Algérie
Bouteflika passe à l’offensive
Le 11 novembre, la chambre administrative près la cour d’Alger doit se prononcer sur la validité du huitième congrès du Front de libération nationale (FLN) qui, en mars 2003, a reconduit comme secrétaire général Ali Benflis, dont la candidature aux présidentielles d’avril 2004 vient d’être consacrée par l’ancien parti unique, au cours d’un congrès extraordinaire les 30 septembre et 1er octobre dernier. Le remplacement des 21 magistrats (dix présidents de cours et onze procureurs généraux) limogés le 3 novembre par le chef de l’Etat a commencé ce mercredi. Il devrait se conclure pour l’ouverture de l’année judiciaire, le 9 novembre prochain. Parallèlement, les adversaires d’Ali Benflis, dissidents du FLN majoritaire, ont programmé un congrès de «redressement» en décembre pour tenter de remettre l’ancien parti unique dans l’orbite d’Abdelaziz Bouteflika.
Le mouvement dans la magistrature initié par le chef de l’Etat concerne 18 des 36 tribunaux du Nord algérien, et notamment ceux d’Alger, de Constantine, d’Annaba, de Tizi Ouzou, de Blida, de Tlemcen, de Biskra ou d’Oran, mais aucun dans le Sud. Treize remplaçants proviennent de la Cour suprême. A Alger, le procureur général reste à son poste tandis que le président du tribunal et celui de la cour, Mohamed Zitouni, perd son fauteuil. Certains observateurs algériens estiment que ce dernier n’aurait pas fait preuve de suffisamment de détermination dans l’affaire du congrès extraordinaire du FLN plébiscitant Benflis comme candidat aux présidentielles d’avril 2004, contre Abdelaziz Bouteflika et opposant la cour d’Alger au Conseil d’Etat qui l’avait déclarée «incompétente» dans sa décision d’interdire le conclave. Créé en 1998, en remplacement de la chambre administrative de la Cour suprême, le Conseil d’Etat rend seulement des avis qui ne sont pas obligatoires. Le dernier en date n’en a pas moins bousculé le président de la cour d’Alger. Il devra désormais se contenter d’un strapontin de conseiller auprès du ministère de la Justice.
Coup de semonce
Battue en brèche au sein du FLN, la mouvance Bouteflika envisage toutefois un congrès de «redressement» en décembre pour «remettre les compteurs à zéro» en invalidant le huitième congrès du FLN qui avait reconduit Ali Benflis à sa tête, comme secrétaire général. C’était déjà le motif invoqué auprès de la cour d’Alger pour empêcher la tenue du congrès extraordinaire dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre dernier. «Vaines tentatives», réplique en substance le FLN, tendance Benflis, sûr de sa majorité et fort de la récente diatribe du général Nezzar qui vient de publier un bilan du règne de Bouteflika en forme de coup de semonce. Mais les partisans de Benflis n’en menace pas moins de riposter à ce qu’ils qualifient de campagne d’intimidation des élus des provinces intérieures. Selon eux, ces derniers seraient en proie aux assaut répétés du camp adverse qui tenterait de les soudoyer ou de les réduire. Entre autres accusations, le bureau politique du FLN dénonce en particulier l’instrumentalisation de la justice à «des fins électoralistes» et s’élève contre «l’immixtion» du pouvoir exécutif dans le fonctionnement du syndicat de la magistrature (SNM). De fait, le secrétaire général du SNM, apparaît comme l’une des victimes de l’affaire du congrès extraordinaire du FLN. Il a été destitué après avoir dénoncé à cette occasion «la justice de la nuit», l’interdiction prononcée nuitamment par la cour d’Alger.
Le FLN ne voit pas non plus d’un bon œil l’exhumation par le chef de l’Etat du dossier «code de la famille». Promulgué en 1984 et particulièrement rétrograde, y compris aux yeux du président, il intéresse en particulier les femmes, un corps électoral non négligeable, mais aussi les tenants de leur maintien sous tutelle masculine. Sa révision peut constituer une poire pour la soif, un éventuel objet de diversion. Mais si le débat est ouvert depuis des lustres, rien ne confirme vraiment une quelconque volonté présidentielle d’épuiser sinon de trancher la question. En terme de calcul électoral –mais pas seulement, bien sûr– elle est très épineuse. Enfin, outre les problèmes pendants de sécurité, ceux qui ressortent de l’économique et du social sont également très sensibles et désormais quasi structurels. Sur ces terrains, la presse algérienne abonde. Des prix pétroliers en accordéon au tremblement de terre dévastateur de mai dernier, en passant par le chômage endémique, ces sujets sont de plus en plus souvent abordés sous l’angle de la corruption imputée au régime, avec en leitmotiv de fréquentes allusions aux comptes du président Bouteflika, de ses parents et alliés.
Le procureur général du tribunal d’Alger échappe au mouvement qui vient de balayer nombre de ses pairs. Il garde la place d’où il avait requis une peine de six mois de prison ferme contre le directeur du quotidien Liberté et deux de ses journalistes. Le 4 novembre, ces derniers ont finalement écopé d’une amende de deux millions de dinars et de quatre mois de prison avec sursis pour un article intitulé «Tous des voleurs». Placé à la une du journal le 11 août dernier, le texte se faisait l’écho d’un dossier sur «le détournement de biens immobiliers» publié dans un journal arabophone. Les journalistes ont été jugés en l'absence de leurs avocats qui avaient demandé un report, le temps de consulter le dossier de leurs clients. A l’issue de l’audience, le directeur du quotidien a dénoncé ce qu’il considère comme le «premier procès du président Bouteflika contre la presse» et comme un «avertissement contre les journaux qui voudraient critiquer le président-candidat».
Le dernier avertissement contre la presse, le président Bouteflika l’a publiquement lancé le 3 novembre, en codicille d’un discours prononcé à Djidjel à l’occasion de l’ouverture solennelle de l’année universitaire, après plusieurs semaines de très sérieuses perturbations dans le secteur de l’enseignement où les lycées en sont à leur troisième semaine de grève. «Déplorant les pratiques de la presse qui se place au-dessus de l’Algérie et qui porte atteinte au pays et aux citoyens», le président Bouteflika l’avait sommée de «protéger les intérêts aussi bien intérieurs qu’extérieurs du pays» et d’éviter de «ternir» son image en faisant «prévaloir la vérité, les principes, les valeurs, la réputation et l’honneur des personnes, sur l’esprit de sensation et de propagande». Un rappel à l’ordre on ne peut plus clair qui indique combien le chef de l’Etat est sensible à la libre expression, un semestre avant les présidentielles. Le FLN et, avec le général Nezzar, certains de ces militaires qui font et défont les pouvoirs algériens, la presse, la magistrature, autant de corps plus ou moins homogènes, peu ou prou rétifs, mais non moins acteurs de premier plan dans la perspective électorale qui a d’ores et déjà recentré le débat public sur le bilan ou la concurrence du chef de l’Etat. Pour sa part, le président Bouteflika compte bien faire renouveler son mandat à la magistrature suprême.
Coup de semonce
Battue en brèche au sein du FLN, la mouvance Bouteflika envisage toutefois un congrès de «redressement» en décembre pour «remettre les compteurs à zéro» en invalidant le huitième congrès du FLN qui avait reconduit Ali Benflis à sa tête, comme secrétaire général. C’était déjà le motif invoqué auprès de la cour d’Alger pour empêcher la tenue du congrès extraordinaire dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre dernier. «Vaines tentatives», réplique en substance le FLN, tendance Benflis, sûr de sa majorité et fort de la récente diatribe du général Nezzar qui vient de publier un bilan du règne de Bouteflika en forme de coup de semonce. Mais les partisans de Benflis n’en menace pas moins de riposter à ce qu’ils qualifient de campagne d’intimidation des élus des provinces intérieures. Selon eux, ces derniers seraient en proie aux assaut répétés du camp adverse qui tenterait de les soudoyer ou de les réduire. Entre autres accusations, le bureau politique du FLN dénonce en particulier l’instrumentalisation de la justice à «des fins électoralistes» et s’élève contre «l’immixtion» du pouvoir exécutif dans le fonctionnement du syndicat de la magistrature (SNM). De fait, le secrétaire général du SNM, apparaît comme l’une des victimes de l’affaire du congrès extraordinaire du FLN. Il a été destitué après avoir dénoncé à cette occasion «la justice de la nuit», l’interdiction prononcée nuitamment par la cour d’Alger.
Le FLN ne voit pas non plus d’un bon œil l’exhumation par le chef de l’Etat du dossier «code de la famille». Promulgué en 1984 et particulièrement rétrograde, y compris aux yeux du président, il intéresse en particulier les femmes, un corps électoral non négligeable, mais aussi les tenants de leur maintien sous tutelle masculine. Sa révision peut constituer une poire pour la soif, un éventuel objet de diversion. Mais si le débat est ouvert depuis des lustres, rien ne confirme vraiment une quelconque volonté présidentielle d’épuiser sinon de trancher la question. En terme de calcul électoral –mais pas seulement, bien sûr– elle est très épineuse. Enfin, outre les problèmes pendants de sécurité, ceux qui ressortent de l’économique et du social sont également très sensibles et désormais quasi structurels. Sur ces terrains, la presse algérienne abonde. Des prix pétroliers en accordéon au tremblement de terre dévastateur de mai dernier, en passant par le chômage endémique, ces sujets sont de plus en plus souvent abordés sous l’angle de la corruption imputée au régime, avec en leitmotiv de fréquentes allusions aux comptes du président Bouteflika, de ses parents et alliés.
Le procureur général du tribunal d’Alger échappe au mouvement qui vient de balayer nombre de ses pairs. Il garde la place d’où il avait requis une peine de six mois de prison ferme contre le directeur du quotidien Liberté et deux de ses journalistes. Le 4 novembre, ces derniers ont finalement écopé d’une amende de deux millions de dinars et de quatre mois de prison avec sursis pour un article intitulé «Tous des voleurs». Placé à la une du journal le 11 août dernier, le texte se faisait l’écho d’un dossier sur «le détournement de biens immobiliers» publié dans un journal arabophone. Les journalistes ont été jugés en l'absence de leurs avocats qui avaient demandé un report, le temps de consulter le dossier de leurs clients. A l’issue de l’audience, le directeur du quotidien a dénoncé ce qu’il considère comme le «premier procès du président Bouteflika contre la presse» et comme un «avertissement contre les journaux qui voudraient critiquer le président-candidat».
Le dernier avertissement contre la presse, le président Bouteflika l’a publiquement lancé le 3 novembre, en codicille d’un discours prononcé à Djidjel à l’occasion de l’ouverture solennelle de l’année universitaire, après plusieurs semaines de très sérieuses perturbations dans le secteur de l’enseignement où les lycées en sont à leur troisième semaine de grève. «Déplorant les pratiques de la presse qui se place au-dessus de l’Algérie et qui porte atteinte au pays et aux citoyens», le président Bouteflika l’avait sommée de «protéger les intérêts aussi bien intérieurs qu’extérieurs du pays» et d’éviter de «ternir» son image en faisant «prévaloir la vérité, les principes, les valeurs, la réputation et l’honneur des personnes, sur l’esprit de sensation et de propagande». Un rappel à l’ordre on ne peut plus clair qui indique combien le chef de l’Etat est sensible à la libre expression, un semestre avant les présidentielles. Le FLN et, avec le général Nezzar, certains de ces militaires qui font et défont les pouvoirs algériens, la presse, la magistrature, autant de corps plus ou moins homogènes, peu ou prou rétifs, mais non moins acteurs de premier plan dans la perspective électorale qui a d’ores et déjà recentré le débat public sur le bilan ou la concurrence du chef de l’Etat. Pour sa part, le président Bouteflika compte bien faire renouveler son mandat à la magistrature suprême.
par Monique Mas
Article publié le 05/11/2003