Sénégal
L’affaire qui embarrasse la présidence
Talla Sylla, chef du parti politique Jëf-Jël a été agressé à Dakar dans la nuit du 5 au 6 octobre. Ses agresseurs l’ont roué de coups de marteau au visage, au crâne et dans les côtes. Ses agresseurs ont pris la fuite à bord d’une voiture banalisée, laissant le leader politique grièvement blessé avec de nombreuses fractures. Les médecins qui l’ont opéré en urgence à Dakar n’excluent des séquelles indélébiles, même si la vie du leader politique est aujourd’hui hors de danger. Il a tout de même été évacué à Paris à l’Hôpital européen Georges Pompidou pour un meilleur suivi des traitements.
Agé de 37 ans, Talla Sylla est un politicien turbulent qui refuse perpétuellement de tomber dans le mouvement d’inertie mécaniquement engendré le fonctionnement des grands partis politiques. Et cette logique de contestation et d’éternelle remise en cause le conduisent souvent à des prises de positions spectaculaires dont se délecte la presse locale. Ex-militant du PDS (Parti démocratique sénégalais) au pouvoir, il a avait créé en son sein un mouvement «Jeunesse pour l’alternance» pour soutenir la candidature de l’actuel président Abdoulaye Wade, dont les thèmes de campagne ont souvent été en faveur de l’alternance politique à la tête de l’Etat. Il crée par la suite l’Alliance pour le progrès et la justice / Jëf-Jël, «Prendre et Faire» en langue Wolof.
Elu député et porté à la vice-présidence de l’Assemblée nationale, Talla Sylla ne se sent pas plus frappé par une obligation de réserve et un devoir de solidarité envers ses amis du PDS. «Notre démocratie marche à reculons», dit-il en prédisant un chaos pour le peuple sénégalais si rien n’est fait pour mettre un frein aux pratiques actuelles de ceux qui ont été portés au pouvoir à la faveur de l’alternance politique. En décembre 2001 il démissionne de tous ses mandats électifs. «J’ai échappé à une logique carriériste, qui voulait que je rentre dans le rang et que j’attende mon tour. J’ai démissionné un 8 décembre du PDS. C’est encore à cette date que j’ai claqué la porte à l’Assemblée nationale. J’ai refusé de me courber pour des avantages visant à préserver ma carrière politique», a-t-il déclaré ne cachant pas ses ambitions de briguer le fauteuil de maire de la ville de Thiès.
L’album de trop
Il ne manquait pas de marquer sa différence en demandant par exemple l’instauration d’une d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur le différend qui opposait l’ancien pouvoir d’Abdou Diouf à celui d’Abdoulaye Wade au sujet de l’utilisation des recettes de la privatisation de la SENELEC (société d’énergie). Le bouillant député s’était aussi indigné d’une ligne budgétaire aux sommes astronomiques affectées aux fêtes et cérémonies de la présidence de la République. Talla Sylla s’est opposé à une tradition républicaine qui admet le vote du budget de la présidence et de l’Assemblée sans débat. Il justifie sa position par des priorités plutôt en faveur des populations sinistrées par des inondations à Pikine, dans la banlieue de Dakar. Mais la dernière foucade de l’ex-député a apparemment exaspéré certaines personnes qui sont passées à l’acte. En effet, il vient de faire paraître un disque intitulé «Ablaye abal nu» (Abdoulaye «Wade» bouge de là) dans lequel il critique les trois années du pouvoir de l’actuel président.
L’enquête suite à l’agression dont il a été victime suit son cours et l’étau se resserre sur les proches du président de la République. Des éléments de la garde rapprochée du président ont été entendus par les enquêteurs, dont le propre petit-fils du président Wade qui est aussi son garde du corps, Lamine Faye. Sa voiture aurait servi à transporter les agresseurs. Papa Samba Mboup, ministre chef de cabinet du président de la République a été aussi entendu durant de longues heures. Il a d’ailleurs déposé une plainte pour diffamation contre Moussa Tine, l’adjoint de Talla Sylla qui s’était publiquement interrogé sur sa présence à l’hôpital au moment où Talla Sylla y a été transporté. Mais à ce jour aucune inculpation n’a été prononcée par le juge instructeur du dossier. La gravité des faits a mobilisé les partis politiques et associations de défense des droits de l’homme qui projettent d’organiser une manifestation de protestation, le 13 novembre à Dakar, contre les «violences politiques».
A écouter également :
La correspondance d'Olivier Rogez (31/10/2003, 1'53")
Elu député et porté à la vice-présidence de l’Assemblée nationale, Talla Sylla ne se sent pas plus frappé par une obligation de réserve et un devoir de solidarité envers ses amis du PDS. «Notre démocratie marche à reculons», dit-il en prédisant un chaos pour le peuple sénégalais si rien n’est fait pour mettre un frein aux pratiques actuelles de ceux qui ont été portés au pouvoir à la faveur de l’alternance politique. En décembre 2001 il démissionne de tous ses mandats électifs. «J’ai échappé à une logique carriériste, qui voulait que je rentre dans le rang et que j’attende mon tour. J’ai démissionné un 8 décembre du PDS. C’est encore à cette date que j’ai claqué la porte à l’Assemblée nationale. J’ai refusé de me courber pour des avantages visant à préserver ma carrière politique», a-t-il déclaré ne cachant pas ses ambitions de briguer le fauteuil de maire de la ville de Thiès.
L’album de trop
Il ne manquait pas de marquer sa différence en demandant par exemple l’instauration d’une d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur le différend qui opposait l’ancien pouvoir d’Abdou Diouf à celui d’Abdoulaye Wade au sujet de l’utilisation des recettes de la privatisation de la SENELEC (société d’énergie). Le bouillant député s’était aussi indigné d’une ligne budgétaire aux sommes astronomiques affectées aux fêtes et cérémonies de la présidence de la République. Talla Sylla s’est opposé à une tradition républicaine qui admet le vote du budget de la présidence et de l’Assemblée sans débat. Il justifie sa position par des priorités plutôt en faveur des populations sinistrées par des inondations à Pikine, dans la banlieue de Dakar. Mais la dernière foucade de l’ex-député a apparemment exaspéré certaines personnes qui sont passées à l’acte. En effet, il vient de faire paraître un disque intitulé «Ablaye abal nu» (Abdoulaye «Wade» bouge de là) dans lequel il critique les trois années du pouvoir de l’actuel président.
L’enquête suite à l’agression dont il a été victime suit son cours et l’étau se resserre sur les proches du président de la République. Des éléments de la garde rapprochée du président ont été entendus par les enquêteurs, dont le propre petit-fils du président Wade qui est aussi son garde du corps, Lamine Faye. Sa voiture aurait servi à transporter les agresseurs. Papa Samba Mboup, ministre chef de cabinet du président de la République a été aussi entendu durant de longues heures. Il a d’ailleurs déposé une plainte pour diffamation contre Moussa Tine, l’adjoint de Talla Sylla qui s’était publiquement interrogé sur sa présence à l’hôpital au moment où Talla Sylla y a été transporté. Mais à ce jour aucune inculpation n’a été prononcée par le juge instructeur du dossier. La gravité des faits a mobilisé les partis politiques et associations de défense des droits de l’homme qui projettent d’organiser une manifestation de protestation, le 13 novembre à Dakar, contre les «violences politiques».
A écouter également :
La correspondance d'Olivier Rogez (31/10/2003, 1'53")
par Didier Samson
Article publié le 30/10/2003