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Arabie Saoudite

Ryad ensanglanté par un attentat suicide

Un attentat à la voiture piégée a dévasté dans la soirée de samedi un complexe résidentiel de la capitale saoudienne, Ryad. Cette opération suicide a coûté la vie à au moins dix-sept personnes et blessé plus d'une centaine d’autres. Le bilan provisoire de cette attaque, qui selon les autorités saoudiennes portent la marque de l’organisation terroriste al-Qaïda d’Oussama ben Laden, pourrait s’alourdir. Les représentations diplomatiques dans le royaume ont appelé leurs ressortissants à ne pas quitter leur domicile.
L’opération terroriste a été minutieusement orchestrée. L’attaque a en effet d’abord commencé par le pilonnage, depuis une colline des environs, du complexe résidentiel choisi pour cible. Des hommes ont ainsi échangé des tirs nourris avec les vigiles en charge de la sécurité de ce site qui compte quelque 200 villas. Une jeep de la police saoudienne s’est ensuite présentée devant les gardiens qui, pensant à l’arrivée des secours, l’ont laissé pénétré dans l’enceinte du complexe où elle a explosé. Les terroristes, qui avaient pris soin de revêtir des uniformes de la garde nationale saoudienne, ont pensé à conduire le véhicule piégé au centre du complexe avant de déclencher leur bombe, dans le souci évident de faire un maximum de victimes.

L’explosion d’une grande puissance a creusé un cratère de plus de deux mètres. Les vitres de toutes les habitations ont été soufflées et des pans entiers de murs de béton se sont effondrés. Les flammes ont ensuite ravagé les villas les plus proches –cinq d’entre elles ont été totalement détruites– et des dizaines de voitures qui se trouvaient à proximité de l’explosion ont été calcinées. Les victimes sont majoritairement des femmes et des enfants, réunis à l’occasion de cette soirée du ramadan, mois de jeûne sacré pour les musulmans, et qui attendaient le retour des hommes partis prier à la mosquée. Selon le bilan officiel, onze personnes ont été tuées et plus d'une centaine d'autres blessées. Des sources diplomatiques évoquent toutefois la mort d'au moins une vingtaine de personnes. Dimanche les secours s’activaient toujours dans les décombres à la recherche d’éventuelles victimes.

La marque d’al-Qaïda

L’attentat a été perpétré dans un complexe résidentiel majoritairement habité par des familles arabes de la classe moyenne. Quelques rares Occidentaux –deux familles françaises, une allemande et une italienne– avaient choisi d’y résider à cause des loyers moins élevés. Certaines sources avancent que la sécurité du complexe était moins stricte que pour certaines résidences habitées exclusivement par des Occidentaux, ce qui en faisait une cible de choix pour les terroristes. Une information vigoureusement démentie par les propriétaires qui soulignent notamment que les villas étaient situées non loin du palais royal al-Yamama et d’un palais de Abdelaziz ben Fahd, le dernier fils du souverain saoudien. D’autres membres de la famille royale habitent en outre le quartier situé à proximité du quartier diplomatique qui abrite de nombreuses missions occidentales. Une des résidences du prince Nayef, le ministre de l’Intérieur, se trouve d’ailleurs à proximité du lieu du drame. Selon les propriétaires, le complexe était entouré de mesures strictes de sécurité –des blocs de ciment entouraient notamment la résidence– et une trentaine de membres de la Garde nationale saoudienne étaient déployés dans le secteur.

Si l’identité des kamikazes ainsi que le choix de leur cible atypique demeurent pour l’instant inconnus, les autorités saoudiennes n’hésitent pas à pointer du doigt l’organisation terroriste d’Oussama ben Laden. Selon un responsable en effet, «la technique d’exécution de cet attentat est similaire à celle des explosions du 12 mai de Ryad, ce qui confirme que les auteurs de cette nouvelle attaque terroriste appartiennent au mouvement al-Qaïda, traqué par les autorités saoudiennes». Il y a tout juste six mois, un triple attentat suicide avait ravagé des complexes résidentiels de la capitale saoudienne provoquant la mort de 35 personnes, dont neuf Américains. Les autorités du royaume wahhabite avaient, en représailles, organisé une campagne de répression sans précédent dans les milieux islamistes. D’importantes caches d’armes ont été découvertes lors des opérations de police qui ont conduit à l’arrestation de quelque 600 personnes.

Pas plus tard que lundi dernier, les dirigeants saoudiens avaient affirmé avoir déjoué un projet d’attentat contre les pèlerins de La Mecque, venus passer ce mois sacré en Arabie saoudite, pays berceau de l’islam. Cinq terroristes présumés avaient même été tués dans les affrontements qui les ont opposés plusieurs heures durant, aux forces de sécurité saoudiennes. Trois jours plus tard, deux membres présumés d’al-Qaïda se faisaient sauter pour échapper à la police qui les poursuivait.

Dans ce contexte extrêmement tendu, les Etats-Unis avaient fait savoir vendredi, que selon leurs informations, des terroristes se préparaient à perpétrer des attentats en Arabie saoudite. Ils ont même ordonné la fermeture de leurs missions diplomatiques dans ce pays pour revoir les conditions de sécurités, pourtant draconiennes, jugées insuffisantes. Après l’attentat de samedi soir, l’ambassade américaine en Arabie saoudite a conseillé à ses employés et à leur famille de ne pas sortir de chez eux.
Cette nouvelle attaque terroriste de Ryad a bien évidemment été unanimement condamnée par la communauté internationale qui a notamment dénoncé une «abominable barbarie» ou encore un «acte inhumain».

Ecouter également:

Khattar Abou Diab , politologue et spécialiste de l’Arabie Saoudite, répond aux questions de Caroline Paré (Invité mi-journée, 9 nov. 2003, 6’01’’).



par Mounia  Daoudi

Article publié le 09/11/2003