Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Russie

Poutine: popularité intacte après l’affaire Ioukos

L’affaire Ioukos, du nom de la compagnie pétrolière russe dont le patron a été inculpé et incarcéré pour évasion fiscale, provoque des tensions dans les milieux économiques mais n’entame pas la popularité de Valdimir Poutine à quelques semaines des législatives en Russie et à quatre mois de la présidentielle du 14 mars.
Les Russes ne s’y trompent pas si l’on en croit les résultats d’un sondage effectué auprès de 1600 personnes par l’institut VTsIOM-A. Ils sont convaincus que l’affaire Ioukos, du nom de la compagnie pétrolière russe dont le patron a été inculpé et incarcéré pour évasion fiscale, est de nature politique et pas purement pénale. Cependant, ils conservent leur confiance à Vladimir Poutine.

Le président russe voit son action approuvée par 73% des personnes interrogées. Le chiffre est proche de son score le plus bas de l’année, mais il demeure de très bon augure pour le chef du Kremlin à quelques semaines des élections législatives qui doivent se tenir le 7 décembre prochain et à quatre mois de l’élection présidentielle du 14 mars qui devrait selon toute vraisemblance voir Vladimir Poutine décrocher un second mandat.

Si elle ne semble pas devoir bouleverser le paysage politique russe, l’affaire Ioukos inquiète en revanche les partenaires de Moscou, au premier rang desquels on trouve Berlin et Washington. Les Etats-Unis ont estimé vendredi, par la voix du porte-parole du département d’Etat, que cette affaire «soulève de sérieuses questions sur la manière dont sont appliquées les lois en Russie» et ont jugé que «cette affaire a fait naître des préoccupations parmi les investisseurs nationaux et internationaux quant au respect des droits de propriété en Russie». Les interrogations de Washington ont aussitôt été jugées «irrespectueuses» et «incorrectes» par Moscou.

Les actifs de Khodorkovski hors de portée du Kremlin

L’affaire Ioukos a également suscité des critiques à la tête du gouvernement russe. Le premier ministre, Mikhaïl Kassianov, s’est déclaré vendredi «profondément préoccupé par cet événement dont les conséquences sont difficiles à évaluer». Considéré comme un proche des oligarques, le premier ministre russe a également déclaré qu’il espérait que la démission du très influent chef de l’administration présidentielle, Alexandre Volochine, «n’aurait pas de conséquences».

Concernant l’avenir de Ioukos et celui de son patron, Mikhaïl Khodorkovski, le flou règne toujours. En effet, la justice russe a saisi près de 40% des actions du géant russe du secteur pétrolier. Or, selon des informations publiées dimanche à Londres par le Sunday times, les actions détenues par le patron de Ioukos ont été transférées au banquier britannique Jacob Rothschild dans le cadre d’un accord conclu avant l’arrestation de Mikhaïl Khodorkovski. Selon des analystes russes, le patron de Ioukos détiendrait directement 4% des actions de l’entreprises et 22% indirectement par l’intermédiaire d’un trust dont il serait le seul bénéficiaire. Ce trust serait basé à Gibraltar, selon les informations publiées samedi par le journal Le Monde et porterait le nom de Menatep Group. Un montage complexe permet de mettre les actifs de Mikhaïl Khodorkovski hors de portée de la justice russe et du Kremlin.

En tout état de cause, les médias russes analysent l’affaire Ioukos comme un tournant dans la politique du chef de l’Etat. Selon le quotidien Izvestia «le second mandat de Poutine vient de commencer par anticipation». Cette seconde période s’annonce comme étant marquée par la prise de pouvoir des hommes de services secrets auprès desquels Poutine a accompli une partie de sa carrière et par la tentation d’un retour à un Etat fort dans tous les domaines à l’image de ce qui se passe en Chine estime le quotidien en ligne Gazeta.ru. Le président a opté pour «un capitalisme bureaucratique, monochrome et loyal au régime» conclut l’analyste Lilia Chevtsova du centre Carnegie.



par Philippe  Couve

Article publié le 02/11/2003