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France

Les désillusions des chercheurs

Les députés ont adopté vendredi un budget de la recherche particulièrement décrié. Même si la ministre en charge du dossier, l’ex-spationaute reconvertie en politique, Claudie Haigneré a plaidé sa cause et affirmé que ce secteur était l’objet de toutes les attentions gouvernementales, les syndicats de chercheurs dénoncent le manque de moyens chronique dont souffrent les équipes qui handicape les progrès de la recherche française.
«Budget Haigneré, précarité assurée». C’est en criant ce slogan, entre autres, que les chercheurs en colère ont manifesté, ce vendredi, devant l’Assemblée nationale alors que les députés votaient leur budget. Avec 8,928 milliards d’euros en 2004 contre 8,8844 en 2003, Claudie Haigneré a déclaré qu’«au total, l’ensemble des moyens consacrés à la recherche sont en augmentation de 3,9 %» mais aussi que ce projet de budget «sous-tend une vraie réforme» et qu’il constitue «le levier d’une stratégie destinée à donner un nouvel élan à la recherche française». La ministre a ainsi essayé de convaincre qu’après la baisse de 2003, déjà fortement mise en cause, elle avait commencé à rétablir le cap. Et que la France était en train de mettre en œuvre une politique destinée à atteindre les objectifs fixés au niveau européen pour affecter 3% du produit intérieur brut au secteur de la recherche-développement.

Le message n’est semble-t-il pas du tout passé auprès des principaux intéressés, le chercheurs eux-mêmes, qui ne voient dans le discours du gouvernement qu’un emballage et dans les chiffres la preuve flagrante que la recherche publique est sacrifiée. Selon eux, en guise de hausse, le projet de budget ne propose en fait qu’une stagnation voire une régression, lorsque l’on rapporte l’augmentation annoncée au coût de la vie. Les syndicats mettent aussi directement en cause les conséquences de ces restrictions budgétaires à répétition.

Moins de titulaires, plus de CDD

La première d’entre elles est de provoquer l’interruption d’un certain nombre de programmes en cours après un épuisement prématuré des crédits. Au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), des laboratoires sont en panne faute d’argent et certaines subventions prévues sur les budgets de 2002 n’ont toujours pas été versées à la fin de 2003. L’annonce, inédite, de l’absence de toute création d’emplois ajoutée à celle de la transformation de 550 postes de titulaires en contrats à durée déterminée de trois à cinq ans, conforte aussi les chercheurs du secteur public dans leur conviction que leur activité est en train d’être bradée. Pour le gouvernement, il s’agit par contre d’une évolution «nécessaire» pour permettre des recrutements rapides et cette décision ne signifie pas qu’il y a une volonté de supprimer des postes de fonctionnaires mais plutôt de «diversifier les statuts». Un point de vue qui n’est pas partagé par les syndicats, loin s’en faut. Ils estiment au contraire que la suppression de ces postes «met en danger le statut des chercheurs et la pérennité des laboratoires». En privilégiant la «culture du projet» rentable à court terme, le gouvernement va dans le sens des intérêts du «secteur marchand» et contre ceux «de la recherche fondamentale et indépendante».

Dans ce contexte, les chercheurs se demandent de quoi sera fait l’avenir de leur secteur qui ne stimule déjà plus autant les jeunes. Pour Jacques Fossey, le secrétaire général du SNCS-FSU, quand «l’étudiant qui en moyenne a déjà 30 ans lorsqu’il passe sa thèse, n’est même pas assuré d’avoir un poste stable à 40 ans», il y a une «régression inquiétante». Dans un tel système, où la précarité semble instituée en mode de fonctionnement régulier, de plus en plus de chercheurs vont changer de voix ou s’expatrier. Du coup, c’est la capacité même du pays à garder son niveau scientifique qui risque d’être remise en cause. Dans la course poursuite engagée des deux côtés de l’Atlantique en matière de recherche, la France semble être mal partie pour rester compétitive.



par Valérie  Gas

Article publié le 14/11/2003