Irak
Washington accélère le calendrier du transfert des pouvoirs aux Irakiens
A peine rentré de Washington où il avait été rappelé en urgence, l’administrateur civil américain en Irak Paul Bremer a rencontré les membres du Conseil de gouvernement transitoire irakien pour leur exposer les nouvelles propositions américaines concernant le transfert des pouvoirs dans le pays. Les Etats-Unis prônent dorénavant la mise en place d’un gouvernement provisoire d’ici le mois de juin 2004 et l’organisation d’élections avant la fin de l’année 2005.
L’Irak aux Irakiens : telle semble être la nouvelle devise américaine. Le changement de stratégie engagé dernièrement par Washington sur la gestion de la crise irakienne a abouti samedi à ses premières propositions concrètes. Paul Bremer, fraîchement rentré de Washington, a présenté le nouveau plan mis au point par l’administration américaine pour accélérer la passation des pouvoirs aux locaux et donc favoriser, si ce n’est un désengagement, du moins la modification des objectifs immédiats de la mission des Américains dans le pays.
Certes, George W. Bush l’a réaffirmé, il ne s’agit pas de partir avant que la situation soit stable : «Nous resterons jusqu’à ce que nous ayons fini notre travail qui est celui d’un Irak libre et pacifique». En clair, le nouveau plan n’est pas lié directement au départ des soldats américains d’Irak comme l’a confirmé Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, lors de sa visite au Japon : «Le calendrier que le Conseil de gouvernement a évoqué ne concerne que les aspects de gouvernement du pays et pas le côté sécurité, qui suit un parcours différent». Néanmoins, les Etats-Unis ont décidé de transiger sur certains des principes qu’ils avaient défendus, pour accélérer le processus politique et essayer de sortir du bourbier dans lequel leurs soldats, assimilés à une force d’occupation, sont de plus en plus pris au piège sur place.
Dans cette perspective, Washington propose maintenant de rétablir la souveraineté irakienne dès la mi-2004 en formant un gouvernement provisoire sans attendre, comme prévu initialement, la rédaction d’une nouvelle Constitution. Le principal changement se situe donc au niveau du déroulement du scénario dont les scènes sont inversées. La Constitution comme l’organisation d’élections nationales (en 2005) arriveront dans un deuxième temps et ne constitueront pas un préalable à la mise en place d’une équipe gouvernementale irakienne avec des pouvoirs et des responsabilités élargis. Le gouvernement provisoire sera désigné par une assemblée transitoire constituée d’ici le printemps 2004, après consultation des chefs tribaux des dix-huit provinces irakiennes, qui devront choisir des délégués. Il remplacera l’actuel Conseil transitoire. Une assemblée constituante devra ensuite être élue au suffrage universel d’ici fin 2005. Elle aura pour mission de définir les modalités d’élection d’un nouveau gouvernement.
Eviter la poursuite de l’hécatombe sur le terrain
Ces propositions, évoquées depuis vendredi dans la presse américaine (New York Times et ABC), ont été rendues publiques par le président du Conseil de gouvernement transitoire irakien, Jalal Talabani, lors d’une conférence de presse organisée à la fin de la réunion avec Paul Bremer samedi après-midi à Bagdad. Elles semblent satisfaire les interlocuteurs irakiens des Américains. Ahmad Chalabi, qui fait lui aussi partie du Conseil, a estimé : «C’est bon pour tout le monde… Nous aurons des forces américaines ici, mais elles se transformeront d’occupants en force présente à l’invitation du gouvernement irakien».
Si cette vision est partagée sur le terrain dans le pays, l’hécatombe dont sont victimes les troupes américaines depuis la fin de l’offensive militaire, fin mai, aura peut-être une chance de s’arrêter. Et cette hypothèse a vraisemblablement inspiré largement la mise au point de cette nouvelle stratégie américaine, alors même que les pertes quasi-quotidiennes enregistrées ces dernières semaines provoquent de plus en plus de critiques aux Etats-Unis et que la CIA aurait prévenu le gouvernement du risque de voir la résistance contre la coalition s’accentuer dans les prochains mois. Les troupes déployées en Irak ont encore été la cible d’une voiture piégée samedi à Bagdad. Cette attaque a provoqué le décès d’un soldat, portant à 161 le nombre de militaires tués depuis fin mai 2003. Un bilan qui s’est alourdi dans la nuit après la collision entre deux hélicoptères américains près de Mossoul qui a fait 17 nouveaux morts.
D’un autre côté, certains observateurs mettent en valeur à quel point ce revirement de la politique irakienne du gouvernement américain est un signe de la modification récente des intérêts immédiats de l’équipe de George W. Bush. Ils estiment ainsi qu’il ne s’agit que d’une «stratégie de sortie» motivée par l’arrivée rapide des élections en 2004 et dans laquelle les objectifs annoncés pour justifier une intervention militaire dans le pays [libération de l’Irak et démocratie] deviennent soudainement moins prioritaires. La nouvelle position de Washington est en train de se rapprocher, par la force des choses, de celle de pays comme la France et l’Allemagne qui ont plaidé depuis le départ pour un transfert rapide des pouvoirs aux Irakiens. Un désaveu pour Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, qui a inspiré la méthode précédente dont la Maison Blanche consacre en quelque sorte aujourd’hui l’échec.
Certes, George W. Bush l’a réaffirmé, il ne s’agit pas de partir avant que la situation soit stable : «Nous resterons jusqu’à ce que nous ayons fini notre travail qui est celui d’un Irak libre et pacifique». En clair, le nouveau plan n’est pas lié directement au départ des soldats américains d’Irak comme l’a confirmé Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, lors de sa visite au Japon : «Le calendrier que le Conseil de gouvernement a évoqué ne concerne que les aspects de gouvernement du pays et pas le côté sécurité, qui suit un parcours différent». Néanmoins, les Etats-Unis ont décidé de transiger sur certains des principes qu’ils avaient défendus, pour accélérer le processus politique et essayer de sortir du bourbier dans lequel leurs soldats, assimilés à une force d’occupation, sont de plus en plus pris au piège sur place.
Dans cette perspective, Washington propose maintenant de rétablir la souveraineté irakienne dès la mi-2004 en formant un gouvernement provisoire sans attendre, comme prévu initialement, la rédaction d’une nouvelle Constitution. Le principal changement se situe donc au niveau du déroulement du scénario dont les scènes sont inversées. La Constitution comme l’organisation d’élections nationales (en 2005) arriveront dans un deuxième temps et ne constitueront pas un préalable à la mise en place d’une équipe gouvernementale irakienne avec des pouvoirs et des responsabilités élargis. Le gouvernement provisoire sera désigné par une assemblée transitoire constituée d’ici le printemps 2004, après consultation des chefs tribaux des dix-huit provinces irakiennes, qui devront choisir des délégués. Il remplacera l’actuel Conseil transitoire. Une assemblée constituante devra ensuite être élue au suffrage universel d’ici fin 2005. Elle aura pour mission de définir les modalités d’élection d’un nouveau gouvernement.
Eviter la poursuite de l’hécatombe sur le terrain
Ces propositions, évoquées depuis vendredi dans la presse américaine (New York Times et ABC), ont été rendues publiques par le président du Conseil de gouvernement transitoire irakien, Jalal Talabani, lors d’une conférence de presse organisée à la fin de la réunion avec Paul Bremer samedi après-midi à Bagdad. Elles semblent satisfaire les interlocuteurs irakiens des Américains. Ahmad Chalabi, qui fait lui aussi partie du Conseil, a estimé : «C’est bon pour tout le monde… Nous aurons des forces américaines ici, mais elles se transformeront d’occupants en force présente à l’invitation du gouvernement irakien».
Si cette vision est partagée sur le terrain dans le pays, l’hécatombe dont sont victimes les troupes américaines depuis la fin de l’offensive militaire, fin mai, aura peut-être une chance de s’arrêter. Et cette hypothèse a vraisemblablement inspiré largement la mise au point de cette nouvelle stratégie américaine, alors même que les pertes quasi-quotidiennes enregistrées ces dernières semaines provoquent de plus en plus de critiques aux Etats-Unis et que la CIA aurait prévenu le gouvernement du risque de voir la résistance contre la coalition s’accentuer dans les prochains mois. Les troupes déployées en Irak ont encore été la cible d’une voiture piégée samedi à Bagdad. Cette attaque a provoqué le décès d’un soldat, portant à 161 le nombre de militaires tués depuis fin mai 2003. Un bilan qui s’est alourdi dans la nuit après la collision entre deux hélicoptères américains près de Mossoul qui a fait 17 nouveaux morts.
D’un autre côté, certains observateurs mettent en valeur à quel point ce revirement de la politique irakienne du gouvernement américain est un signe de la modification récente des intérêts immédiats de l’équipe de George W. Bush. Ils estiment ainsi qu’il ne s’agit que d’une «stratégie de sortie» motivée par l’arrivée rapide des élections en 2004 et dans laquelle les objectifs annoncés pour justifier une intervention militaire dans le pays [libération de l’Irak et démocratie] deviennent soudainement moins prioritaires. La nouvelle position de Washington est en train de se rapprocher, par la force des choses, de celle de pays comme la France et l’Allemagne qui ont plaidé depuis le départ pour un transfert rapide des pouvoirs aux Irakiens. Un désaveu pour Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, qui a inspiré la méthode précédente dont la Maison Blanche consacre en quelque sorte aujourd’hui l’échec.
par Valérie Gas
Article publié le 16/11/2003