Comores
Manifestation ensanglantée
Mené par Abdou Soulé Elbak, le chef de l’exécutif sur l’île de la Grande-Comore, un groupe de manifestants se dirigeait mercredi vers la présidence de l’Union. Une manifestation violemment réprimée par l’armée. Quinze personnes auraient été blessés, dont sept par balles, selon l’AFP.
De mémoire de Comorien, l’incident ne connaît pas de précédent dans l’histoire récente. Des soldats qui tirent dans la foule… et le jour de l’Aïd El Fitr qui plus est ! Une ligne jaune semble avoir été franchie par l’armée nationale. Mze Abdou Soulé Elbak parle d’une «marche pacifique de protestation», initiée contre le colonel Azali Assoumani à la sortie de la mosquée mercredi matin. Ce dernier recevait près de 6 000 personnes au palais présidentiel ce jour-là, à l’occasion de l’Aïd.
Mze Abdou Soulé Elbak, qui tenait un rassemblement du même genre au même moment, lance un appel pour une marche spontanée vers la présidence. «J’avis exprimé dans mon allocution mes regrets pour mon pays, victime de la pauvreté et de la dictature, de la corruption et du vol par des dignitaires du pouvoir de l’Union». Plus de 3 000 personnes lui auraient emboîté le pas. A mi-route, l’armée essaie de canaliser les manifestants. L’échange verbal tourne à la panique. Les soldats chargent aussitôt à coup de gaz lacrymogène et tirent ensuite à balles réelles. Quinze personnes sont transportées à l’hôpital. Trois blessés graves sont enregistrés. Une femme de 29 ans a pris une balle dans la tête, un homme d’une quarantaine est dans le coma, un conseiller privé de l’exécutif de la Grande-Comore a pris une balle dans la cuisse.
Qui a donné l’ordre d’ouvrir le feu ? «Le ministre de la Sûreté du territoire a annoncé l’ouverture d’une enquête et nous savons ce que cela signifie : il faut s’attendre à des arrestations à l’occasion de représentants de l’autorité de la Grande-Comore, des ministres par exemple», s’insurgeait hier encore le ministre de l’Education de l’île autonome, Mohamed Issimaïla. A peine a-t-il fini de faire cette déclaration à la presse que deux arrestations avaient été effectuées par les autorités de l’Union. Un ancien ministre des Affaires étrangères, Mtara Maesha, qui avait été emprisonné dans les années 90 pour tentative de coup d’Etat par le pouvoir du défunt président Mohamed Taki Abdoulkarim, et Moustoipha Said Cheikh, dirigeant du Front Démocratique, ont été embarqués par les gendarmes.
«Si ce conflit n’est pas réglé dans les meilleurs délais, la population va manifester son mécontentement», menace Youssouf Said Soilihi, secrétaire général de l’exécutif sur l’île de la Grande-Comore. Au niveau de l’Union, la situation ne paraît pas claire. Seule est invoquée à demi-mots la menace possible d’une déstabilisation. Une raison qui a été avancée plus d’une fois par le pouvoir de l’Union ces derniers temps afin de justifier des réactions démesurées de la part de militaires et de policiers à l’encontre de l’opposition «insulaire» anti-Azali. L’incident en tous cas ravive les tensions entre le pouvoir de l’Union et les exécutifs des îles autonomes.
«Faudrait pas trop pousser sur la complotite»
Les Comores se trouvent aujourd’hui dans une impasse, où le processus de réconciliation nationale engagé en 2001 sous l’égide de la communauté internationale n’a conduit qu’à une série de blocages insurmontables. Adoptée dans le but de mettre fin aux velléités séparatistes des îles d’Anjouan et de Mohéli, la nouvelle constitution de l’Union n’a fait que multiplier les exécutifs, sans ressouder les liens au sein d’une population qui ne jure plus que par l’appartenance insulaire. Même les partis à vocation nationale se sont vus remettre en cause comme «les avocats de la division». Quant au colonel Azali Assoumani, il ne sait plus où donner de la tête.
Les nombreuses rencontres, organisées notamment en Afrique du Sud, pour trouver une solution au casse-tête que représente le nouvel ensemble, ne donnent rien de positif. L’opinion ne rate pas une occasion d’exprimer dans les rues son désaveu aux politiques, contre Azali et son équipe surtout, les accusant de mener le pays vers un gouffre. Sur le plan économique, rien ne fonctionne depuis l’apparition des premiers blocages institutionnels. Le pays se transforme peu à peu en une «poudrière». Chaque geste, chaque prise de parole, «devient suspect», nous dit un opposant. «Au niveau de l’Union, on flippe. Il y a comme une ambiance de fin de règne. Au niveau des îles autonomes, les exécutifs s’excitent. Ils veulent plus de pouvoir et ne croient plus au principe de fédération. Chaque conflit déclaré avec Azali permet de renforcer son image au niveau de la population de chaque île».
La situation paraît assez explosive pour que la moindre manifestation tourne au carnage. Azali, qui semblait s’engager depuis peu contre la corruption généralisée de son administration, va devoir gérer une nouvelle crise. Nul doute que son pouvoir en sortira très affaibli. «Abuser du pouvoir ? Oui. Mais tirer sur les gens en plein Aïd El Fitr. Il ne faudrait pas trop pousser sur la complotite…», s’exclame un membre du cabinet d’Elbak. «Même si ce n’est pas lui qui a donné l’ordre de tirer. Aux yeux de tous, il est le principal responsable de tout ce qui nous arrive».
Mze Abdou Soulé Elbak, qui tenait un rassemblement du même genre au même moment, lance un appel pour une marche spontanée vers la présidence. «J’avis exprimé dans mon allocution mes regrets pour mon pays, victime de la pauvreté et de la dictature, de la corruption et du vol par des dignitaires du pouvoir de l’Union». Plus de 3 000 personnes lui auraient emboîté le pas. A mi-route, l’armée essaie de canaliser les manifestants. L’échange verbal tourne à la panique. Les soldats chargent aussitôt à coup de gaz lacrymogène et tirent ensuite à balles réelles. Quinze personnes sont transportées à l’hôpital. Trois blessés graves sont enregistrés. Une femme de 29 ans a pris une balle dans la tête, un homme d’une quarantaine est dans le coma, un conseiller privé de l’exécutif de la Grande-Comore a pris une balle dans la cuisse.
Qui a donné l’ordre d’ouvrir le feu ? «Le ministre de la Sûreté du territoire a annoncé l’ouverture d’une enquête et nous savons ce que cela signifie : il faut s’attendre à des arrestations à l’occasion de représentants de l’autorité de la Grande-Comore, des ministres par exemple», s’insurgeait hier encore le ministre de l’Education de l’île autonome, Mohamed Issimaïla. A peine a-t-il fini de faire cette déclaration à la presse que deux arrestations avaient été effectuées par les autorités de l’Union. Un ancien ministre des Affaires étrangères, Mtara Maesha, qui avait été emprisonné dans les années 90 pour tentative de coup d’Etat par le pouvoir du défunt président Mohamed Taki Abdoulkarim, et Moustoipha Said Cheikh, dirigeant du Front Démocratique, ont été embarqués par les gendarmes.
«Si ce conflit n’est pas réglé dans les meilleurs délais, la population va manifester son mécontentement», menace Youssouf Said Soilihi, secrétaire général de l’exécutif sur l’île de la Grande-Comore. Au niveau de l’Union, la situation ne paraît pas claire. Seule est invoquée à demi-mots la menace possible d’une déstabilisation. Une raison qui a été avancée plus d’une fois par le pouvoir de l’Union ces derniers temps afin de justifier des réactions démesurées de la part de militaires et de policiers à l’encontre de l’opposition «insulaire» anti-Azali. L’incident en tous cas ravive les tensions entre le pouvoir de l’Union et les exécutifs des îles autonomes.
«Faudrait pas trop pousser sur la complotite»
Les Comores se trouvent aujourd’hui dans une impasse, où le processus de réconciliation nationale engagé en 2001 sous l’égide de la communauté internationale n’a conduit qu’à une série de blocages insurmontables. Adoptée dans le but de mettre fin aux velléités séparatistes des îles d’Anjouan et de Mohéli, la nouvelle constitution de l’Union n’a fait que multiplier les exécutifs, sans ressouder les liens au sein d’une population qui ne jure plus que par l’appartenance insulaire. Même les partis à vocation nationale se sont vus remettre en cause comme «les avocats de la division». Quant au colonel Azali Assoumani, il ne sait plus où donner de la tête.
Les nombreuses rencontres, organisées notamment en Afrique du Sud, pour trouver une solution au casse-tête que représente le nouvel ensemble, ne donnent rien de positif. L’opinion ne rate pas une occasion d’exprimer dans les rues son désaveu aux politiques, contre Azali et son équipe surtout, les accusant de mener le pays vers un gouffre. Sur le plan économique, rien ne fonctionne depuis l’apparition des premiers blocages institutionnels. Le pays se transforme peu à peu en une «poudrière». Chaque geste, chaque prise de parole, «devient suspect», nous dit un opposant. «Au niveau de l’Union, on flippe. Il y a comme une ambiance de fin de règne. Au niveau des îles autonomes, les exécutifs s’excitent. Ils veulent plus de pouvoir et ne croient plus au principe de fédération. Chaque conflit déclaré avec Azali permet de renforcer son image au niveau de la population de chaque île».
La situation paraît assez explosive pour que la moindre manifestation tourne au carnage. Azali, qui semblait s’engager depuis peu contre la corruption généralisée de son administration, va devoir gérer une nouvelle crise. Nul doute que son pouvoir en sortira très affaibli. «Abuser du pouvoir ? Oui. Mais tirer sur les gens en plein Aïd El Fitr. Il ne faudrait pas trop pousser sur la complotite…», s’exclame un membre du cabinet d’Elbak. «Même si ce n’est pas lui qui a donné l’ordre de tirer. Aux yeux de tous, il est le principal responsable de tout ce qui nous arrive».
par Soeuf Elbadawi
Article publié le 28/11/2003