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Irak

Le Pentagone mobilise

Plus de six mois après l’annonce par George Bush de la fin des opérations militaires en Irak, l’armée américaine est plus que jamais mise en difficulté par la résistance irakienne. Les troupes de la coalition doivent en effet faire face chaque jour à au moins une trentaine d’attaques et cela fait déjà un moment que le nombre de soldats tués depuis le début de l’occupation dépasse celui des militaires morts pendant les six premières semaines d’opérations militaires dites majeures qui ont conduit à la chute du régime de Saddam Hussein. Pour tenter de parer aux nombreuses critiques qui lui sont faites sur sa gestion de l’après-guerre, le Pentagone a annoncé le renvoi des marines en Irak ainsi que la mise en place d’un vaste mouvement de rotation des troupes devant aboutir à renouveler l’ensemble des soldats actuellement déployés dans la région.
A lui seul, le rappel des marines –corps d’élite de l’armée américaine– en Irak montre à quel point la situation s’est dégradée ces dernières semaines. Quelque 20 000 d’entre eux vont ainsi reprendre le chemin de Bagdad pour porter secours à l’armée régulière qui avait été chargée, mais visiblement sans succès, de la gestion de l’après-guerre. Outre le rappel de ces militaires qui avaient mené victorieusement la campagne «Choc et effroi» qui a conduit à la chute du régime de Saddam Hussein, le Pentagone a lancé un vaste mouvement de rotation des troupes américaines sur place qui devrait permettre à l’horizon du printemps 2004 de relever l’ensemble des soldats actuellement déployés en Irak. Quelque 85 000 militaires, marines et gardes nationaux, ont ainsi d’ores et déjà reçu leur affectation et pas moins de 43 000 réservistes devraient être mobilisés d’ici le début de l’année prochaine dans cet objectif. Ils devront en moyenne rester entre 12 et 18 mois, soit deux fois plus longtemps que la durée habituelle d’affectation. Une mesure qui risque de renforcer le mécontentement, que ce soit au sein de l’armée ou au sein de la population où 38% des Américains réclament un retrait d’Irak.

Cette large réorganisation ne devrait toutefois pas aboutir à un renforcement de la présence américaine sur le terrain. Au contraire, le Pentagone a bien l’intention de réduire ses effectifs sur place. Le chef d’état-major interarmées adjoint, le général Peter Pace, a ainsi affirmé que d’ici mai prochain les Etats-Unis allait retirer un quart de leurs troupes pour les ramener à 105 000 contre 130 000 actuellement. Pour mettre en œuvre cette mesure, Washington compte sur les nouvelles forces de sécurité irakiennes que la coalition est actuellement en train de réorganiser. Ces forces devraient, d’ici le printemps prochain, atteindre 170 000 hommes contre 115 000 aujourd’hui. Le Pentagone attend en outre le soutien de deux divisions internationales supplémentaires mais qui toutefois tardent à arriver. Ainsi et alors qu’elle s’était pourtant engagée à envoyer des troupes en Irak, la Turquie met du temps à tenir ses promesses, la dégradation de la situation sécuritaire sur le terrain n’étant pas un encouragement pour les rares pays qui avaient promis des renforts aux forces de la coalition.

Vers une irakisation du conflit ?

La décision de Washington de réduire sa présence dans le Golfe ne devrait toutefois pas calmer les critiques de plus en plus virulentes aux Etats-Unis concernant la stratégie adoptée par le Pentagone en Irak. Démocrates mais aussi Républicains émettent ouvertement des doutes sur la politique actuellement menée, certains jugeant notamment qu’elle fait peu de cas de la stabilisation du pays. L’un de ses plus virulents détracteurs, le sénateur républicain John McCain, a ainsi déploré la décision de diminuer la présence américaine en Irak. Pour ce vétéran du Vietnam, très respecté aux Etats-Unis, au moins une division supplémentaire –15 000 à 20 000 hommes– doit être déployée en renfort sur le terrain. Selon lui, si les soldats de la coalition sont traités comme une force d’occupation c’est en partie parce qu’ils traitent les Irakiens comme s’ils les avaient vaincus et non libérés. «Seule la victoire peut être notre stratégie de sortie. Nous gagnons en Irak mais nous semons les graines de notre propre échec en envisageant une réduction prématurée de nos forces et en modérant nos ambitions de démocratiser ce pays», a-t-il notamment déploré.

A un an de l’élection présidentielle, l’annonce du retrait d’un quart des troupes américaines, sonne comme une volonté de rassurer l’opinion publique plus que jamais inquiète face à l’augmentation des attaques contre les boys. L’administration Bush se voit en outre reprocher l’irakisation du conflit, en référence à la vietnamisation décidée par l’ancien président Richard Nixon et qui consistait à confier progressivement au Sud-Vietnam la charge des opérations militaires dans le seul but de désengager les Etats-Unis embourbés dans une guerre qui a coûté la vie à plus 58 000 soldats. Un éditorialiste américain estime ainsi que «frustré par le manque de progrès sur le terrain et par un soutien à domicile qui s’estompe, Washington pense désormais qu’un transfert rapide du pouvoir à des troupes et des politiciens locaux améliorerait les choses». Et de conclure: «Cela s’appelait la vietnamisation, maintenant c’est l’irakisation. Et hier comme aujourd’hui, c’est moins une stratégie de victoire, qu’une stratégie de sortie».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/11/2003