Esclavage
La traite négrière et le partage des responsabilités
Dans le cadre de la XIIIe assemblée du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), du 1er au 12 octobre, les évêques africains se sont rendus en pèlerinage à Gorée, à la Maison des esclaves, où ils ont organisé une cérémonie de repentance pour la responsabilité de l’Eglise et des Africains dans l’esclavage et la traite négrière.
En ces lieux de mémoire, «sanctuaire de la douleur noire», selon l’expression du pape Jean-Paul II, les évêques africains ont voulu donner une suite à la démarche du Saint-Père qui, en 1992, y confessait déjà «le péché de l’homme contre l’homme» en parlant «d’holocauste méconnu». Dans cette tragédie de l’humanité les évêques africains veulent bien assumer une responsabilité de l’Eglise mais entendent aussi faire endosser aux Africains eux-mêmes leur participation à la traite des Noirs. «L’aveu est une grâce de départ nouveau, de conversion pour une nouvelle vie et de purification de la mémoire», a précisé le président du SCEAM, Monseigneur Laurent Monsengwo. Pour les représentants de l’Eglise, son silence a contribué à la durée de ce crime.
Les différentes interventions des représentants de l’Eglise africaine ont vogué sur ces deux aspects de responsabilité. La condamnation de l’homme blanc et sa responsabilité entière affirmée n’enrichit pas, pour autant les Noirs, disent en substance les ecclésiastiques africains qui souhaitent que les vendeurs (Africains) ne s’exonèrent pas de leurs responsabilités alors qu’à bien des égards aujourd’hui, certains comportements, conflits et autres formes d’asservissement rappellent les conditions d’infériorisation de l’homme noir qui ont fait le lit de la traite négrière. A travers les diverses contributions qui ont alimenté les discours de la repentance à Gorée, les prêtres africains ont relevé des pratiques qui participent encore aujourd’hui à entretenir des formes d’esclavage moderne. «La déconsidération et la méconnaissance de la dignité de l’homme ont amené nos ancêtres à vendre leurs frères et amènent encore tant d’Africains à trahir aujourd’hui leurs frères par cupidité, par appétit du pouvoir», a souligné Adrien Sarr, archevêque de Dakar.
Le clergé minimise son rôle
Le clergé africain en appelant à la responsabilité des Africains eux-mêmes a flatté la grandeur d’âme qui consiste à reconnaître ses erreurs et à les assumer. Par ce truchement, l’Eglise catholique relativise ainsi sa participation à la traite négrière, reconnaissant du bout des lèvres «la faute de ses fils» qui implique solidairement la sienne. Mais dans la hiérarchie de l’Eglise, au XIXe siècle on parlait encore de malédiction, presqu’endémique qui frappait l’homme noir. «On l’a asservi pour pouvoir le purifier de sa malédiction par le baptême», pouvait-on lire dans une note du concile Vatican I en 1870. Ce cautionnement «des activités d’alors» n’a certainement pas reçu l’assentiment des supposés bénéficiaires, qui, là ont plus subi qu’ils n’ont participé à une quelconque campagne. Le traitement de l’homme noir codifié en 1685, décrivait «un bien meuble», lui niant de fait une appartenance à l’espèce humaine. Tout ceci entrepris à son corps défendant révèle bien une mentalité d’époque et le rapport des forces, qui établissaient un «commerce» et la nature des échanges.
A la fin du XVe siècle, le partage chrétien de l’Afrique donnait déjà aux rois chrétiens (européens) la mission d’évangéliser le continent. Là aussi, l’Eglise ne comprend pas que sa «mission» ait pu participer à un ensemble de manipulations et d’industries diverses pour asseoir l’hégémonie et la puissance d’une civilisation. Et pourtant ce sont ces mêmes hommes qui par contradiction d’intérêts ont pensé une autre forme d’exploitation directe en transformant le partage chrétien de l’Afrique en partage laïc au début du XIXe siècle. Les théories esclavagistes ont puisé dans les méthodes d’époque leurs justifications. L’habileté des négriers a été d’utiliser les rivalités ethniques, les guerres entre empires et royaumes pour alimenter à grand flux ce qui a été le premier transfert de main d’œuvre dans le monde. Les hommes valides sont arrachés à leurs terres africaines pour aller servir ailleurs, dans les Amériques, afin d’alimenter une industrie naissante en Europe. La traite négrière n’a été rien d’autre que cela et ce sont les conditions de travail et de services qui ont constitué l’esclavage. Le partage des responsabilités n’enlève rien à ces faits.
Ecouter également:
Sylvie Brunel, professeur à l'Université de Montpellier III au micro de Christophe Boisbouvier (09/10/2003, 5'30")
Appels sur l’actualité, du 8 octobre a débattu de ce sujet. (présentation: Juan Gomez, 20’).
Les différentes interventions des représentants de l’Eglise africaine ont vogué sur ces deux aspects de responsabilité. La condamnation de l’homme blanc et sa responsabilité entière affirmée n’enrichit pas, pour autant les Noirs, disent en substance les ecclésiastiques africains qui souhaitent que les vendeurs (Africains) ne s’exonèrent pas de leurs responsabilités alors qu’à bien des égards aujourd’hui, certains comportements, conflits et autres formes d’asservissement rappellent les conditions d’infériorisation de l’homme noir qui ont fait le lit de la traite négrière. A travers les diverses contributions qui ont alimenté les discours de la repentance à Gorée, les prêtres africains ont relevé des pratiques qui participent encore aujourd’hui à entretenir des formes d’esclavage moderne. «La déconsidération et la méconnaissance de la dignité de l’homme ont amené nos ancêtres à vendre leurs frères et amènent encore tant d’Africains à trahir aujourd’hui leurs frères par cupidité, par appétit du pouvoir», a souligné Adrien Sarr, archevêque de Dakar.
Le clergé minimise son rôle
Le clergé africain en appelant à la responsabilité des Africains eux-mêmes a flatté la grandeur d’âme qui consiste à reconnaître ses erreurs et à les assumer. Par ce truchement, l’Eglise catholique relativise ainsi sa participation à la traite négrière, reconnaissant du bout des lèvres «la faute de ses fils» qui implique solidairement la sienne. Mais dans la hiérarchie de l’Eglise, au XIXe siècle on parlait encore de malédiction, presqu’endémique qui frappait l’homme noir. «On l’a asservi pour pouvoir le purifier de sa malédiction par le baptême», pouvait-on lire dans une note du concile Vatican I en 1870. Ce cautionnement «des activités d’alors» n’a certainement pas reçu l’assentiment des supposés bénéficiaires, qui, là ont plus subi qu’ils n’ont participé à une quelconque campagne. Le traitement de l’homme noir codifié en 1685, décrivait «un bien meuble», lui niant de fait une appartenance à l’espèce humaine. Tout ceci entrepris à son corps défendant révèle bien une mentalité d’époque et le rapport des forces, qui établissaient un «commerce» et la nature des échanges.
A la fin du XVe siècle, le partage chrétien de l’Afrique donnait déjà aux rois chrétiens (européens) la mission d’évangéliser le continent. Là aussi, l’Eglise ne comprend pas que sa «mission» ait pu participer à un ensemble de manipulations et d’industries diverses pour asseoir l’hégémonie et la puissance d’une civilisation. Et pourtant ce sont ces mêmes hommes qui par contradiction d’intérêts ont pensé une autre forme d’exploitation directe en transformant le partage chrétien de l’Afrique en partage laïc au début du XIXe siècle. Les théories esclavagistes ont puisé dans les méthodes d’époque leurs justifications. L’habileté des négriers a été d’utiliser les rivalités ethniques, les guerres entre empires et royaumes pour alimenter à grand flux ce qui a été le premier transfert de main d’œuvre dans le monde. Les hommes valides sont arrachés à leurs terres africaines pour aller servir ailleurs, dans les Amériques, afin d’alimenter une industrie naissante en Europe. La traite négrière n’a été rien d’autre que cela et ce sont les conditions de travail et de services qui ont constitué l’esclavage. Le partage des responsabilités n’enlève rien à ces faits.
Ecouter également:
Sylvie Brunel, professeur à l'Université de Montpellier III au micro de Christophe Boisbouvier (09/10/2003, 5'30")
Appels sur l’actualité, du 8 octobre a débattu de ce sujet. (présentation: Juan Gomez, 20’).
par Didier Samson
Article publié le 08/10/2003