Burundi
Les irréductibles sortent du bois
Le simple fait d’officialiser des "contacts" samedi à Nairobi laisse espérer l’ouverture de discussions sérieuses entre le gouvernement de transition et ses irréductibles rebelles du Palipehutu-FNL ( Parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération). Ces premiers travaux d’approche mutuels doivent durer jusqu’à lundi. Ils ont été marqué par l’éviction du porte-parole hutu du président Ndayizeye, à la demande de la délégation FNL. Celle-ci entend toujours ne discuter de l’avenir burundais qu’avec les seuls représentants de l’armée ou de la communauté tutsi, incarnant à ses yeux une même entité opprimant la communauté hutu. Jusqu’à présent, les rebelles FNL boycottaient le processus de paix lancé à Arusha en août 2000. Mais la donne a changé avec l’entrée dans les institutions de transition de l’autre rébellion hutu, celle des Forces pour la défense de la démocratie (FDD), le 23 novembre dernier.
Selon le porte-parole des rebelles d’Agathon Rwasa, Pasteur Habimana, la délégation de quatre personnes envoyée à Nairobi est conduite «par le chef d’état-major des FNL en personne». «Nous ne négocions pas avec le gouvernement du président Ndayizeye, mais avec des délégués tutsi», poursuit-il, pour couper cours à tout commentaire sur un éventuel changement d’orientation des FNL qui militent depuis des décennies pour la «libération du peuple hutu» du joug militaire tutsi. C’est donc un tête à tête ethnique qu’ils exigeaient à Nairobi et, pour ne pas faire capoter cette amorce de négociations, il a bien fallu que s’éclipse le porte-parole de la présidence tournante, dévolue depuis mai 2002 au Hutu Domitien Ndayizeye. Le porte-parole présidentiel a donc quitté la salle des discussions dès samedi, avant même l’entrée des FNL. Ces derniers exigeaient son départ pour bien marquer le peu de cas qu’ils font d’une magistrature suprême hutu négociée hors du cadre qu’ils préconisent.
Côté Tutsi, la délégation d’une dizaine de membres est dirigée par le négociateur attitré des précédents gouvernements du major Buyoya, Ambroise Niyonsaba. Elle compte cinq officiers supérieurs, mais aussi la ministre chargée de la Réinsertion et de la Réinstallation des centaines de milliers de réfugiés et déplacés qui attendent avec impatience de pouvoir, sinon regagner leurs collines natales, au moins trouver un point de chute durable dans leur propre pays. Rassuré quant à la pureté ethnique des invités de Nairobi, Pasteur Habimana précise que c’est en qualité de Tutsi qu’il les accepte comme partenaires et non point en tant que représentants d’une quelconque institution de la transition ou d’un parti ou d’un autre. Il n’est pas non plus mécontent de la présence dans la capitale kényane de l’ambassadeur des Etats-Unis et du représentant des Nations unies au Burundi, James Yellin et Berhanu Dinka. Les rebelles du FNL ont en effet longtemps cru en l’existence d’une communauté internationale providentielle.
Préliminaires rebelles
Selon Pasteur Habimana, les FNL se félicitent de pouvoir «nous entretenir des modalités pratiques d’organisation de véritables négociations entre les ethnies du Burundi qui doivent se passer sur le sol burundais, afin d’arriver à la paix». Dans son esprit, il s’agit donc de préliminaires alors que côté gouvernemental l’idée est plutôt de «les convaincre d’adhérer au processus de paix actuel». Ce dernier est d’ailleurs fondé sur un dosage ethnique conformément à l’analyse faite en son temps par le médiateur sud-africain Nelson Mandela qui avait crûment déclaré à Arusha, devant un auditoire burundais médusé, que le conflit burundais était le fruit de «la domination d’une majorité (hutu) par une minorité» tutsi. Aujourd’hui, les tenants du partage du pouvoir issu d’Arusha entendent «expliquer que cet accord est le fruit d’un compromis entre les Hutu et les Tutsi, à travers les partis politiques, comme le préconisent les FNL».
Reste qu’outre la place de la communauté des Batwa (la troisième étoile de la constellation burundais) représentée nulle part ou bien le cas des familles d’extraction royale (qui se situent ailleurs dans la galaxie communautaire) qui restent, tous deux, à préciser, aucun des principaux partis politiques n’est «ethniquement pur», loin s’en faut. Mais, de fait, tout le monde comprend que le Palipehutu-FNL ne s’intéresse pas à ces subtilités qu’il connaît aussi bien que chacun de ses compatriotes et qu’il rejette l’organigramme complexe sorti de leurs âpres marchandages. Le Palipehutu-FLN veut s’en tenir à son vieil ennemi principal et négocier directement avec les tenants des pouvoirs successifs qui se sont efforcé d’endiguer la communauté hutu, voire d’éliminer physiquement ses élites, jusqu’à assassiner le président Ndadaye en 1993. Aux yeux des rebelles FNL, l’ennemi tient en un mot : Tutsi. Et sur ce point, ils ne font nullement confiance au fragile compromis historique sorti d’Arusha.
«Nous voulons perturber le sommeil du chef de l’Etat, afin qu’il vive ce que vivent au quotidien les autres» Hutu, disait tout récemment Pasteur Habimana. Il fustigeait aussi la presse nationale et internationale, menaçant de kidnapper ces commentateurs, à ses yeux ignorants, pour leur faire mesurer, à marche forcée, le sort funeste des habitants ordinaires des collines. Au total, côté Hutu, il y aurait, selon le FLN, des clairvoyants et des aveugles, ou même des traîtres. D'ailleurs, de malentendus en divergences réelles, de scission en purge sanglante, les rebelles se sont eux-mêmes entredéchirés sur l’opportunité de négocier ou non. Exécuté ou relégué, le prédécesseur de Pasteur Habimana a disparu en mai 2002 sous un flot d’accusations prodigué par Agathon Rwasa, lui-même un temps donné pour mort. Toutes sortes d’allégations continuent également de courir sur son chef de guerre basé au Congo-Kinshasa.
Aujourd’hui, Pasteur Habimana refuse de donner les noms des délégués FNL à Nairobi. Il ne veut pas non plus que quiconque soupçonne ses compagnons de passer sous les fourches caudines des chefs d’Etat de la région. Ces derniers ont en effet adressé un ultimatum aux irréductibles rebelles, à l’occasion du sommet de Dar-es-Salam du 16 novembre qui finalisait l’accord conclu entre le gouvernement de transition et les FDD. «Les FNL ont trois mois pour rejoindre le processus de paix. Sinon ils seront considérés comme étant opposés à la paix et seront traités comme tels», menaçaient-ils alors. Jusqu’à présent, les rebelles FNL ont répondu à coups de mortiers. Aujourd’hui, ils se risquent à Nairobi. Après tant de sang versé, nul ne peut traiter leurs réticences à la légère, même si, autour du tapis vert, le dialogue de sourds se poursuit, le temps qu’il faudra.
Côté Tutsi, la délégation d’une dizaine de membres est dirigée par le négociateur attitré des précédents gouvernements du major Buyoya, Ambroise Niyonsaba. Elle compte cinq officiers supérieurs, mais aussi la ministre chargée de la Réinsertion et de la Réinstallation des centaines de milliers de réfugiés et déplacés qui attendent avec impatience de pouvoir, sinon regagner leurs collines natales, au moins trouver un point de chute durable dans leur propre pays. Rassuré quant à la pureté ethnique des invités de Nairobi, Pasteur Habimana précise que c’est en qualité de Tutsi qu’il les accepte comme partenaires et non point en tant que représentants d’une quelconque institution de la transition ou d’un parti ou d’un autre. Il n’est pas non plus mécontent de la présence dans la capitale kényane de l’ambassadeur des Etats-Unis et du représentant des Nations unies au Burundi, James Yellin et Berhanu Dinka. Les rebelles du FNL ont en effet longtemps cru en l’existence d’une communauté internationale providentielle.
Préliminaires rebelles
Selon Pasteur Habimana, les FNL se félicitent de pouvoir «nous entretenir des modalités pratiques d’organisation de véritables négociations entre les ethnies du Burundi qui doivent se passer sur le sol burundais, afin d’arriver à la paix». Dans son esprit, il s’agit donc de préliminaires alors que côté gouvernemental l’idée est plutôt de «les convaincre d’adhérer au processus de paix actuel». Ce dernier est d’ailleurs fondé sur un dosage ethnique conformément à l’analyse faite en son temps par le médiateur sud-africain Nelson Mandela qui avait crûment déclaré à Arusha, devant un auditoire burundais médusé, que le conflit burundais était le fruit de «la domination d’une majorité (hutu) par une minorité» tutsi. Aujourd’hui, les tenants du partage du pouvoir issu d’Arusha entendent «expliquer que cet accord est le fruit d’un compromis entre les Hutu et les Tutsi, à travers les partis politiques, comme le préconisent les FNL».
Reste qu’outre la place de la communauté des Batwa (la troisième étoile de la constellation burundais) représentée nulle part ou bien le cas des familles d’extraction royale (qui se situent ailleurs dans la galaxie communautaire) qui restent, tous deux, à préciser, aucun des principaux partis politiques n’est «ethniquement pur», loin s’en faut. Mais, de fait, tout le monde comprend que le Palipehutu-FNL ne s’intéresse pas à ces subtilités qu’il connaît aussi bien que chacun de ses compatriotes et qu’il rejette l’organigramme complexe sorti de leurs âpres marchandages. Le Palipehutu-FLN veut s’en tenir à son vieil ennemi principal et négocier directement avec les tenants des pouvoirs successifs qui se sont efforcé d’endiguer la communauté hutu, voire d’éliminer physiquement ses élites, jusqu’à assassiner le président Ndadaye en 1993. Aux yeux des rebelles FNL, l’ennemi tient en un mot : Tutsi. Et sur ce point, ils ne font nullement confiance au fragile compromis historique sorti d’Arusha.
«Nous voulons perturber le sommeil du chef de l’Etat, afin qu’il vive ce que vivent au quotidien les autres» Hutu, disait tout récemment Pasteur Habimana. Il fustigeait aussi la presse nationale et internationale, menaçant de kidnapper ces commentateurs, à ses yeux ignorants, pour leur faire mesurer, à marche forcée, le sort funeste des habitants ordinaires des collines. Au total, côté Hutu, il y aurait, selon le FLN, des clairvoyants et des aveugles, ou même des traîtres. D'ailleurs, de malentendus en divergences réelles, de scission en purge sanglante, les rebelles se sont eux-mêmes entredéchirés sur l’opportunité de négocier ou non. Exécuté ou relégué, le prédécesseur de Pasteur Habimana a disparu en mai 2002 sous un flot d’accusations prodigué par Agathon Rwasa, lui-même un temps donné pour mort. Toutes sortes d’allégations continuent également de courir sur son chef de guerre basé au Congo-Kinshasa.
Aujourd’hui, Pasteur Habimana refuse de donner les noms des délégués FNL à Nairobi. Il ne veut pas non plus que quiconque soupçonne ses compagnons de passer sous les fourches caudines des chefs d’Etat de la région. Ces derniers ont en effet adressé un ultimatum aux irréductibles rebelles, à l’occasion du sommet de Dar-es-Salam du 16 novembre qui finalisait l’accord conclu entre le gouvernement de transition et les FDD. «Les FNL ont trois mois pour rejoindre le processus de paix. Sinon ils seront considérés comme étant opposés à la paix et seront traités comme tels», menaçaient-ils alors. Jusqu’à présent, les rebelles FNL ont répondu à coups de mortiers. Aujourd’hui, ils se risquent à Nairobi. Après tant de sang versé, nul ne peut traiter leurs réticences à la légère, même si, autour du tapis vert, le dialogue de sourds se poursuit, le temps qu’il faudra.
par Monique Mas
Article publié le 30/11/2003