Burkina Faso
Deux capitaines, un pendu et des documents accusateurs
Le procureur général, commissaire du gouvernement auprès du Tribunal militaire, Abdoulaye Barry, avait organisé une conférence de presse ce mardi 7 octobre pour annoncer que douze militaires et un civil avaient été arrêtés, entre le 1er et le 6 octobre, pour «complot contre la sécurité intérieure de l’Etat». En même temps, il affirmait que les accusés avaient reçu des soutiens étrangers pour mettre à exécution leur projet de «changer de régime». Hier, l’un des militaire a été retrouvé pendu dans sa cellule, Abdoulaye Barry a annoncé l’arrestation d’un suspect supplémentaire et cité nommément la Côte d’Ivoire et le Togo dans cette affaire.
Deux capitaines quadragénaires, Ouali Luther Diapagri et Bayoulou Boulédié, figurent parmi les prévenus. Le premier en particulier est présenté comme le cerveau présumé d’une tentative de coup d’Etat. Selon le commissaire général du gouvernement, le capitaine Ouali Diapagri aurait avoué qu’il voulait se venger de «brimades». Toujours selon l’unique source gouvernementale disponible pour le moment, les gendarmes qui mènent l’enquête auraient mis la main sur «ses calepins, ses agendas, des correspondances et une déclaration intitulée Déclaration numéro 10 dans laquelle on appelait les militaires des garnisons à s’apprêter pour la suite». Les documents saisis au cours des perquisitions auraient également permis d’établir que «le capitaine Ouali, cerveau de l’affaire, a effectué des missions en Côte d’Ivoire et au Togo, où il a contacté des personnalités».
Jusqu’à son arrestation, le capitaine Ouali, qui appartient au Régiment central des armées (RCA), était détaché au ministère du Commerce, à Ouagadougou. Son comparse présumé, le capitaine Boulédié était lui affecté à la direction régionale de l’intendance militaire dans la deuxième ville du pays, au Sud-Ouest, Bobo-Dioulasso. Un troisième officier, le lieutenant Philippe Minoungou, en poste à la garnison de Po, au sud du pays, a été arrêté. Abdoulaye Barry expliquait hier qu’après avoir été entendu par les gendarmes qui n’avaient rien retenu contre lui, le lieutenant Minoungou aurait pris la fuite et tenté d’escalader le mur d’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis, à Ouagadougou. Et cela, bizarrement, au moment où la maréchaussée le reconduisait chez lui après l’avoir déclaré libre. Hommes du rang, sergents ou caporaux, les dix autres militaires prévenus sont tous pour la plupart des anciens de la Garde présidentielle. Comme le cerveau présumé, ils se plaindraient d’avoir été «exploités puis abandonnés» par le régime de Blaise Compaoré.
Implications ivoiriennes
Le sergent Moussa Kaboré se serait pendu mercredi soir dans sa cellule du camp de la gendarmerie de Ouagadougou. Toujours selon le procureur militaire, le sergent Kaboré «était sérieusement impliqué» dans le complot et se serait suicidé en se pendant «avec un morceau de son pantalon» d’uniforme. Quant à l’unique civil actuellement en détention, il s’agit d’un instituteur qui est également pasteur dans une Eglise de l’union internationale des chrétiens, un certain Pascal Paré Israël sur lequel le commissaire du gouvernement n’a pas fourni grand élément, sauf à dire que compte-tenu du chef d’accusation, il sera jugé avec ses co-accusés par un tribunal militaire. Le procureur militaire, Abdoulaye Barry, ajoute que des arrestations sont en cours, tant dans les deux premières villes du pays que dans les garnisons de Kaya ou Ouahigouya.
Selon le pouvoir burkinabe, «tout tourne autour du capitaine Ouali», mais des personnages plus haut-placés seraient impliqués. Burkinabé ou étrangers ? En tout cas, ce qui ressort dans l’immédiat c’est la rapidité avec laquelle Ouagadougou a pointé du doigt Abidjan et Lomé. Et cela alors que les relations burkinabé-ivoiriennes semblaient devoir se réchauffer, avec notamment l’arrestation en France de l’Ivoirien Ibrahim Coulibaly, hôte encombrant du Burkina, et même le 10 septembre dernier la réouverture officielle de la frontière terrestre entre les deux pays. Un système d’escorte des transporteurs étaient d’ailleurs à l’étude, pour faciliter le transit dans la zone des anciens rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). Du côté de Lomé, le ton était monté il y a quelques mois, le régime Eyadéma accusant son voisin du Nord d’accueillir des déserteurs. L’affaire du «complot» pourrait donc faire d’une pierre plusieurs coups. D’autant que concernant la Côte d’Ivoire, les éléments «révélés» par le pouvoir burkinabé ne manquent pas d’à-propos chronologique.
«Deux pays, la Côte d’Ivoire et le Togo ont été visités par le capitaine Ouali. Dans ces deux pays, il a contacté des personnalités», affirme aujourd’hui le procureur militaire. Mais l’enquête avançant visiblement grand train, à moins que ces révélations aient été retardées pour diverses raisons, Abdoulaye Barry précise que les deux capitaines ont suspendu leur projet deux ou trois ans durant, attendant selon lui de recevoir plus de moyens pour le mettre en œuvre. Pour preuve des moyens en question sont évoqués des achats de mobylettes et autres manifestations d’une augmentation du train de vie des accusés. Mais surtout, le commissaire du gouvernement assure que le complot avait été mûri en 2000-2001, c’est-à-dire en tout cas, avant le 19 septembre 2002 qui a marqué en Côte d’Ivoire une tentative de coup d’Etat dans laquelle le pouvoir burkinabé a joué sa partition.
Au final, les émigrés burkinabé ont fait massivement les frais de l’eczéma politico-identitaire ivoirien. Le pouvoir Compaoré a pu surfer un temps non sans bénéfice sur la vague de leur désespoir. Mais aujourd’hui, plus largement, c’est toute l’économie burkinabé qui essuie les plâtres de la partition ivoirienne. Dans ce contexte, réel ou supposé, le complot tombe à pic, comme une réponse de Ouagadougou aux critiques ivoiriennes et burkinabé.
Jusqu’à son arrestation, le capitaine Ouali, qui appartient au Régiment central des armées (RCA), était détaché au ministère du Commerce, à Ouagadougou. Son comparse présumé, le capitaine Boulédié était lui affecté à la direction régionale de l’intendance militaire dans la deuxième ville du pays, au Sud-Ouest, Bobo-Dioulasso. Un troisième officier, le lieutenant Philippe Minoungou, en poste à la garnison de Po, au sud du pays, a été arrêté. Abdoulaye Barry expliquait hier qu’après avoir été entendu par les gendarmes qui n’avaient rien retenu contre lui, le lieutenant Minoungou aurait pris la fuite et tenté d’escalader le mur d’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis, à Ouagadougou. Et cela, bizarrement, au moment où la maréchaussée le reconduisait chez lui après l’avoir déclaré libre. Hommes du rang, sergents ou caporaux, les dix autres militaires prévenus sont tous pour la plupart des anciens de la Garde présidentielle. Comme le cerveau présumé, ils se plaindraient d’avoir été «exploités puis abandonnés» par le régime de Blaise Compaoré.
Implications ivoiriennes
Le sergent Moussa Kaboré se serait pendu mercredi soir dans sa cellule du camp de la gendarmerie de Ouagadougou. Toujours selon le procureur militaire, le sergent Kaboré «était sérieusement impliqué» dans le complot et se serait suicidé en se pendant «avec un morceau de son pantalon» d’uniforme. Quant à l’unique civil actuellement en détention, il s’agit d’un instituteur qui est également pasteur dans une Eglise de l’union internationale des chrétiens, un certain Pascal Paré Israël sur lequel le commissaire du gouvernement n’a pas fourni grand élément, sauf à dire que compte-tenu du chef d’accusation, il sera jugé avec ses co-accusés par un tribunal militaire. Le procureur militaire, Abdoulaye Barry, ajoute que des arrestations sont en cours, tant dans les deux premières villes du pays que dans les garnisons de Kaya ou Ouahigouya.
Selon le pouvoir burkinabe, «tout tourne autour du capitaine Ouali», mais des personnages plus haut-placés seraient impliqués. Burkinabé ou étrangers ? En tout cas, ce qui ressort dans l’immédiat c’est la rapidité avec laquelle Ouagadougou a pointé du doigt Abidjan et Lomé. Et cela alors que les relations burkinabé-ivoiriennes semblaient devoir se réchauffer, avec notamment l’arrestation en France de l’Ivoirien Ibrahim Coulibaly, hôte encombrant du Burkina, et même le 10 septembre dernier la réouverture officielle de la frontière terrestre entre les deux pays. Un système d’escorte des transporteurs étaient d’ailleurs à l’étude, pour faciliter le transit dans la zone des anciens rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). Du côté de Lomé, le ton était monté il y a quelques mois, le régime Eyadéma accusant son voisin du Nord d’accueillir des déserteurs. L’affaire du «complot» pourrait donc faire d’une pierre plusieurs coups. D’autant que concernant la Côte d’Ivoire, les éléments «révélés» par le pouvoir burkinabé ne manquent pas d’à-propos chronologique.
«Deux pays, la Côte d’Ivoire et le Togo ont été visités par le capitaine Ouali. Dans ces deux pays, il a contacté des personnalités», affirme aujourd’hui le procureur militaire. Mais l’enquête avançant visiblement grand train, à moins que ces révélations aient été retardées pour diverses raisons, Abdoulaye Barry précise que les deux capitaines ont suspendu leur projet deux ou trois ans durant, attendant selon lui de recevoir plus de moyens pour le mettre en œuvre. Pour preuve des moyens en question sont évoqués des achats de mobylettes et autres manifestations d’une augmentation du train de vie des accusés. Mais surtout, le commissaire du gouvernement assure que le complot avait été mûri en 2000-2001, c’est-à-dire en tout cas, avant le 19 septembre 2002 qui a marqué en Côte d’Ivoire une tentative de coup d’Etat dans laquelle le pouvoir burkinabé a joué sa partition.
Au final, les émigrés burkinabé ont fait massivement les frais de l’eczéma politico-identitaire ivoirien. Le pouvoir Compaoré a pu surfer un temps non sans bénéfice sur la vague de leur désespoir. Mais aujourd’hui, plus largement, c’est toute l’économie burkinabé qui essuie les plâtres de la partition ivoirienne. Dans ce contexte, réel ou supposé, le complot tombe à pic, comme une réponse de Ouagadougou aux critiques ivoiriennes et burkinabé.
par Monique Mas
Article publié le 10/10/2003