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Executive Life : La France refuse de lâcher Pinault

La négociation entre la justice américaine et les différentes parties françaises mises en cause dans l’affaire Executive Life a échoué. Le parquet américain peut donc désormais lancer les poursuites pénales contre l’Etat français et le Crédit Lyonnais qui pourraient s’avérer très coûteuses.
Dans le cadre d’un accord négocié, le Crédit Lyonnais, l’Etat français et la mutuelle d’assurances MAAF se voyaient proposer par la justice américaine un arrangement portant sur une amende record de 585 millions de dollars, dont 475 millions pour l’Etat français. Cela les mettait à l’abri de poursuites pénales, mais pas d’éventuels dommages-intérêts dans un procès civil ultérieur. En revanche, les tentatives de la France d’inclure dans cet accord François Pinault, un proche du président Jacques Chirac, a fait capoter le projet d’accord global. Le parquet américain peut donc désormais lancer les poursuites pénales contre l’Etat français et le Crédit Lyonnais.

A François Pinault la justice américaine reproche de fausses déclarations et exige qu’il verse 185 millions de dollars d’indemnisation alors qu’il refuse d’aller au delà de 130 millions de dollars. Et il ne pourra pas, pour les acquitter, piocher dans le produit de la vente d’Executive Life (devenu Aurora) à un groupe suisse comme il l’avait prévu. L’ancien président du Crédit Lyonnais, Jean Peyrelevade, est accusé par le parquet californien de ne pas avoir révélé les montages financiers frauduleux dont il avait eu connaissance et devrait également faire l’objet de poursuites.

L’opération financière qui se présentait, au départ, comme particulièrement juteuse pour le Crédit Lyonnais a viré au cauchemar, depuis 1999, date de l’entrée en piste de la justice. En 1991, Jean-François Hénin, directeur général d’Altus, filiale du Crédit Lyonnais, flaire la bonne affaire aux Etats-Unis. La compagnie d’assurance-vie Executive Life est en faillite et, peu après, mise en vente. Dans la corbeille de la mariée, la compagnie d’assurances qui doit assurer le maintien des contrats en cours jusqu’à leur extinction. Mais, surtout, et c’est là ce qui attire les repreneurs éventuels, un portefeuille obligataire «bradé». En effet, il est constitué d’obligations à risque, (junk bonds) qui ont pris de plein fouet la récession américaine et ce portefeuille a perdu, à cette époque, près de la moitié de sa valeur. Altus y voit une opportunité de grosses plus-values quand les taux d’intérêts baisseront, comme c'est prévisible, rendant toute leur attractivité aux obligations.

Repreneur légal

Le directeur général d’Altus apporte donc la proposition alléchante à son patron, le président du Crédit Lyonnais, Jean-Yves Haberer, qui donne son accord et sa garantie. Un «petit» obstacle cependant: Altus n’a pas le droit, en tant qu’établissement bancaire, qui plus est étranger et nationalisé, de détenir une compagnie d’assurances. Qu’à cela ne tienne, on fait appel à une société mutuelle française, la MAAF, comme repreneur légal. Sauf que la MAAF, qui n’a que faire d’une compagnie d’assurances aux Etats-Unis, en raison de ses propres difficultés financières, s’engage secrètement à revendre par la suite ses titres à Altus. La mutuelle d’assurances ne sert donc que de paravent dans cette opération.

L’affaire conclue, tout se passe comme prévu par le Crédit Lyonnais qui réalise les profits attendus de la remontée des obligations. De son côté, la MAAF qui a racheté Executive Life, rebaptise la compagnie d’assurances Aurora.

En 1992, un nouveau pan du dossier s’ouvre. Le Crédit Lyonnais souhaite se défaire, rapidement, des junk bonds qui, par le biais de conversions en actions, pourraient faire entrer leur détenteur dans l’illégalité pour, cette fois encore, participation interdite au capital d’entreprises. La banque fait appel à François Pinault dont le groupe, fortement lié au Crédit Lyonnais, se dote pour la circonstance d’une holding, Artémis, destinée à reprendre ces obligations litigieuses. Au passage, en 1994, Artémis prend le contrôle d’Aurora. C’est, là encore, une affaire de «portage» qui est reprochée au Crédit Lyonnais et à François Pinault.



par Francine  Quentin

Article publié le 03/12/2003