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Immigration

«<i>Un accord sincère et honnête</i>»

Après une année difficile, entamée par la multiplication des expulsions de Sénégalais en situation irrégulière, le ministre français de l’Intérieur s’est rendu à Dakar. Nicolas Sarkozy a proposé aux autorités sénégalaises une collaboration sur la base du «donnant-donnant» : la France offre son aide technique et financière, tandis que le Sénégal assure Paris de sa coopération policière.
Ce voyage avait le mérite de la franchise. Nicolas Sarkozy est ministre de l’Intérieur et le principal contentieux policier entre Paris et Dakar est celui du traitement de l’immigration clandestine sénégalaise à destination de la France. Compte tenu de l’intensité du débat sur cette question, et des réponses parfois brutales de l’administration française pour la traiter, quelques éclaircissements s’imposaient entre les deux capitales. Paris accueille bon gré quelque 46 000 immigrés sénégalais en situation régulière qui contribuent à hauteur de 195 milliards de francs CFA par an au bien-être des familles restées au pays. Et mal gré le double en situation irrégulière, estime-t-on.

Depuis fort longtemps la France a été une terre d’émigration «naturelle» pour les peuples coloniaux d’Afrique et les Sénégalais en particulier, recrutés pour les guerres, puis installés pour étudier, travailler, aspirer à une vie meilleure. Les difficultés économiques ont perturbé cette fluidité migratoire et, désormais, la plupart est indésirable et la France veut s’en protéger par des décisions qui se veulent exemplaires, tant pour l’opinion publique sénégalaise que française, telles que des expulsions tapageuses. De janvier à juin 2003, les reconduites se sont succédés à un rythme effréné : 577 Sénégalais ont été expulsés dont 140 par avion. Comme «du bétail», avait regretté à l’époque le président Wade. Cette politique a pris fin au mois de mai. Mais elle a provoqué une telle amertume à Dakar que, pour marquer le ras-le-bol sénégalais, un «charter de la réciprocité» avait été affrété et 9 Français avaient à leur tour été renvoyés chez eux.

Aujourd’hui «Il n’y a plus de Sénégalais non-admis à Roissy (en zone de rétention aéroportuaire) aujourd’hui», s’est félicité Nicolas Sarkozy. Cela ne signifie pas que la source sénégalaise d’immigration clandestine s’est brusquement tarie, mais que les candidats ont été majoritairement dissuadés d’emprunter la voie aérienne. Et après les crispations franco-sénégalaises de ces derniers mois, «cette visite vient à point nommé», avait déclaré devant la presse le ministre de l’Intérieur sénégalais, Macky Sall.

Selon ce dernier, les deux hommes ont donc conclu lundi un «accord sincère et honnête». Cet accord prévoit une collaboration accru de Dakar, et de son ambassade parisienne, pour faciliter l’éloignement de ses citoyens en situation irrégulière en délivrant des laisser-passer consulaires «chaque fois que l’identité (…) de l’expulsé sera certifiée». Les rapatriements seront dorénavant effectués sur des vols d’Air Sénégal, sans escorte de policiers français.

Les détroits méditerranéens

Des mesures positives sont également envisagées. La partie française s’est déclarée «prête à faire plus» en matière de visas, notamment pour les étudiants et les hommes d’affaires qui viennent régulièrement en France. Nicolas Sarkozy a également annoncé la création d’un fonds pour la prise en charge des déplacements et séjours de membres de «l’élite sénégalaise» qui se rendraient en France «pour des missions temporaires de développement», pour financer une aide aux transferts d’épargne des migrants, ainsi que des prêts bonifiés pour des projets lancés par les familles restées au Sénégal. Comme pour les Maliens, l’aide au retour des Sénégalais volontaires pour des micro-projets de développement sera doublée, pour atteindra 7 000 euros.

Enfin la coopération policière bilatérale devrait connaître un nouveau développement avec la création, au Sénégal, d’une Police de l’air et des frontières et d’une Direction de la surveillance du territoire, et la formation de plus de 400 fonctionnaires. Car l’idée plaidée par Nicolas Sarkozy est d’agir aussi en amont que possible : «quand l’immigration clandestine est arrêtée en amont de Dakar, il n’y a pas besoin de procéder à des vols groupés de retour de Paris vers Dakar», a souligné le ministre français.

Mission accomplie. Après s’être frotté au désenchantement des Sénégalais, lors d’une brève visite au marché de Dakar, Nicolas Sarkozy a rejoint Paris lundi soir pour retrouver un contexte national pré-électoral où la question des étrangers se taille traditionnellement une part de lion. Dans quelques mois, un scrutin régional aura lieu et il est probable que le thème de l’immigration prendra alors toute sa dimension, c’est à dire une place exorbitante et surexploitée par la classe politique. Peut-être le ministre a-t-il réussi à convaincre ses interlocuteurs de l’aider à reculer les frontières de la France jusqu’aux salles d’embarquement des aéroports africains, tandis que la guardia civil espagnole et les carabinieri italiens ramassent chaque jour les dépouilles échouées des candidats malheureux au franchissement des détroits méditerranéens.

Ecouter également : L'invité Afrique du 16/12/2003, Nicolas Sarkozy, Ministre français de l'Intérieur, qui répond aux questions d'Albéric de Gouville.



par Georges  Abou

Article publié le 16/12/2003