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Société de l''information

La société civile fait entendre sa voix

Ouverture ce mercredi à Genève du premier Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) organisé par les Nations unies. Trois jours pour évoquer la fracture numérique entre riches et pauvres. A Genève se tient également une cybermanifestation à l’initiative du collectif Geneva 03 et de la coordination CRIS. Ces opposants déplorent que de nombreuses contributions de la société civile sur notamment la liberté d’expression, le rôle des médias et la propriété intellectuelle aient subi d’importants effritements.
De notre envoyée spéciale à Genève

Sous les tréteaux du théâtre de l’Usine, on parle (la plupart du temps en anglais). Au coeur des échanges: Internet, médias communautaires, cybersécurité, logiciels libres. Des jeunes (entre 20 et 30 ans) venus de toute l’Europe n’entendent pas laisser les officiels occuper seuls le terrain du SMSI (Sommet mondial sur la société de l’information).

Le collectif Geneva 03 a devancé de 24 heures l’ouverture du SMSI et a proposé dès mercredi sa propre réponse à la société de l’information. Organiser des débats plutôt que manifester dans la rue. Pour faire passer leur message, les membres de Geneva 03 -des activistes d’Indymedia, des militants du réseau NoBorder, du mouvement de défense du logiciel libre- ont choisi pendant toute la durée du sommet d’organiser des événements à Genève et des débats sur le Net. Plus généralement, l’un des membres de Geneva 03 rappelle qu’«il est essentiel d’expliquer aux gens qu’ils ont la capacité et les compétences pour communiquer librement». Et d’expliquer que «chacun peut intervenir en personne dans les conférences qui se tiendront à l’Usine et à la Maison des associations à Genève ou sur les débats retransmis en ligne».

Très mécontentes de la «tournure élitiste» de ce sommet et pour «sortir du langage diplomatique», plusieurs ONG internationales se sont également fédérées sous la bannière CRIS (Communication rights in information society) en vue d’élaborer leur position en matière de société de l’information. Depuis le début de la préparation du SMSI, celui-ci est présenté comme un sommet tripartite, dont l'originalité serait de reposer sur un fonctionnement associant étroitement États, secteur privé et société civile dans son processus. Mais quelle est la place accordée aux membres de la société civile dans les faits ? Sur l’ensemble de ses contributions aux deux documents-clés du SMSI –la déclaration de principes et le plan d’action- à peine 40% ont été prises en compte, la plupart en partie seulement.

L’Unesco plutôt que l’UIT

La coordination CRIS déplore que plusieurs des contributions de la société civile sur la liberté d’expression, la diversité des médias, la gouvernance de l’Internet et la sécurité de l’information aient peu été traitées voire abandonnées. Selon le projet de déclaration finale, ses questions litigieuses ont été réglées par des formules vagues et par des solutions d’attente comme les groupes de travail. L’Association for progressive communications (APC) souligne, par exemple, que «la déclaration finale manque de discernement sur un thème comme la sécurité des informations qui menace d’affaiblir encore plus les droits de l’homme en matière de vie privée».

L’exemple des droits de la communication est, à ce titre, révélateur. «Ce manque d’intérêt s’est particulièrement manifesté à l’égard des droits de la communication, clé de voûte de la société de l’information», constate Myriam Horngren de CRIS. Droit de communiquer, il n’en a pas été question pour l’association Reporters sans frontières (RSF) exclue du sommet pour avoir protesté en début d'année contre la nomination d'une représentante libyenne à la tête de la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Pour ne pas être réduits au silence, les militants de RSF ont commencé ce mercredi à distribuer aux participants des mini-transistors permettant d’écouter les émissions d'une radio pirate «Radio non grata» créée spécialement pour la durée du sommet et accessible sur le Net.
En cause également dans de nombreuses réunions informelles de la société civile, le rôle de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Les organisateurs de ce sommet ont-ils sous estimé l’ampleur du sujet ? Il semble que oui. L’aptitude de cette agence technologique des Nations unies à mener à bien le processus de ce sommet est largement mise en cause par la société civile qui lui reproche son manque de disposition pour la plupart des problématiques en jeu. De l’avis de ces militants du web indépendant, il reste donc peu à attendre du SMSI en terme de déclaration de principes et de plan d’action qui soit autre chose qu’un «truc plat». Pour continuer à se faire entendre, ces opposants se regrouperont le 11 décembre prochain à l’occasion du Forum mondial sur les droits de la communication qui se tiendra sur le lieu même du SMSI.

Pour aller plus loin:

http://geneva03.org (en anglais)
http://www.crisinfo.org (en anglais)
http://www.radionongrata.net
http://www.itu.int/wsis/index-fr.html (le site officiel du sommet, en français)

A écouter :
Daniel Kaplan, délégué général de la FING (Fondation Internet nouvelle génération). Invité de Pierre Ganz, le 10/12/2003.

Armand Mattelard, professeur de sciences de l'information et de la communication à Paris VIII. Il répond aux questions de Danielle Birck, le 10/12/2003.



par Myriam  Berber

Article publié le 10/12/2003