Irak
Grandeur et décadence des anciens dirigeants
Les plus proches collaborateurs de Saddam Hussein sont désormais pour la plupart prisonniers des Américains. Naguère tout-puissants, ils sont désormais des détenus presque comme les autres.
De notre envoyé spécial à Bagdad
Après la capture de Saddam, le jeu de cartes des 55 personnalités recherchées par les Américains est pratiquement au complet. Seuls manquent encore à l’appel une dizaine responsables de l’ancien régime, notamment le vice-président du Conseil de commandement de la révolution Ezzat Ibrahim Al-Douri (n° 6), Hani Abdelatif al-Takriti directeur de l’Organisation spéciale de sécurité (n° 7), Seif Al-Dine Taha Al-Raoui l’ex-chef d’état-major de la Garde républicaine (n°14), Taher Habouche l’ancien patron des services de renseignement (n° 16) ou encore Sabaoui Ibrahim Hassan l’un des trois demi-frères de Saddam (n° 36).
L’ancien président irakien serait détenu à Bagdad dans un lieu tenu secret, affirme l’état-major américain. Quant aux autres personnalités du régime, elles sont toutes incarcérées dans la prison de Radwaniyeh près de l’aéroport, la plupart dans des cellules collectives de 4 à 5 détenus. Seules les personnalités les plus importantes ont droit à une cellule individuelle, comme par exemple Tarek Aziz, l’ancien vice-Premier ministre, ou encore Houda Ammash, une scientifique membre du Commandement régional du Baas et l’une des deux seules femmes – avec Rihab Taha elle aussi scientifique surnommée «Dr Microbe»- détenue à Radwaniyeh.
Le Dr Ahmed, le mari de Houda Ammash, un universitaire qui présidait avant-guerre la Commission pour le développement informatique, a pu visiter une seule fois sa femme arrêtée le 5 mai. «Je l’ai rencontrée avec sa mère en septembre dernier après de longues négociations avec les Américains. Nous avons discuter avec Houda pendant deux heures et demi en présence d’un gardien irakien, non pas dans sa cellule mais dans une pièce spéciale. Elle m’a dit que pendant deux mois, elle avait été mise au secret. Son moral est bon, mais elle a perdu 13 kilos. Elle redoute de flancher psychologiquement.»
Conditions spartiates
Ses conditions d’incarcération sont spartiates –une cellule de 2 mètres sur 2– mais on lui a accordé un traitement de faveur puisque elle peut recevoir des livres. «Elle m’a demandé une version anglaise du Coran», raconte son mari. D’autres responsables n’ont pas ces privilèges. Ainsi, Violette Aziz, la femme de Tarek Aziz, a vu sa demande de visite refusée par les Américains qui ont par ailleurs privé son mari de toute lecture. Dans la prison, Houda Ammash a conservé ses vêtements de ville et ne porte pas d’uniforme. Chaque matin, elle se rend dans les sanitaires communs pour sa toilette. Dans les couloirs, elle croise les autres détenus VIP de l’ancien régime mais il est interdit d’échanger la moindre parole lors des déplacements.
Elle a été interrogée à des nombreuses reprises par des membres de la CIA, la première fois pendant 16 heures d’affilées, affirme son mari qui ajoute que des «Israéliens participaient aux interrogatoires» . Avant guerre, la presse américaine a accusé Houda Ammash d’être responsable du programme irakien d’armes biologiques. Son mari s’en défend : «il s’agit d’une fausse accusation diffusée par la CIA à la presse, même Hans Blix, l’ancien chef des inspecteurs de l’ONU a reconnu qu’il s’agissait d’une opération d’intoxication. Son dossier d’accusation est vide, c’est un procès politique.»
Houda Ammash est la fille du général Ammash, l’une des grandes figures de l’armée irakienne, démis de ses fonctions en 1970 et nommé ambassadeur à Paris, Stockholm, Moscou et Helsinki où il mourra dans des conditions mystérieuses en 1975. Diplômé en microbiologie de l’Université de Trenton au Texas, elle fut projetée sur le devant de la scène politique en 2001 lors de son élection au Commandement régional du parti Baas, au moment où Qoussaï, le fils cadet de Saddam Hussein, faisait lui aussi son entrée dans cet organe dirigeant du pays.
Pour le moment, le Dr Ahmed n’a pas l’intention de faire appel à un avocat pour défendre sa femme. «Je le ferais quand je saurais de quoi elle est accusée.» A la question de savoir s’il pense qu’elle aura un procès équitable, il éclate d’un grand rire sans en dire plus. Autre stratégie, le fils aîné de Tarek Aziz, Ziyad, actuellement réfugié en Jordanie, a lui choisi Maître Jacques Vergès, un ami de la famille, pour conseiller son père, dont la santé serait chancelante.
Selon le magazine irakien Al-Mouchahed, qui a publié début décembre une enquête sur les conditions de vie des anciens du régime détenus à Radwaniyeh, Tarek Aziz serait «déprimé et replié sur lui-même». La plupart des autres prisonniers souffriraient de dépression et parfois s’insulteraient entre eux, les uns accusant les autres d’avoir mené le pays à la catastrophe. Le cousin de Saddam Hussein, Ali Hassan Al-Majid dit «Ali le chimique», serait la cible privilégiée de la rancœur de ses co-détenus qui le boycotteraient. Le magazine affirme même qu’Abed Hmoud, le secrétaire personnel de Saddam Hussein, aurait quant à lui été victime d’une agression de la part d’autres détenus qui le haïssent. «Abed Hmoud n’aurait dû son salut qu’à l’intervention des soldats américains», rapporte le magazine.
Après la capture de Saddam, le jeu de cartes des 55 personnalités recherchées par les Américains est pratiquement au complet. Seuls manquent encore à l’appel une dizaine responsables de l’ancien régime, notamment le vice-président du Conseil de commandement de la révolution Ezzat Ibrahim Al-Douri (n° 6), Hani Abdelatif al-Takriti directeur de l’Organisation spéciale de sécurité (n° 7), Seif Al-Dine Taha Al-Raoui l’ex-chef d’état-major de la Garde républicaine (n°14), Taher Habouche l’ancien patron des services de renseignement (n° 16) ou encore Sabaoui Ibrahim Hassan l’un des trois demi-frères de Saddam (n° 36).
L’ancien président irakien serait détenu à Bagdad dans un lieu tenu secret, affirme l’état-major américain. Quant aux autres personnalités du régime, elles sont toutes incarcérées dans la prison de Radwaniyeh près de l’aéroport, la plupart dans des cellules collectives de 4 à 5 détenus. Seules les personnalités les plus importantes ont droit à une cellule individuelle, comme par exemple Tarek Aziz, l’ancien vice-Premier ministre, ou encore Houda Ammash, une scientifique membre du Commandement régional du Baas et l’une des deux seules femmes – avec Rihab Taha elle aussi scientifique surnommée «Dr Microbe»- détenue à Radwaniyeh.
Le Dr Ahmed, le mari de Houda Ammash, un universitaire qui présidait avant-guerre la Commission pour le développement informatique, a pu visiter une seule fois sa femme arrêtée le 5 mai. «Je l’ai rencontrée avec sa mère en septembre dernier après de longues négociations avec les Américains. Nous avons discuter avec Houda pendant deux heures et demi en présence d’un gardien irakien, non pas dans sa cellule mais dans une pièce spéciale. Elle m’a dit que pendant deux mois, elle avait été mise au secret. Son moral est bon, mais elle a perdu 13 kilos. Elle redoute de flancher psychologiquement.»
Conditions spartiates
Ses conditions d’incarcération sont spartiates –une cellule de 2 mètres sur 2– mais on lui a accordé un traitement de faveur puisque elle peut recevoir des livres. «Elle m’a demandé une version anglaise du Coran», raconte son mari. D’autres responsables n’ont pas ces privilèges. Ainsi, Violette Aziz, la femme de Tarek Aziz, a vu sa demande de visite refusée par les Américains qui ont par ailleurs privé son mari de toute lecture. Dans la prison, Houda Ammash a conservé ses vêtements de ville et ne porte pas d’uniforme. Chaque matin, elle se rend dans les sanitaires communs pour sa toilette. Dans les couloirs, elle croise les autres détenus VIP de l’ancien régime mais il est interdit d’échanger la moindre parole lors des déplacements.
Elle a été interrogée à des nombreuses reprises par des membres de la CIA, la première fois pendant 16 heures d’affilées, affirme son mari qui ajoute que des «Israéliens participaient aux interrogatoires» . Avant guerre, la presse américaine a accusé Houda Ammash d’être responsable du programme irakien d’armes biologiques. Son mari s’en défend : «il s’agit d’une fausse accusation diffusée par la CIA à la presse, même Hans Blix, l’ancien chef des inspecteurs de l’ONU a reconnu qu’il s’agissait d’une opération d’intoxication. Son dossier d’accusation est vide, c’est un procès politique.»
Houda Ammash est la fille du général Ammash, l’une des grandes figures de l’armée irakienne, démis de ses fonctions en 1970 et nommé ambassadeur à Paris, Stockholm, Moscou et Helsinki où il mourra dans des conditions mystérieuses en 1975. Diplômé en microbiologie de l’Université de Trenton au Texas, elle fut projetée sur le devant de la scène politique en 2001 lors de son élection au Commandement régional du parti Baas, au moment où Qoussaï, le fils cadet de Saddam Hussein, faisait lui aussi son entrée dans cet organe dirigeant du pays.
Pour le moment, le Dr Ahmed n’a pas l’intention de faire appel à un avocat pour défendre sa femme. «Je le ferais quand je saurais de quoi elle est accusée.» A la question de savoir s’il pense qu’elle aura un procès équitable, il éclate d’un grand rire sans en dire plus. Autre stratégie, le fils aîné de Tarek Aziz, Ziyad, actuellement réfugié en Jordanie, a lui choisi Maître Jacques Vergès, un ami de la famille, pour conseiller son père, dont la santé serait chancelante.
Selon le magazine irakien Al-Mouchahed, qui a publié début décembre une enquête sur les conditions de vie des anciens du régime détenus à Radwaniyeh, Tarek Aziz serait «déprimé et replié sur lui-même». La plupart des autres prisonniers souffriraient de dépression et parfois s’insulteraient entre eux, les uns accusant les autres d’avoir mené le pays à la catastrophe. Le cousin de Saddam Hussein, Ali Hassan Al-Majid dit «Ali le chimique», serait la cible privilégiée de la rancœur de ses co-détenus qui le boycotteraient. Le magazine affirme même qu’Abed Hmoud, le secrétaire personnel de Saddam Hussein, aurait quant à lui été victime d’une agression de la part d’autres détenus qui le haïssent. «Abed Hmoud n’aurait dû son salut qu’à l’intervention des soldats américains», rapporte le magazine.
par Christian Chesnot
Article publié le 22/12/2003