Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sahara occidental

Rabat rejette l’ultimatum de Kofi Annan

Dans une lettre adressée à l’ONU ce 21 octobre, le Maroc accuse le secrétaire général, Kofi Annan, d’avoir «dévié de sa neutralité et de son objectivité en donnant délibérément une interprétation erronée de la résolution 1495 adoptée le 30 juillet». Celle-ci soutient, sans l’adopter, le plan Baker qui prévoit une période transitoire de large autonomie avant l’organisation dans cinq ans d’un référendum proposant aux Sahraouis de choisir entre l’indépendance, l’autonomie ou l’intégration au sein du royaume marocain. Fort de l’adhésion du Front Polisario (et de l’Algérie) à ces dispositions, Kofi Annan vient «d’exhorter le Maroc à prendre des mesures concrètes pour appliquer le plan de paix» avant le 31 janvier 2004. Sur le fond, Rabat maintient ses objections, ajoutant, sur la forme, que le plan Baker requiert «l’accord des parties» et que «tous les membres du Conseil ont clairement rejeté l’option d’imposer le plan».
Visiblement, Rabat considère que Kofi Annan tente de lui forcer la main. Il est vrai que dans son dernier rapport au Conseil de sécurité (16 octobre 2003), le secrétaire général s’est montré plus que pressant vis-à-vis du Maroc. «L’acceptation du plan de paix par le Front Polisario offre désormais une occasion de régler le différend», écrivait-il, «j’engage le Maroc à saisir cette occasion et à participer de façon constructive au processus en acceptant le plan et en l’appliquant». Rappelant plus loin qu’il avait finalement accepté de lui donner «plus de temps pour réfléchir et procéder à des consultations», Kofi Annan insiste quand même pour «recevoir la réponse du Maroc avant la fin de l’année». Déterminé à proroger d’un trimestre, soit jusqu’au 31 janvier 2004, le mandat de la Minurso qui échoit ce 31 octobre, le secrétaire général de l’ONU conclut: «J’espère sincèrement qu’à cette date (31 janvier 2004), le royaume du Maroc sera en mesure de prendre des mesures concrètes pour appliquer le plan. Sinon, je présenterai de nouveau au Conseil de sécurité, en janvier, mes vues sur l’avenir du processus de paix au Sahara occidental…»

Rabat conteste «toute l’architecture» du plan Baker

Dans son rapport, Kofi Annan estime que la poire a été déjà coupée en deux entre les parties. Il retient que «l’objection la plus importante du royaume du Maroc… est l’indépendance» inscrite au menu du référendum. Mais, souligne-t-il, «l’autre option offerte est l’intégration» au Maroc et, pour troisième voie, l’autonomie dans le cadre du royaume. Des ajustements «pour répondre aux préoccupations du Maroc», selon Kofi Annan, et «des consultations qui ont eu lieu avec mon envoyé personnel à Houston le 17 septembre», en vain, puisque «le Maroc n’est toujours pas revenu sur son opposition au plan de paix». Pourtant, autre point de blocage récurrent, les listes électorales revues et corrigées par le plan Baker semblaient plutôt favorables à Rabat. Mais le ton marocain s’est durci lorsque Kofi Annan est revenu à la charge à la veille de la réunion du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental prévue le 27 octobre prochain.

Ce conflit qui dure depuis 27 ans a déjà coûté 511,4 millions de dollars pour les seules dépenses de fonctionnement de la Mission des Nations unies au Sahara occidental (Minurso), depuis son entrée en fonction, le 29 avril 1991, jusqu’au 31 août 2003. Une épine dans le budget onusien dont les secrétaires généraux successifs ont tenté en vain de se débarrasser, de référendum sans cesse reporté en envoyés spéciaux successifs et en plans éconduits par l’une ou l’autre partie. Cette fois, James Baker risque à son tour de jeter l’éponge, avec le cinquième plan de règlement proposé par l’ONU. Pour sa part, le Front Polisario a tenu son congrès mi-octobre, à Tifariti, à une centaine de kilomètres du mur de défense marocain. C’était une première depuis sa création en 1973 et la signature du cessez-le-feu en 1991. Une manière de marquer sa souveraineté en «territoire libéré», à quelque 550 kilomètres au nord-est d’Al Ayoun, loin de ses quartiers-généraux algériens de Tindouf (sud-ouest algérien).

A Tifariti, en réélisant Mohamed Abdelaziz à sa tête et en choisissant les 41 membres de son secrétariat national, le Polisario a expliqué que ce congrès devait adopter «la ligne de conduite politique du front durant les quatre prochaines années, à la lumière des derniers développements et des perspectives qui se dessinent devant la lutte pour l’indépendance du pays». Le concernant, Kofi Annan se félicite de la libération le 1er septembre dernier de 243 prisonniers de guerre marocains. Mais il fait «appel au Front Polisario pour qu’il libère immédiatement les 914 prisonniers de guerre restants, dont certains sont détenus depuis plus de 20 ans». En septembre dernier, la fondation humanitaire France Libertés de Danielle Mitterrand avait interrompu son aide au Polisario en l’accusant justement de maltraiter ces prisonniers et de les utiliser en travailleurs forcés.

Aujourd’hui, le Maroc rend l’Algérie responsable «dans la poursuites des graves violations du droit international humanitaire à l’encontre des membres des Forces armées royales détenus sur son territoire» par le Polisario. Une flèche contre Alger qui revendique 165 000 réfugiés sahraouis et qui adhère au plan Baker comme à la résolution 1495. Au total, sur la question des prisonniers, dont il déplore les «libérations échelonnées», le Maroc est à l’unisson de Kofi Annan. En revanche, Rabat conteste «toute l’architecture» du plan Baker comme une entorse à «la souveraineté et l’intégrité territoriale du royaume». Et en l’absence de réponse marocaine officielle aux questions de Kofi Annan, il est «erroné de déduire»» qu’il est en droit d’attendre des «mesures concrètes» de mise en œuvre du plan Baker, explique l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Mohamed Bennouna. En clair, qui ne dit mot ne consent pas forcément. C’est une fin de non recevoir diplomatique.



par Monique  Mas

Article publié le 23/10/2003 Dernière mise à jour le 22/10/2003 à 22:00 TU