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Birmanie

Total contre-attaque

Mis en cause, y compris devant la justice, pour ses activités en Birmanie, le groupe pétrolier français Total lance une campagne justifiant sa présence et son action dans cette dictature militaire, au ban de la société internationale pour ses atteintes aux droits de l’homme.
Le groupe pétrolier français Total, le quatrième au rang mondial, est sous le coup d’une information judiciaire, en France, liée à une plainte déposée par des Birmans qui affirment avoir été soumis au travail forcé sur le chantier du gazoduc de Yadana, en Birmanie, dont Total est l’opérateur. Le groupe américain Unocal, partenaire de Total dans cette opération, doit répondre des mêmes faits devant la justice américaine ce mois-ci.

Face au flot de critiques et en butte à la réprobation de nombreuses associations de défense des droits de l’homme qui nuisent à son image, Total a décidé de répondre et de se justifier. Le groupe y met des moyens à la mesure du géant pétrolier qu’il est, dont un rapport confié à Bernard Kouchner, internationalement connu pour son action dans le domaine de l’humanitaire.

Sur le site Internet du groupe (www.total.com) un site spécifique a été ouvert en annexe, intitulé «Total prend la parole sur sa présence au Myanmar». A cette adresse, (birmanie.total.com), le groupe pétrolier reprend, point par point, les accusations formulées par les adversaires de sa présence dans le pays. Total ne nie pas l’absence de libertés publiques et de dialogue social en Birmanie, la lutte du pouvoir contre les minorités ethniques ou l’existence du travail forcé, même si c’est en termes mesurés.

En revanche le groupe repousse, et avec indignation, l’accusation d’utiliser des travailleurs forcés sur le chantier du gazoduc, que ce soit Total ou ses sous-traitants. Il nie la responsabilité indirecte de Total dans les exactions qu'auraient pu commettre des militaires dans la zone, profitant du prétexte de sécurisation du chantier, et ce, même s’il reconnaît que certains incidents ont pu, surtout au début, échapper à la vigilance du groupe. A l’accusation que, par sa présence dans le pays, Total conforterait un régime condamnable et lui apporterait sa caution, le groupe objecte que «développement économique et progrès des droits de l'homme vont de pair. Ce n'est pas en aggravant les difficultés d'un pays pauvre par un embargo que l'on améliorera le sort de ses habitants».

Exiger la libération de Aung San Suu Kyi

De fait, le groupe pétrolier se prévaut, outre son action économique et créatrice d’emplois locaux, de soutenir des projets dans les secteurs santé, éducation, développement économique, infrastructures. Par ailleurs Total fait référence, dans ses activités en Birmanie, au Code de conduite qu’il s’est donné pour ses filiales à l’étranger et à sa Charte éthique régissant ses relations avec ses actionnaires, ses fournisseurs, ses clients, ses collaborateurs et la société civile en général.

Afin de conférer plus de crédibilité à son plaidoyer, Total a eu l’habileté de demander à Bernard Kouchner, à l’origine de Médecins sans frontières, ancien ministre français à l’action humanitaire et ancien représentant des Nations Unies au Kosovo une mission d’enquête pouvant déboucher sur des propositions. Celui-ci devance la question que chacun se pose: «Fallait-il répondre aux appels d’offre et installer ce gazoduc en Birmanie ?». Et il répond par «je le crois», car, dit-il, la mise en place de structures sanitaires est impossible sans un développement économique minimum. Bernard Kouchner approuve également le programme socio-économique lancé par le groupe, en accompagnement du contrat gazier. Mais, surtout, il invite Total à moins de timidité dans l’affirmation des principes démocratiques. «Que Total se prononce clairement sur la nécessité démocratique, sans provocation, sans conférence de presse, sans tapage», conseille-t-il. Bernard Kouchner insiste pour que le groupe exige la remise en liberté de l’opposante Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix.

Le choix fait par Total de rester en Birmanie et de faire front aux critiques n’est pas celui d'autres grosses compagnies mondiales. Les Américains Texaco, PepsiCo, Coca-Cola, Levi Strauss ou encore le Français Accor se sont retirés du pays.



par Francine  Quentin

Article publié le 05/12/2003