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Société

Le palmarès des morts violentes dans le monde

Dans le classement des pays suivant le nombre de morts violentes, la Russie arrive en tête toutes catégories confondues, selon une étude de Jean-Claude Chesnais, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Et parmi les dix pays les plus touchés par ce phénomène, sept sont des Etats issus de l’éclatement de l’ex-Union soviétique.
Qui dit mort violente dit assassinat, suicide ou accident, donc décès brutal et non naturel. Cette catégorie apparemment un peu fourre-tout des statistiques de l’Institut national d’études démographiques permet néanmoins de mettre en valeur un certain nombre de caractéristiques des sociétés étudiées. On apprend ainsi que les Etats-Unis ont réussi à inverser une tendance lourde en faisant baisser leur taux de morts violentes de manière très significative ces dernières années, notamment grâce à un «renforcement de la répression» qui a eu pour effet de diminuer le nombre de crimes commis. Depuis 1990, les homicides qui se sont situés, pendant plusieurs décennies au vingtième siècle, à des taux environ dix fois supérieurs à ceux des autres pays développés comparables en Europe ou en Asie, sont en recul. On en a dénombré en 2000, 6,2 pour 100 000 habitants. Ce qui place le pays au treizième rang mondial. La proportion de morts violentes aux Etats-Unis est donc dorénavant deux fois moins importante qu’en Russie, alors que ce premier pays compte le double d’habitants.

Il est vrai que la Russie fait partie des Etats les plus touchés par le phénomène de la mort violente. Elle occupe la deuxième place dans toutes les catégories étudiées (homicides, suicides, accidents de transport). Ce qui lui vaut d’être première au classement général avec un taux de 95,9 morts violentes répertoriées pour 100 000 habitants devant la Colombie (81,7) et la Lettonie (80). Pour Jean-Claude Chesnais, il existe «un syndrome de la mortalité violente propre aux pays de l’ex-sphère soviétique» dont la Russie est la principale victime. Il se caractérise par les effets conjugués de l’affaiblissement de l’Etat et de l’abus d’alcool que l’on retrouve de façon généralisée et qui est, par exemple, la principale cause des quelque 8 000 morts par accidents du travail dénombrés chaque année en Russie.

Suicides en Russie, assassinats en Colombie

Concernant l’augmentation du nombre de suicides dans les pays slaves, l’auteur de l’étude compare leur situation actuelle avec celle du Japon dans la période de l’après deuxième guerre mondiale. A cette époque, en effet, le «sentiment d’humiliation» lié à la défaite militaire a provoqué une morosité qui s’est traduite par une «flambée» du nombre de suicides. L’augmentation ou la diminution de ce type de morts violentes est, en effet, directement liée au contexte économique et social. Même s’il existe des pays à tradition plus suicidaire que d’autres parmi lesquels l’auteur classe le Danemark, l’Autriche ou même la France. L’Allemagne, longtemps frappée par ce phénomène, est quant à elle moins touchée aujourd’hui. Elle ne compte plus que 14,2 suicides pour 100 000 habitants contre 17,5 en France, 34,9 en Biélorussie, 40 en Russie ou 44,1 en Lituanie, le pays dans lequel la proportion de personnes qui mettent fin à leurs jours est la plus importante.

Il n’y a qu’une catégorie de morts violentes dans laquelle les pays slaves se font devancer en haut du palmarès : celle des homicides. En matière de crimes de sang, en effet, c’est la Colombie qui arrive en tête du classement avec 60,8 décès pour 100 000 habitants, loin devant la Russie (28,4), le Brésil (23,3), le Kazakhstan (18,8), et la Lettonie (15,3). A titre de comparaison, la France arrive au 28ème rang mondial avec 0,7 homicides pour 100 000 habitants. Dans le domaine du crime, la Colombie reste «à part» à cause de l’existence d’une «guerre permanente entre l’Etat et les mafias» et de la main-mise de ces dernières sur des régions entières qui «échappent au contrôle du gouvernement». Dans ce contexte, ce sont les hommes jeunes qui sont les premières victimes des crimes. Une situation totalement différente de celle de la Russie, où la proportion de victimes féminines est plus importante, à cause du nombre très élevé d’actes de violence conjugale commis sous l’emprise de l’alcool.



par Valérie  Gas

Article publié le 07/11/2003