Irak
Un quotidien de pénuries et d’inflation
Huit mois après la chute du régime de Saddam Hussein, la situation des infrastructures publiques à Bagdad est désastreuse. Files d'attentes interminables pour se ravitailler en essence, augmentation du fuel pour le chauffage, les raffineries tournent au quart de leurs capacités. Résultat : l'Irak doit importer son carburant de Turquie, du Koweit et de Jordanie.
De notre envoyé spécial à Bagdad
«Al-saber jamiloun…» (La patience est belle), dit le proverbe arabe. Mais pas à Bagdad : huit mois après la chute du régime de Saddam Hussein, les Bagdadis supportent de moins en moins les interminables attentes aux stations services. La grogne est générale. «C’est incroyable, l’Irak est un pays riche en pétrole et nous n’avons pas d’essence !», peste un automobiliste qui vient de faire quatre heures de queue pour remplir son réservoir.
«Les gens deviennent très nerveux et ont les nerfs à cran», constate Lou’ai, un jeune policier qui filtre la file des véhicules s’allongeant sur près d’un kilomètre dans le quartier résidentiel de Jadriyeh. Qui est responsable de cette pénurie ? «Le Conseil de gouvernement transitoire», affirme un chauffeur de taxi, «les Américains qui veulent punir le peuple irakien de sa résistance», lance de son côté un automobiliste. Or, la pénurie ne tient ni du hasard ni d’un plan machiavélique des autorités d’occupation.
Les capacités de raffinage ne permettent simplement pas de couvrir les besoins locaux. Les raffineries tournent au quart de leurs capacités. Le manque d’électricité, la vétusté des installations et les sabotages ont fait chuter la production d’essence. Résultat : l’Irak doit importer son carburant par camion de Turquie, du Koweït et même de Jordanie. Mais les quantités ne sont pas suffisantes. Ces importations sont très chères car facturées au prix du marché international. Facteur aggravant : la consommation a fortement augmenté avec l’entrée en Irak de près de 250 000 voitures depuis avril dernier.
Devant les stations-services, des revendeurs à la sauvette proposent des bidons d’essence à des prix prohibitifs pour bon nombre de Bagdadis. Au lieu de faire le taxi à la recherche de client, certains chauffeurs font des pleins de 100 à 120 litres et revendent leur cargaison au détail. Le gallon est vendu jusqu’à 5 000 dinars irakiens (2,5 dollars) contre 100 dinars à la pompe.
Flambée des prix de l’énergie
Ce prix de l’essence au marché noir varie d’heure en heure en fonction de la situation sécuritaire, du lieu et bien sur en fonction de l’offre et de la demande. Sur la route d’Abou Ghraib, le gallon s’échange à 1 000 dinars (0,5 dollars), au même moment il franchit la barre des 3 000 dinars dans le centre-ville de Bagdad. «Grâce à Dieu, cela nous fait vivre», lance Ahmed qui avec son père revend l’essence sur le bas côté de l’autoroute. Mais seuls les privilégiés peuvent se permettent d’acheter du carburant à de tels tarifs, pour les autres ce sont des heures d’attente.
«Pas d’essence pour circuler, pas de fuel pour se chauffer et pas de gaz pour se cuisiner ! Le tableau est bien sombre huit mois après la chute de Bagdad. Les Américains sont dans une spirale de l’échec», constate un expert économique. L’hiver, même s’il ne dure que quelques mois, risque en effet d’être rude pour les Irakiens qui pour la plupart sont réduits au chômage et vivent d’expédients. Contrairement aux années précédentes, les stocks de bonbonnes de gaz n’ont pas été reconstitués, provoquant ainsi une flambée des prix de 750 dinars à 5 000 dinars. Même inflation galopante pour le fuel destiné au chauffage.
Côté électricité, la situation demeure précaire, malgré les communiqués optimistes des autorités d’occupation américaine. La production reste désespérément faible, entre 30 et 40% des capacités installées, mais surtout la distribution du courant est irrégulière. Des lignes à haute tension sont encore dépouillées de leur aluminium par des pilleurs qui le revendent ensuite. Les actes de sabotage, notamment des sous-stations de transformation de courant, perturbent considérablement la distribution dans les quartiers. Récemment, la capitale irakienne s’est ainsi retrouvée privée d’électricité pendant deux jours.
Cette crise énergétique a des conséquences désastreuses sur le fonctionnement des infrastructures publiques, notamment d’eau et d’assainissement. En raison de la saison des pluies qui vient de commencer, les égouts sont pleins. Mais faut d’électricité, les pompes de relevage dans le réseau ne fonctionnent plus, provoquant des refoulements d’eaux usées dans les rues de Bagdad. Avec toutes les conséquences dramatiques sur la santé de la population que l’on peut imaginer…
«Al-saber jamiloun…» (La patience est belle), dit le proverbe arabe. Mais pas à Bagdad : huit mois après la chute du régime de Saddam Hussein, les Bagdadis supportent de moins en moins les interminables attentes aux stations services. La grogne est générale. «C’est incroyable, l’Irak est un pays riche en pétrole et nous n’avons pas d’essence !», peste un automobiliste qui vient de faire quatre heures de queue pour remplir son réservoir.
«Les gens deviennent très nerveux et ont les nerfs à cran», constate Lou’ai, un jeune policier qui filtre la file des véhicules s’allongeant sur près d’un kilomètre dans le quartier résidentiel de Jadriyeh. Qui est responsable de cette pénurie ? «Le Conseil de gouvernement transitoire», affirme un chauffeur de taxi, «les Américains qui veulent punir le peuple irakien de sa résistance», lance de son côté un automobiliste. Or, la pénurie ne tient ni du hasard ni d’un plan machiavélique des autorités d’occupation.
Les capacités de raffinage ne permettent simplement pas de couvrir les besoins locaux. Les raffineries tournent au quart de leurs capacités. Le manque d’électricité, la vétusté des installations et les sabotages ont fait chuter la production d’essence. Résultat : l’Irak doit importer son carburant par camion de Turquie, du Koweït et même de Jordanie. Mais les quantités ne sont pas suffisantes. Ces importations sont très chères car facturées au prix du marché international. Facteur aggravant : la consommation a fortement augmenté avec l’entrée en Irak de près de 250 000 voitures depuis avril dernier.
Devant les stations-services, des revendeurs à la sauvette proposent des bidons d’essence à des prix prohibitifs pour bon nombre de Bagdadis. Au lieu de faire le taxi à la recherche de client, certains chauffeurs font des pleins de 100 à 120 litres et revendent leur cargaison au détail. Le gallon est vendu jusqu’à 5 000 dinars irakiens (2,5 dollars) contre 100 dinars à la pompe.
Flambée des prix de l’énergie
Ce prix de l’essence au marché noir varie d’heure en heure en fonction de la situation sécuritaire, du lieu et bien sur en fonction de l’offre et de la demande. Sur la route d’Abou Ghraib, le gallon s’échange à 1 000 dinars (0,5 dollars), au même moment il franchit la barre des 3 000 dinars dans le centre-ville de Bagdad. «Grâce à Dieu, cela nous fait vivre», lance Ahmed qui avec son père revend l’essence sur le bas côté de l’autoroute. Mais seuls les privilégiés peuvent se permettent d’acheter du carburant à de tels tarifs, pour les autres ce sont des heures d’attente.
«Pas d’essence pour circuler, pas de fuel pour se chauffer et pas de gaz pour se cuisiner ! Le tableau est bien sombre huit mois après la chute de Bagdad. Les Américains sont dans une spirale de l’échec», constate un expert économique. L’hiver, même s’il ne dure que quelques mois, risque en effet d’être rude pour les Irakiens qui pour la plupart sont réduits au chômage et vivent d’expédients. Contrairement aux années précédentes, les stocks de bonbonnes de gaz n’ont pas été reconstitués, provoquant ainsi une flambée des prix de 750 dinars à 5 000 dinars. Même inflation galopante pour le fuel destiné au chauffage.
Côté électricité, la situation demeure précaire, malgré les communiqués optimistes des autorités d’occupation américaine. La production reste désespérément faible, entre 30 et 40% des capacités installées, mais surtout la distribution du courant est irrégulière. Des lignes à haute tension sont encore dépouillées de leur aluminium par des pilleurs qui le revendent ensuite. Les actes de sabotage, notamment des sous-stations de transformation de courant, perturbent considérablement la distribution dans les quartiers. Récemment, la capitale irakienne s’est ainsi retrouvée privée d’électricité pendant deux jours.
Cette crise énergétique a des conséquences désastreuses sur le fonctionnement des infrastructures publiques, notamment d’eau et d’assainissement. En raison de la saison des pluies qui vient de commencer, les égouts sont pleins. Mais faut d’électricité, les pompes de relevage dans le réseau ne fonctionnent plus, provoquant des refoulements d’eaux usées dans les rues de Bagdad. Avec toutes les conséquences dramatiques sur la santé de la population que l’on peut imaginer…
par Christian Chesnot
Article publié le 12/12/2003