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Mondialisation

Bataille autour d’un «détail» vestimentaire

La place de l’islam en Europe fait débat au Forum social européen. Les applaudissements nourris qui ont accueilli des prises de positions radicalement opposées sur le port du voile par les femmes montrent bien que la réponse ne va pas de soi, même chez les altermondialistes.
«Jusqu’où la société européenne peut-elle accepter les différences ?» s’interroge Sihem Andalouci, représentante du Collectif des musulmans de France. Portant le foulard islamique, cette jeune femme se revendique citoyenne française de confession musulmane et souhaite que la question des musulmans en Europe ne fasse pas l’objet d’une «référence permanente à l’Iran ou l’Afghanistan». Il n’empêche, la compatibilité entre communauté et citoyenneté était bien au centre du débat organisé dans le cadre du Forum social européen sur la place de l’islam en Europe. Avec, à l’épicentre de la polémique, la situation faite aux femmes et le port du voile.

Pour Salma Yacoob, militante britannique contre la guerre en Irak, elle-même arborant le foulard, la polarisation sur ce «détail vestimentaire» féminin fait partie de la «démonisation de l’islam dont l’une des valeurs fondamentales est l’égalité hommes-femmes». L’islam est au contraire présenté comme une menace contre la sécurité intérieure des Etats et les musulmans jouent, selon elle, le rôle de boucs-émissaires de la crise économique en Europe alors qu’ils luttent seulement «pour la reconnaissance de leur place légitime en Europe». Des militants altermondialistes venus d’outre-Manche ont expliqué comment, après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ils en étaient arrivés à prendre parti pour des musulmanes voilées, régulièrement agressées verbalement ou physiquement dans les rues de Londres.

Européanisation de l’islam

Signe de la diversité des points de vue, l’intervention également fort applaudie de la sociologue d’origine iranienne Chahla Safiq Beski. Elle soutient, fermement, que le voile n’est pas un «détail» mais bien la manifestation du statut inférieur de la femme et que la place de la religion dans l’espace public est au cœur du problème. «Si le voile est la marque de la pudeur de la femme, alors la femme non voilée que je suis est donc impudique et indigne de respect» ajoute-t-elle.

Chahla Safiq Beski affirme, face aux valeurs de l’islam, que la démocratie occidentale à aussi ses valeurs, dont la séparation de l’Eglise et de l’Etat. En tout état de cause elle refuse «l’assignation à résidence identitaire» alors que tous les musulmans ne sont pas, loin s’en faut, porteurs d’un projet politique et social commun. «On peut être musulman, mais aussi ouvrier ou paysan, riche ou pauvre», l’islam n’étant bien souvent qu’une «identité fictive», «instrumentalisée par les islamistes au nom de l’anti-impérialisme».

L’européanisation de l’islam par l’intégration sociale des musulmans est la vraie question pour l’universitaire grecque Sia Anagnostopoulou. Les différences culturelles, tant mises en avant, recouvrent en réalité des différences socioculturelles et économico-culturelles. Dans ce cadre, le recours à l’identité musulmane est protection contre la mondialisation et un réflexe des plus déshérités. En politisant ainsi les revendications des musulmans d’Europe on les fait sortir du champ religieux et moral ou les islamistes les confinent, pour les utiliser. Et là, les altermondialistes du Forum social européen se retrouvent un terrain connu, celui de la lutte contre les inégalités et les effets du libéralisme.



par Francine  Quentin

Article publié le 14/11/2003