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Birmanie

Quelques libérations et des condamnations à mort...

Cinq mois après les violences du 30 mai dernier, orchestrés vraisemblablement par le pouvoir et qui ont fait des dizaines de morts et conduit dans les geôles du pouvoir des dizaines d’opposants, la junte birmane a annoncé la libération d’une vingtaine de dissidents, tous membres de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi. Cette mesure ne saurait toutefois effacer la récente condamnation à mort de neuf Birmans pour haute trahison. Le régime de Rangoon, qui est soumis à de fortes pressions internationales –plusieurs multinationales ont récemment quitté le pays–, affirme travailler à ce qu’il a présenté comme sa «feuille de route» en vue d’une amorce de démocratisation avant 2006, date à laquelle la Birmanie occupera la présidence tournante de l’ASEAN, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Une affirmation qui pour l’instant n’engage que lui.
En visite début novembre à Rangoon, Sergio Pinheiro, le rapporteur spécial de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, exprimait «sa profonde préoccupation» concernant les violations des libertés en Birmanie. Il appelait à la libération de tous les prisonniers politiques dont le nombre est estimé entre 1 200 et 1 300. Quelques semaines après son séjour à Rangoon, son inquiétude ouvertement exposée s’est confirmée. Deux organisations de défense de la presse, Reporters sans frontières et l’Association des médias birmans révélaient que neuf personnes, parmi lesquelles un journaliste sportif et un avocat, avaient été condamnées à mort pour haute trahison par la junte au pouvoir. Ils avaient été arrêtés en juillet dernier après la parution d’un article s’interrogeant sur l’utilisation d’une aide internationale d’environ 3,3 millions d’euros à la promotion du football en Birmanie. Quelques jours plus tard, le 26 juillet, un responsable de la junte annonçait que les services de sécurité avaient déjoué une série d’attentats à la bombe dans lesquels étaient notamment impliqués les neuf Birmans condamnés à mort. Certes la peine capitale n’a pas été exécutée en Birmanie depuis 1988 mais de nombreux observateurs soulignent toutefois que les exécutions extrajudiciaires, tout comme les décès en prison sont monnaie courante.

Contre toute attente et alors que rien ne le laissait présager, les autorités de Rangoon ont paradoxalement libéré une vingtaine de membres de la Ligue nationale pour la démocratie. Ces opposants avaient tous été arrêtés après les violents affrontements du 30 mai dernier qui se sont produits au cours d’une visite de Aung San Suu Kyi dans le nord du pays. Le convoi de la dissidente était tombé dans une embuscade, vraisemblablement orchestrée par les junte, dans laquelle plusieurs de ses militants ont trouvé la mort tandis que plusieurs membres de son parti étaient jeté en prison ou assignés à résidence. L’opposante elle-même avait été mise au secret durant trois mois, les rumeurs les plus folles courant sur son état de santé, avant d’être pour la troisième fois assignée à résidence.

Sanctions internationales sans résultat

La situation des droits de l’homme en Birmanie et surtout les événements du 30 mai dernier ont accentué les pressions internationales. Mais malgré des sanctions économiques pénalisantes pour le pays –Washington a notamment interdit toute importation de textile birmans, ce qui représente 300 millions d’euros annuellement, et geler les transfert en dollars–et le retrait de plusieurs multinationales américaines et britanniques, le pouvoir birman semble insensible à toutes les contraintes que tente de lui imposer l’Occident. Plus grave, l’arme économique n'est aujourd’hui d’aucune utilité puisqu’à chaque retrait d’une grosse compagnie, des investisseurs asiatiques viennent prendre le relais, assurant les rentes de la junte militaire. Certains experts évoquent des cas où les repreneurs de la région ont immédiatement divisé en deux les salaires des employés birmans et sont revenus sur leurs acquis sociaux, quand ils ne les licenciaient pas purement et simplement. Aung San Suu Kyi elle-même a d’ailleurs assoupli sa position concernant les sanctions économiques imposées à son pays.

Mais en dépit de l’apparente impasse politique que connaît la Birmanie depuis les événements du 30 mai, il semblerait que le pouvoir militaire pourrait engager une timide ouverture. La nomination en août dernier du général Khin Nyunt, le numéro 3 de la junte, au poste de Premier ministre est interprétée comme un signe positif. Le chef de l’exécutif avait rendu publique à son arrivée une «feuille de route» en sept points prévoyant d’ici 2006 –date à laquelle la Birmanie doit occuper la présidence tournante de l’ASEAN– l’organisation d’élections. Cette initiative avait été saluée par quelques capitales asiatiques mais rejetée par l’Occident qui n’y a vu qu’un catalogue de vœux pieux sans calendrier précis et sans aucune mention de la Ligne nationale démocratique soumise à l’époque à une répression brutale.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/12/2003