Pétrole
Le paradoxe de l'abondance
Au moment où le pétrole africain connaît un regain d’intérêt, avec de nouvelles découvertes de gisements, l’organisation non gouvernementale «Catholic relief services» a publié un rapport «Le fond du baril». Il en ressort une gestion opaque des revenus et un appauvrissement accru des populations.
«Notre pétrole doit être un instrument pour la vie et non pour la mort de notre peuple», ont dit les évêques catholiques du Congo-Brazzaville, cités en couverture du rapport «le fond du baril» de l’association Catholic relief services (CRS). Le sous-titre du même document «Boom pétrolier et pauvreté en Afrique», ne laisse aucun doute sur la philosophie générale du rapport qui montre bien que le pétrole africain n’a nullement servi à combattre la pauvreté en Afrique. Bien au contraire, dans la plupart des cas, conflits divers et guerres civiles ont accompagné l’exploitation de «l’or noir» sur le continent. L’Afrique sub-saharienne compte neuf producteurs de pétrole, le Nigeria, l’Angola, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Cameroun, le Tchad, la République démocratique du Congo (RDC), et le Soudan. Rares sont les pays qui n’ont pas connu une instabilité politico-militaire, à part le Cameroun, le Gabon et la Guinée équatoriale. Mais un dénominateur commun unit tous les pays producteurs du golfe de Guinée, la pauvreté sans cesse grandissante des populations.
Selon les chiffres publiés par CRS, les gouvernements de l’Afrique sub-saharienne vont recevoir dans les prochaines années plus de 200 milliards de dollars de revenus pétroliers. Cette manne n’aurait aucune incidence sur l’économie des pays et les revenus des habitants. Prenant l’exemple du Nigeria, l’association CRS explique que le revenu par habitant est inférieur à 1 dollar par jour, alors que le pays a reçu 300 milliards de dollars de revenus pétroliers, au cours de ces 25 dernières années. Quelques explications viennent corroborer la démonstration des experts de l’association CRS qui montrent l’inefficacité du système de rétribution du secteur pétrolier en Afrique. «Les gouvernements africains bénéficient des revenus du secteur pétrolier à travers les taxes, les impôts, les royalties, les bonus de signature, leurs parts dans les accords de partage. Ils sont la seule autorité qui puisse attribuer aux compagnies internationales le droit d’opérer sur leur territoire national», affirment les auteurs du rapport.
En déterminant seuls par ailleurs l’affectation des revenus de pétrole, les gouvernements africains créent une gestion opaque, servant en priorité des groupes, des amis ou des ethnies dans le but d’asseoir durablement leur pouvoir. L’implication des Etats africains dans la chaîne de production est toute relative et se cantonne à la collecte de bénéfices tirés de la vente conduite par les grands groupes multinationaux, si ce n’est la régulation du secteur pétrolier national par des compagnies nationales. De fait, la redistribution des richesses, ou la création d’autres activités rémunératrices et pérennes ne constituent pas une préoccupation pour les Etats africains qui semblent se contenter de recevoir comme si l’exploitation était à vie. La dépendance aux revenus du pétrole est alors très importante. An Nigeria, les pétrodollars constituent 83% des revenus du gouvernement fédéral, plus de 95% des revenus d’exportation et environ 40% du produit intérieur brut (PIB).
«Publiez ce que vous payez»
Dans ce contexte les populations autochtones qui n’ont ni infrastructures sanitaires, ni accès à l’eau potable, et qui voient des groupes sociaux, des privilégiés améliorer leurs conditions de vie, des populations étrangères vivre décemment des revenus du pétrole, nourrissent des frustrations qui entraînent des clivages importants dans la société. Ces différents aspects de l’exploitation du pétrole en Afrique connaîtront prochainement des virages difficiles à négocier, puisque plusieurs pays annoncent déjà la chute progressive des exploitations. C’est le cas du Cameroun et du Gabon. L’après-pétrole, comme s’il faisait peur à tout le monde, est difficilement appréhendé par les décideurs de ces pays qui n’ont pas pris le temps de prévoir et d’investir dans des stratégies de développement par la création de richesses pour les pays. Pour eux richesses voulaient dire ressources naturelles, et naturellement sans projection ni plan d’avenir, on s’est satisfait du quotidien en palpant les bienfaits du pétrole à travers des dépenses et réalisations somptuaires.
Le nouvel eldorado du pétrole en Afrique, la Guinée équatoriale, n’échappe pas à la logique pétrole et misère. Les somptueux revenus générés par le pétrole sont contrôlés par la famille du président et ses proches et profitent à quelques «initiés» au détriment de la population dont plus de 57% n’ont pas accès à l’eau potable. Dans ce même pays, selon les chiffres de l’association CRS «les dépenses d’éducation nationale sont restées à 1,7% du PIB, inchangées depuis 1985, c’est-à-dire avant cette période actuelle de boom pétrolier». Mais pendant ce temps une enquête du Los Angeles Times rapporte que 300 millions de dollars de revenus pétroliers ont été placés dans une banque privée de Washington DC, sur un compte placé sous la seule autorité du président de Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema.
Les exemples cités par les rapporteurs de l’association CRS ne sont pas isolés et sont applicables à tous les pays africains producteurs de pétrole et même au-delà pour découvrir dans la plupart des pays d’Amérique centrale les mêmes difficultés. L’arrivée des revenus issus du pétrole n’ont rien changer aux conditions de vie des populations. En Afrique les observateurs ne sont guère optimistes. Ils craignent que les convoitises des uns n’entretiennent la complicité coupable des autres (politiciens) au détriment des citoyens de leur pays. A l’horizon 2015, les Etats-Unis importeront de l’Afrique sub-saharienne plus de 25% de leur consommation contre 17% actuellement. C’est pourquoi les recommandations des différentes institutions s’intéressant au pétrole africain suggèrent tout simplement une bonne gouvernance qui devrait ouvrir la voie à plus de responsabilités de la part des gouvernants africains. Mais l’association RCS est tout aussi consciente que cela ne se décrète pas, et pense à la force des opinions publiques nationale et internationale qui pourraient faire évoluer les mentalités. Elle lance une campagne «publiez ce que vous payez» à l’endroit des compagnies multinationales d’exploitation pour les inviter une transparence dans ce qu’elles paient ou versent aux Etats. Elle espère participer ainsi à une certaine prise de conscience. Les montants versés, inconnus, ne sont pas contestables puisqu’ils se font sur la base d’un contrat, mais c’est leur utilisation qui laisse à désirer.
Selon les chiffres publiés par CRS, les gouvernements de l’Afrique sub-saharienne vont recevoir dans les prochaines années plus de 200 milliards de dollars de revenus pétroliers. Cette manne n’aurait aucune incidence sur l’économie des pays et les revenus des habitants. Prenant l’exemple du Nigeria, l’association CRS explique que le revenu par habitant est inférieur à 1 dollar par jour, alors que le pays a reçu 300 milliards de dollars de revenus pétroliers, au cours de ces 25 dernières années. Quelques explications viennent corroborer la démonstration des experts de l’association CRS qui montrent l’inefficacité du système de rétribution du secteur pétrolier en Afrique. «Les gouvernements africains bénéficient des revenus du secteur pétrolier à travers les taxes, les impôts, les royalties, les bonus de signature, leurs parts dans les accords de partage. Ils sont la seule autorité qui puisse attribuer aux compagnies internationales le droit d’opérer sur leur territoire national», affirment les auteurs du rapport.
En déterminant seuls par ailleurs l’affectation des revenus de pétrole, les gouvernements africains créent une gestion opaque, servant en priorité des groupes, des amis ou des ethnies dans le but d’asseoir durablement leur pouvoir. L’implication des Etats africains dans la chaîne de production est toute relative et se cantonne à la collecte de bénéfices tirés de la vente conduite par les grands groupes multinationaux, si ce n’est la régulation du secteur pétrolier national par des compagnies nationales. De fait, la redistribution des richesses, ou la création d’autres activités rémunératrices et pérennes ne constituent pas une préoccupation pour les Etats africains qui semblent se contenter de recevoir comme si l’exploitation était à vie. La dépendance aux revenus du pétrole est alors très importante. An Nigeria, les pétrodollars constituent 83% des revenus du gouvernement fédéral, plus de 95% des revenus d’exportation et environ 40% du produit intérieur brut (PIB).
«Publiez ce que vous payez»
Dans ce contexte les populations autochtones qui n’ont ni infrastructures sanitaires, ni accès à l’eau potable, et qui voient des groupes sociaux, des privilégiés améliorer leurs conditions de vie, des populations étrangères vivre décemment des revenus du pétrole, nourrissent des frustrations qui entraînent des clivages importants dans la société. Ces différents aspects de l’exploitation du pétrole en Afrique connaîtront prochainement des virages difficiles à négocier, puisque plusieurs pays annoncent déjà la chute progressive des exploitations. C’est le cas du Cameroun et du Gabon. L’après-pétrole, comme s’il faisait peur à tout le monde, est difficilement appréhendé par les décideurs de ces pays qui n’ont pas pris le temps de prévoir et d’investir dans des stratégies de développement par la création de richesses pour les pays. Pour eux richesses voulaient dire ressources naturelles, et naturellement sans projection ni plan d’avenir, on s’est satisfait du quotidien en palpant les bienfaits du pétrole à travers des dépenses et réalisations somptuaires.
Le nouvel eldorado du pétrole en Afrique, la Guinée équatoriale, n’échappe pas à la logique pétrole et misère. Les somptueux revenus générés par le pétrole sont contrôlés par la famille du président et ses proches et profitent à quelques «initiés» au détriment de la population dont plus de 57% n’ont pas accès à l’eau potable. Dans ce même pays, selon les chiffres de l’association CRS «les dépenses d’éducation nationale sont restées à 1,7% du PIB, inchangées depuis 1985, c’est-à-dire avant cette période actuelle de boom pétrolier». Mais pendant ce temps une enquête du Los Angeles Times rapporte que 300 millions de dollars de revenus pétroliers ont été placés dans une banque privée de Washington DC, sur un compte placé sous la seule autorité du président de Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema.
Les exemples cités par les rapporteurs de l’association CRS ne sont pas isolés et sont applicables à tous les pays africains producteurs de pétrole et même au-delà pour découvrir dans la plupart des pays d’Amérique centrale les mêmes difficultés. L’arrivée des revenus issus du pétrole n’ont rien changer aux conditions de vie des populations. En Afrique les observateurs ne sont guère optimistes. Ils craignent que les convoitises des uns n’entretiennent la complicité coupable des autres (politiciens) au détriment des citoyens de leur pays. A l’horizon 2015, les Etats-Unis importeront de l’Afrique sub-saharienne plus de 25% de leur consommation contre 17% actuellement. C’est pourquoi les recommandations des différentes institutions s’intéressant au pétrole africain suggèrent tout simplement une bonne gouvernance qui devrait ouvrir la voie à plus de responsabilités de la part des gouvernants africains. Mais l’association RCS est tout aussi consciente que cela ne se décrète pas, et pense à la force des opinions publiques nationale et internationale qui pourraient faire évoluer les mentalités. Elle lance une campagne «publiez ce que vous payez» à l’endroit des compagnies multinationales d’exploitation pour les inviter une transparence dans ce qu’elles paient ou versent aux Etats. Elle espère participer ainsi à une certaine prise de conscience. Les montants versés, inconnus, ne sont pas contestables puisqu’ils se font sur la base d’un contrat, mais c’est leur utilisation qui laisse à désirer.
par Didier Samson
Article publié le 18/10/2003