrique». Il est vrai que la paix définitive est encore à portée des fusils des FNL et que l’épreuve du quotidien reste à franchir. Mais cette fois, la double portée politique et militaire de l’accord de Pretoria répond largement aux conditions posées par les FDD pour monter dans le train de la paix lancé trois ans plus tôt à Arusha par Nelson Mandela.
Partage du pouvoir
Au plan politique, les FDD entendaient obtenir un partage du pouvoir avec leurs anciens camarades du parti Frodebu dont ils se sont séparés pour engager la lutte armée après l’assassinat en octobre 1993 du premier président hutu élu au Burundi, Melchior Ndadaye. A l’instar des partis hutu partenaires de la transition organisée à Arusha en 2000, les FDD se réclament de l’héritage de Ndadaye et ont longtemps exigé le retour à la configuration politique issue des élections de 1993. Aujourd’hui, ils entrent dans la transition à dosage ethnique concoctée à Arusha. Celle-ci a organisé une présidence et une vice-présidence tournantes de 18 mois chacune. Le premier tour présidentiel dévolu au major tutsi Pierre buyoya s’est achevée le 30 avril dernier. Il a cédé la place à son vice-président hutu, Domitien Ndayizeye, président de la République depuis le 1er mai 2003. Son successeur sera élu par le Parlement en novembre 2004.
Avec l’accord de Pretoria, les FDD obtiennent quatre portefeuilles ministériels dont un ministère d’Etat aux pouvoirs élargis puisque son titulaire aura son mot à dire sur toutes «les questions clefs» qui engagent l’Etat. Sur ce point, l’accord coupe en quelque sorte la poire en deux, puisque ce ministre d’Etat est élevé, pour consultation, au premier niveau exécutif où se situent le président de la République et son vice-président. Ce dernier fauteuil, convoité par les FDD, revient actuellement à la composante tutsi. A l’Assemblée nationale, les FDD obtiennent les postes de deuxième vice-président et de secrétaire général adjoint, abandonnant finalement la présidence au Frodebu. Mais les anciens rebelles enverront aussi deux conseillers à la présidence de l’Assemblée nationale aux côtés de ceux du Frodebu et de l’Uprona (l’ancien parti unique).
Les FDD qui n’existaient pas lors des derniers scrutins se voient également octroyer quinze sièges de députés tout spécialement créés à leur intention, contre «au moins trente» exigés au début des discussions. Enfin Pierre Nkurunziza pourra déployer quelques uns de ses cadres en mal d’emploi comme gouverneurs de province (trois postes), vice-gouverneurs (cinq), ambassadeurs (deux), secrétaire ou conseiller d’ambassade (six), administrateur communal (trente) ou à la tête des entreprises publiques (20% des directions). Les discussions politiques vont encore se prolonger autour de la question du Sénat prévu à Arusha. Les FDD ne sont pas d’accord avec les modalités préconisées. Le mouvement de lutte armée va devoir aussi se transformer en parti politique et des questions d’immunité se posent au cas par cas pour certains de ses membres. L’affectation des portefeuilles ministériels restent également à préciser. Mais visiblement, le gouvernement tente de contourner les revendications des FDD réclamant le ministère de l’Intérieur avec la création du fameux ministre d’Etat, mais aussi avec le volet militaire de l’accord.
A Arusha, Nelson Mandela préconisait une intégration à 50-50 (ethniquement parlant) des anciens belligérants dans la future armée nationale. Finalement, gouvernement et FDD ont convenu que «40% de la future force de défense nationale reviendront aux FDD, à tous les niveaux»( et dans tout le pays) en particulier ceux de l’état-major général, du ministère de la Défense, du corps des officiers supérieurs et du commandement. C’est considérable puisque les FDD ne sont pas la seule composantes hutu de la nouvelle machine militaire burundaise. Mais cette proportion reflète la réalité du rapport civils-combattants au sein de l’opposition hutu, les FDD dominant tout naturellement largement le Frodebu resté sur le terrain politique. Concernant les échelons militaires subalternes, les politiques renvoient d’ailleurs à l’état-major «intégré» la charge de la répartition qui devra tenir compte des effectifs et de leur appartenance ethnique.
Au plan sécuritaire, les FDD se félicitent tout particulièrement de la disparition de la gendarmerie –qu’ils accusent de tous les abus– dont les éléments vont être fondus dans l’armée ou la police. Ils entreront à hauteurs de 35% dans l’état-major de la nouvelle police intégrée et dans les services de renseignements. Mais bien sûr, avant d’en arriver là, les anciens combattants FDD vont devoir rallier des camps de cantonnement répertoriés par la Commission mixte de cessez-le-feu et placés sous la surveillance de la Mission africaine au Burundi (MIAB) qui comptent des casques blancs sud-africains en majorité, mais aussi éthiopiens et mozambicains. Cela ne se fera pas en un jour compte tenu de l’éparpillement des rebelles dans toute la région. Mais surtout, il va falloir rapidement convaincre les FNL de l’opportunité de rejoindre la transition.
Jusqu’à présent, les FNL n’ont été que très mollement sollicitées par les médiateurs ou les négociateurs. De son côté, cette rébellion incrustée dans la capitale persiste dans son rejet radical d’une transition qu’elle juge illégitime, par principe. Comme Mandela à Arusha, Mbeki compte sur l’effet d’entraînement de l’accord de Pretoria. Il marque en tout cas la continuation de la politique des petits pas sur la longue route qui mène à la paix.
Partage du pouvoir
Au plan politique, les FDD entendaient obtenir un partage du pouvoir avec leurs anciens camarades du parti Frodebu dont ils se sont séparés pour engager la lutte armée après l’assassinat en octobre 1993 du premier président hutu élu au Burundi, Melchior Ndadaye. A l’instar des partis hutu partenaires de la transition organisée à Arusha en 2000, les FDD se réclament de l’héritage de Ndadaye et ont longtemps exigé le retour à la configuration politique issue des élections de 1993. Aujourd’hui, ils entrent dans la transition à dosage ethnique concoctée à Arusha. Celle-ci a organisé une présidence et une vice-présidence tournantes de 18 mois chacune. Le premier tour présidentiel dévolu au major tutsi Pierre buyoya s’est achevée le 30 avril dernier. Il a cédé la place à son vice-président hutu, Domitien Ndayizeye, président de la République depuis le 1er mai 2003. Son successeur sera élu par le Parlement en novembre 2004.
Avec l’accord de Pretoria, les FDD obtiennent quatre portefeuilles ministériels dont un ministère d’Etat aux pouvoirs élargis puisque son titulaire aura son mot à dire sur toutes «les questions clefs» qui engagent l’Etat. Sur ce point, l’accord coupe en quelque sorte la poire en deux, puisque ce ministre d’Etat est élevé, pour consultation, au premier niveau exécutif où se situent le président de la République et son vice-président. Ce dernier fauteuil, convoité par les FDD, revient actuellement à la composante tutsi. A l’Assemblée nationale, les FDD obtiennent les postes de deuxième vice-président et de secrétaire général adjoint, abandonnant finalement la présidence au Frodebu. Mais les anciens rebelles enverront aussi deux conseillers à la présidence de l’Assemblée nationale aux côtés de ceux du Frodebu et de l’Uprona (l’ancien parti unique).
Les FDD qui n’existaient pas lors des derniers scrutins se voient également octroyer quinze sièges de députés tout spécialement créés à leur intention, contre «au moins trente» exigés au début des discussions. Enfin Pierre Nkurunziza pourra déployer quelques uns de ses cadres en mal d’emploi comme gouverneurs de province (trois postes), vice-gouverneurs (cinq), ambassadeurs (deux), secrétaire ou conseiller d’ambassade (six), administrateur communal (trente) ou à la tête des entreprises publiques (20% des directions). Les discussions politiques vont encore se prolonger autour de la question du Sénat prévu à Arusha. Les FDD ne sont pas d’accord avec les modalités préconisées. Le mouvement de lutte armée va devoir aussi se transformer en parti politique et des questions d’immunité se posent au cas par cas pour certains de ses membres. L’affectation des portefeuilles ministériels restent également à préciser. Mais visiblement, le gouvernement tente de contourner les revendications des FDD réclamant le ministère de l’Intérieur avec la création du fameux ministre d’Etat, mais aussi avec le volet militaire de l’accord.
A Arusha, Nelson Mandela préconisait une intégration à 50-50 (ethniquement parlant) des anciens belligérants dans la future armée nationale. Finalement, gouvernement et FDD ont convenu que «40% de la future force de défense nationale reviendront aux FDD, à tous les niveaux»( et dans tout le pays) en particulier ceux de l’état-major général, du ministère de la Défense, du corps des officiers supérieurs et du commandement. C’est considérable puisque les FDD ne sont pas la seule composantes hutu de la nouvelle machine militaire burundaise. Mais cette proportion reflète la réalité du rapport civils-combattants au sein de l’opposition hutu, les FDD dominant tout naturellement largement le Frodebu resté sur le terrain politique. Concernant les échelons militaires subalternes, les politiques renvoient d’ailleurs à l’état-major «intégré» la charge de la répartition qui devra tenir compte des effectifs et de leur appartenance ethnique.
Au plan sécuritaire, les FDD se félicitent tout particulièrement de la disparition de la gendarmerie –qu’ils accusent de tous les abus– dont les éléments vont être fondus dans l’armée ou la police. Ils entreront à hauteurs de 35% dans l’état-major de la nouvelle police intégrée et dans les services de renseignements. Mais bien sûr, avant d’en arriver là, les anciens combattants FDD vont devoir rallier des camps de cantonnement répertoriés par la Commission mixte de cessez-le-feu et placés sous la surveillance de la Mission africaine au Burundi (MIAB) qui comptent des casques blancs sud-africains en majorité, mais aussi éthiopiens et mozambicains. Cela ne se fera pas en un jour compte tenu de l’éparpillement des rebelles dans toute la région. Mais surtout, il va falloir rapidement convaincre les FNL de l’opportunité de rejoindre la transition.
Jusqu’à présent, les FNL n’ont été que très mollement sollicitées par les médiateurs ou les négociateurs. De son côté, cette rébellion incrustée dans la capitale persiste dans son rejet radical d’une transition qu’elle juge illégitime, par principe. Comme Mandela à Arusha, Mbeki compte sur l’effet d’entraînement de l’accord de Pretoria. Il marque en tout cas la continuation de la politique des petits pas sur la longue route qui mène à la paix.
par Monique Mas
Article publié le 08/10/2003 Dernière mise à jour le 07/10/2003 à 22:00 TU