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Algérie

Les députés veulent interdire l'importation d'alcool

En ce lundi soir de Ramadan, 202 députés (sur les 389 élus de l’APN) ont participé à la séance parlementaire consacrée à l’adoption du projet de loi des finances et du budget 2004. 108 d’entre eux, (contre 83 votes négatifs et 11 abstentions) se sont prononcés en faveur de l’amendement présenté par le député du parti islamiste El-Islah interdisant les importations de boissons alcoolisées à partir de janvier 2004. Et cela, en contradiction avec les accords de partenariat conclu entre l’Algérie et l’Union européenne et avec son projet d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’ici le deuxième semestre 2004. Par ailleurs, les députés ont reconduit jusqu’au 31 décembre 2004 l’autorisation d’importer des voitures de tourisme d’occasion contre l’avis des concessionnaires automobiles installés dans le pays qui dénoncent une mesure préjudiciable à l’emploi et favorable au trafic des voitures volées.
Les partisans d’un «redressement» du Front de libération nationale (FLN), c’est-à-dire les députés FLN restés fidèles au président Bouteflika ont voté de concert avec les initiateurs de l’amendement prohibant l’importation de boissons alcoolisées, à savoir les députés islamistes d’El Islah et du Mouvement de la société pour la paix (MLP). Il n’empêche que cette loi à vocation éminemment électoraliste risque fort de ne guère dépasser l’effet d’affichage à usage interne. Elle doit d’ailleurs encore franchir lundi prochain l’étape du Conseil d’Etat. Pour sa part, tout en reconnaissant bien évidemment la souveraineté de l’assemblée nationale algérienne, le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, a immédiatement rappelé que «le commerce international ne reconnaît pas l’interdiction de l’importation».

Infraction au droit du commerce international

«Au nom du gouvernement, je déclare que cet amendement s’oppose aux engagements pris par l’Algérie au niveau international», a expliqué le ministre des Finances devant les députés. Les engagements en question concernent au premier chef l’accord d’association signé entre l’Algérie et l’Union européenne le 22 avril 2001 à Valence en Espagne. Concernant les produits agro-alimentaires dont relèvent les boissons alcoolisées, cet accord d’association impose la règle du droit à la concurrence et promet des «sanctions ou des mesures correctives» au cas où la législation serait modifiée ou abrogée sans consultation des autorités concernées en matière de concurrence. Bref, si cette loi était définitivement adoptée, l’Algérie serait en infraction.

Monopole de l’Etat algérien, l’Office national de commercialisation des produits viti-vinicoles (ONCV) exporte en Europe et en Afrique sub-Saharienne, tandis que les brasseries publiques et privées arrosent principalement le marché local qui approche péniblement les 5 litres de bière par habitant et par an, une quantité tout à fait négligeable. Mais en tout cas, comme le souligne le ministre des Finances, en cas d’interdiction des importations, «les exportations algériennes pourraient connaître le même sort» et bien sûr dans d’autres secteurs que les boissons alcoolisées. La loi hypothèquerait aussi l’adhésion à l’OMC. En cours de discussion, elle est attendue impatiemment par les opérateurs algériens d’ici fin 2004.

Dans l’hypothèse où la loi de prohibition de l’importation des substances alcoolisés serait retenue, le prix diplomatico-économique à payer par l’Algérie paraît exorbitant au regard des gains qu’en attendent ses promoteurs. Et si l’on en croit les commentateurs algériens qui grincent de la plume, les mêmes députés– grosso modo – auraient jugé utile de reconduire le texte de loi qui autorise les importations des voitures de tourisme d’occasion – de moins de trois ans quand même – mais interdit celles des véhicules utilitaires. Le quotidien El Watan par exemple évoque ces «véritables réseaux mafieux tissés entre l’Algérie et la Suisse via les ports de Sète, Gènes et Marseille», forts de milliers de petites cylindrées, véritables «cercueils ambulants …trafiquotés» chaque année pour le plus grand profit de «commanditaires, parmi lesquels des têtes connues du Front islamiste du salut (FIS) reconverties en soutien au GIA».

Pour leur part, les concessionnaires automobiles avaient fait longuement campagne pour l’abrogation de cette loi, expliquant que «sa reconduction, qui va contre la création d’emplois en Algérie et le maintien de l’emploi en France particulièrement, signifie l’encouragement de la filière maghrébine des voitures volées». Il est vrai que dans ce pays de chômage où plus de la moitié des véhicules dépassent les vingt ans d’âge, le client est peu regardant. «Si nos députés pensaient vraiment aux couches défavorisées, ils auraient fait sauter les taxes sur les petites cylindrées», poursuivent les concessionnaires qui suggéraient au contraire de prendre des mesures pour soutenir l’achat en dinars de petites voitures neuves si chères aux conducteurs algériens.

Le petit Parti des travailleurs (PT) de Louisa Hanoun a pour sa part rejeté chacun des amendements présentés lundi soir, votant également contre la loi des finances et estimant que ni les uns ni les autres ne répondaient en rien aux aspirations les plus pressantes des Algériens, à savoir, selon le PT : la revalorisation du salaire minimum, la reconstruction rapide des zones sinistrées par le tremblement de terre de mai dernier ou bien la satisfaction des revendications des enseignants, en grève depuis des semaines.



par Monique  Mas

Article publié le 12/11/2003