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Gucci : la succession est ouverte

Tom Ford, le directeur artistique et Domenico de Sole, le PDG, quittent Gucci. La négociation engagée avec Serge Weinberg, le président du directoire de Pinault-Printemps-Redoute (PPR) dont le groupe de luxe est une filiale, pour le renouvellement de leur contrat qui arrive à échéance en avril 2004, s’est soldée par un échec. Au-delà des exigences financières des deux hommes, il semble que c’est leur indépendance en matière de management qui a surtout posé problème. Reste à savoir quel sera l’avenir de Gucci, troisième groupe mondial dans le secteur du luxe, sans Ford et de Sole, qui ont été à l’origine du redressement de la marque.
L’histoire débute en 1999 quand le groupe PPR décide de lancer une offensive dans le secteur de la mode en volant au secours du tandem Tom Ford-Domenico de Sole, alors à la tête de la maison Gucci, qu’il a relancé en quelques années alors qu’elle était au bord du dépôt de bilan. Les deux hommes sont, en effet, à ce moment-là la cible d’une offensive de Bernard Arnault, la magnat de la mode qui règne en maître sur le groupe de luxe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) et a décidé de s’emparer de Gucci. Pour contrer cette tentative de prise de capital, Ford et de Sole négocient un accord avec François Pinault et montent un coup qui permet à PPR de devenir majoritaire chez Gucci en rachetant 40% des actions, mais aussi à la holding de Pinault, Artemis, d’acquérir le pôle beauté de Sanofi dans lequel figure la prestigieuse maison de couture d’Yves Saint Laurent, pour le revendre aussitôt à Gucci. Bernard Arnault est furieux: l’une des maisons les plus prometteuses du secteur lui file sous le nez. François Pinault jubile: il a réussi son entrée dans le luxe. Quand à Tom Ford et Domenico de Sole: ils échappent au groupe LVMH et négocient avec leur nouvel associé pour garder le pouvoir de décision et gérer ce qui, par la grâce d’un montage financier, va devenir le troisième groupe mondial de luxe.

Un casting difficile

Quatre ans après, il semble que les intérêts ont changé et que les alliances d’hier ne sont plus valables aujourd’hui. Les dirigeants de PPR n’ont, semble-t-il, pas accepté de céder aux exigences de Tom Ford et Domenico de Sole qui voulaient «avoir les coudées franches» pour toutes les décisions stratégiques concernant Gucci. Quel que soit le talent des deux hommes dont le travail et les idées sont incontestablement à l’origine du succès de Gucci dans le monde, l’actionnaire majoritaire du groupe, en l’occurrence PPR, commençait depuis quelques temps à avoir envie de se mêler de plus près à la gestion des affaires. Et s’inquiétait de la volonté de Tom Ford de vouloir à tout prix diriger lui-même le redressement d’Yves Saint Laurent sans délaisser Gucci, marque phare du groupe et surtout génératrice des plus gros bénéfices, même si elle a été fortement touchée par les effets ricochets des attentats du 11 septembre 2001. Du coup, les deux parties en présence n’ont pas réussi à s’entendre sur les termes d’un éventuel renouvellement du contrat du PDG de Sole et du créateur de génie Tom Ford qui quitteront leurs fonctions en avril 2004.

Une nouvelle ère s’ouvre donc pour Gucci dont certains estiment qu’elle pourrait être turbulente. L’annonce du retrait du duo de choc engendre, en effet, des incertitudes au premier rang desquelles figure l’identité du successeur de Tom Ford dont la personnalité est totalement assimilée à l’image de la marque italienne mais aussi, de plus en plus, à celle de la maison Saint Laurent dont il a dessiné avec succès les dernières collections. Gucci sans Tom Ford pourra-t-il garder sa clientèle fidèle, surtout si le créateur décide de lancer sa propre griffe ? Et c’est là qu’apparaît la deuxième inconnue de taille pour PPR. Que va faire Tom Ford ? Se lancer dans le cinéma comme il en a souvent émis le vœu ? Ou continuer sur sa lancée de désigner favori des stars et concurrencer Gucci sur son propre terrain ? Pour le moment, Tom Ford n’a pas fait part de ses intentions. Avec Domenico de Sole, ils ont simplement déclaré qu’ils resteraient en fonction jusqu’au 30 avril «afin d’assurer le succès des prochaines collections et la transition en douceur». Après ?

De son côté, PPR s’est engagé à garantir «l’autonomie et l’identité» de la marque même s'il a annoncé son intention de profiter de l’expiration du contrat de Tom Ford et Domenico de Sole pour prendre le contrôle de la totalité du capital de Gucci. Dans le même temps, un comité composé de Serge Weinberg, Adrian Bellamy, le président du conseil de surveillance de Gucci et François-Henri Pinault, qui a pris la suite de son père à la tête d’Artemis, a été mis en place pour trouver le successeur de Tom Ford. Certains noms circulent comme celui d’Alexander McQueen, le créateur britannique dont la marque fait partie du groupe ou Stella McCartney, la fille du chanteur des Beatles et créatrice de mode à succès. Même si les dirigeants de PPR se disent optimistes et affirment que le groupe regorge de jeunes talents fort prometteurs, ils ont un casting bien difficile à réaliser.



par Valérie  Gas

Article publié le 05/11/2003