Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Economie française

Autoroutes : rente ou magot, il faut choisir

Privatiser les sociétés d’autoroutes dans lesquelles l’Etat détient des participations présente l’avantage de recettes immédiates et l’inconvénient de se priver de bénéfices futurs. Les deux thèses s’affrontent au gouvernement entre le ministère des Finances et celui des Transports. Il revient au Premier ministre de trancher.
Gilles de Robien, ministre de l’Equipement et des Transports a, pour l’instant, au moins deux fers au feu. Pressé par la majorité présidentielle de légiférer sur le service minimum dans les transports publics, il préférerait la négociation sociale dans les entreprises publiques. Mais un autre dossier le met aux prises avec son collègue des Finances, Francis Mer, celui de la privatisation des sociétés d’autoroutes dans lesquelles l’Etat français conserve des parts de capital.

Ces privatisations figurent au programme du gouvernement Raffarin et du côté des Finances on ne serait pas mécontent de voir rapidement rentrer dans les caisses publiques de 8 à 10 milliards d’euros, selon les évaluations de la privatisation de l’ensemble du réseau public d’autoroutes (ASF, Sanef, SAPRR).

En revanche au ministère des Transports on estime que dans les trente ans à venir, c’est-à-dire jusqu’à la date de fin des concessions en cours, les péages autoroutiers pourraient rapporter entre 34 et 39 milliards d’euros. Voilà qui devrait permettre de financer les grands projets d’infrastructures de transports jugés nécessaires dans les années à venir pour 15 milliards d’euros environ. Le Premier ministre devra trancher entre les deux thèses : est-il préférable de percevoir cet argent tout de suite et disposer du capital ou en étaler le produit dans le temps, sous forme de rente ? Une position de compromis pourrait intervenir en privatisant les autoroutes et en affectant une part de la manne au financement des infrastructures.

Versement de dividendes

Depuis leur création, dans les années 50, le nombre et le statut des sociétés concessionnaires d’autoroutes a varié. Mais sur les 9 000 km d’autoroutes en service fin 2002, 7 700 sont exploités sous un régime de concession, soit 83% du réseau, précise la Caisse nationale des autoroutes, établissement public chargé d’en assurer le financement.

En 1955 , la France décide de se doter d’un réseau autoroutier. La construction et l’exploitation des sections autoroutières sont confiées à des sociétés dans lesquelles les capitaux publics sont majoritaires. Entre 1956 et 1964 cinq sociétés d’économie mixte voient le jour, dont la société des Autoroutes du sud de la France (ASF) à 50,3% publique, qui pourrait rapporter à elle seule 3 milliards d’euros de recettes de privatisation.

A partir de 1970 les besoins en transports routiers grandissent. L’Etat décide d’attribuer des concessions à des sociétés à capitaux privés constituées par des entreprises de travaux publics et des banques. Sont ainsi créées, entre 1970 et 1973, 4 sociétés privées dont la plus importante est Cofiroute (Compagnie financière et industrielle des autoroutes). Mais, en 1973 le premier choc pétrolier rend les conditions économiques du transport routier très défavorables. Le secteur public doit reprendre 3 des 4 sociétés privées car elles sont au bord de la faillite. Pour restructurer le secteur autoroutier un système de péréquation est instauré entre les sociétés d’économie mixte, les bien portantes soutenant les réseaux déficitaires. Fin 1985, seule Cofiroute reste entièrement privée.

Afin d’accélérer la réalisation du programme autoroutier français le gouvernement engage une réforme à partir de 1994 recapitalisant les sociétés d’économie mixte et limitant la part directement détenue par l’Etat à 45%. Enfin, en 2001, il est décidé d’instaurer une concurrence dans l’attribution de nouvelles concessions autoroutières et la gestion des sociétés d’économie mixte se rapproche puis s’aligne progressivement sur celle de sociétés privées. La situation financière de ces sociétés leur permet désormais de verser des dividendes à leurs actionnaires, dont au premier rang l’Etat. Celui-ci utilise les ressources ainsi dégagées au financement d’autres infrastructures ferroviaires ou routières. C’est ce principe que Gilles de Robien voudrait voir perdurer au profit de son ministère. Mais la privatisation, en 2001, d’une partie des actions d’ASF avait permis de reverser à l’Etat 1,8 milliard d’euros, et en une seule fois, d’où l’appétit de Bercy pour la privatisation.



par Francine  Quentin

Article publié le 09/12/2003