Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Côte d''Ivoire

Echec d’Accra III

Le mini-sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la crise en Côte d’Ivoire s’est tenu le 11 novembre à Accra et s’est achevé sans réelles avancées. Le processus de réconciliation bat toujours de l’aile.
John Kufuor, le chef de l’Etat ghanéen et président en exercice de la CEDEAO, a invité le 11 novembre six autres chefs d’Etat africains pour un mini-sommet sur la crise ivoirienne. Le chef de l’Etat ghanéen qui avait déjà pris une telle initiative pour proposer une lecture affinée et partagée de l’accord de Marcoussis récidive pour tenter de relancer le processus de normalisation aujourd’hui contrarié. C’est Accra III. Depuis bientôt deux mois les Forces nouvelles (ex-rebelles) ont suspendu leur participation au gouvernement d’union nationale et transition conduit par Seydou Diarra. Les Forces nouvelles repliées dans leur fief de Bouaké ont également mis un coup d’arrêt au programme DDR (Désarmement, démobilisation et réinsertion) instauré par le Premier ministre et placé sous contrôle international.

L’initiative du président Kufuor répondait à une préoccupation bien exprimée par le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan qui disait que «le processus de paix ivoirien avait rencontré de sérieuses difficultés qui doivent être identifiées et abordées d’urgence pour éviter son déraillement». C’est pourquoi au nom de la CEDEAO qu’il préside, John Kufuor a réuni autour de lui, les présidents Mathieu Kérékou du Bénin, Gnassingbé Eyadéma du Togo, Mamadou Tandja du Niger, Blaise Compaoré du Burkina Faso, Olusegun Obasanjo du Nigeria pour recevoir leur homologue Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire. La réunion a débuté aux alentours de 15h30 locales à huis clos et trois heures plus tard, Olusegun Obasanjo était le premier à sortir de la salle de réunion l’air très agacé. Les autres chefs d’Etat ont suivi, un par un, évitant soigneusement de livrer le moindre commentaire à la presse.

Les dirigeants ouest-africains ne se satisfont plus des bonnes intentions

Les chefs d’Etat africains ont obtenu du président Laurent Gbagbo, son engagement à collaborer avec son Premier ministre. Ses bonnes intentions ne constituent pas aux yeux de ses pairs africains de réelles avancées sur le chemin de la réconciliation. Entre autres sujets de préoccupation, les chefs d’Etat ouest-africains ont souhaité la dissolution des «milices et bandes armées» qui naissent dans toutes les régions du pays et cautionnées par des groupes politiques. Les prérogatives du Premier ministre avec des pouvoirs élargis jusqu’en 2005, la responsabilité pleine et entière des ministres (nomination de leurs collaborateurs), n’ont pas trouvé plus d’échos auprès de la présidence ivoirienne. En revanche, un point bien souligné dans le communiqué final lu par Ibn Chambas, le secrétaire général de la CEDEAO est l’accord trouvé sur la nécessité de garantir la sécurité les membres du gouvernement. Pour cela «80 gendarmes supplémentaires doivent être déployés pour la sécurité des ministres»

Par ailleurs, il a été demandé aux forces politiques et aux dirigeants en charge des médias «de prendre les mesures nécessaires et de rappeler aux médias les règles déontologiques inhérentes à leur profession». La révision de l’article 35 de la constitution est aussi un point de blocage. Les dispositions concernant l’éligibilité à la présidence de la République, et donc les questions liées à la nationalité et au mandat électif n’ont pu être abordées dans le fond. Une révision de la constitution semble le meilleur moyen pour régler ce problème, mais cela nécessite le rétablissement de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire, un référendum, un recensement avec des cartes nationales d’identité, etc. Malgré la complexité de la tâche reconnue par les chefs d’Etat présents à Accra, auraient visiblement souhaité obtenir une adhésion des autorités ivoiriennes sur la refonte du système qui visiblement pose problème.

Fâchés, les chefs d’Etat ouest-africains sont repartis chez eux, annulant la conférence de presse commune qui était initialement prévue en clôture du mini sommet. Mais on retiendra tout de même qu’un sujet abordé a fait l’unanimité : le souhait de faire intégrer à la MUNICI (la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire), les forces de la CEDEAO qui comptent environ 3 000 hommes. Pour l’instant la MUNICI compte une trentaine d’officiers qui assurent la liaison entre le contingent français de l’opération Licorne, 4 000 hommes, les forces ivoiriennes et celles de la CEDEAO. Les dirigeants ouest-africains souhaitent l’intégration de leurs forces à la MUNICI afin de la transformer en opération de maintien de la paix sous couvert des nations unies. Mais au-delà de cette préoccupation, il faut surtout voir le soutien financier d’une telle opération que les pays ouest-africains ont de plus en plus de mal à assumer seuls. Pour l’heure, Kofi Annan a demandé une prorogation de la mission en Côte d’Ivoire pour une nouvelle période de six mois, que le Conseil de sécurité examinera dès le 13 novembre.

Ce même jour, le président Laurent Gbagbo recevra à Abidjan le président de la Commission européenne, Romano Prodi. Il sera question de l’aide financière conditionnelle de l’Union européenne à la Côte d’Ivoire. L’échec du mini-sommet d’Accra III n’incite pas l’Union européenne à mettre la main à la poche. La situation d'instabilité de la Côte d'Ivoire met «l'Union européenne dans l'impossibilité d'exercer sa politique d'aide, de coopération et de développement de ce pays», a déploré Romano Prodi à Dakar, en route pour la Côte d'Ivoire.



par Didier  Samson

Article publié le 12/11/2003