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Santé

Panique aux urgences

Après la canicule du mois d’août, voici que l’arrivée des épidémies de grippe, gastro-entérite, et bronchiolite, traditionnelle à cette époque de l’année en France, a provoqué une nouvelle fois l’engorgement des services d’urgence des hôpitaux. Dans ce contexte, les déclarations du ministre de la Santé Jean-François Mattéi sur la nécessité de réorganiser «la permanence des soins en ville» afin d’éviter de saturer les établissements hospitaliers, a réengagé la polémique sur les déficiences du système de santé français.
Le week-end a été dur dans les hôpitaux. Avec des délais d’attente qui ont parfois atteint sept heures, les services d’urgence ont eu du mal à prendre en charge tous les patients qui se sont présentés. La mort de deux nourrissons atteints de bronchiolite, même si elle n’est pas due à une négligence ou un retard de prise en charge, a ajouté un caractère dramatique à une situation déjà difficile. Et surtout, elle a été à l’origine d’une nouvelle mésentente entre le ministre de la Santé Jean-François Mattéi et le directeur général de la Santé William Dab. Au premier qui avait incité les Français à limiter le recours immédiat aux services d’urgence, le second a répondu indirectement en mettant en garde les parents de jeunes enfants contre la bronchiolite, une maladie qui comporte un risque vital, et en leur conseillant, au contraire, de les amener à l’hôpital dès l’apparition des premiers symptômes de détresse respiratoire.

Au-delà du problème des messages contradictoires diffusés auprès de la population, cette nouvelle crise fait resurgir un débat de fond à propos de l’organisation du système de soins en France. Dans ce cadre aussi, les propos du ministre de la Santé ont joué le rôle de déclencheur. Jean-François Mattéi a, en effet, affirmé dimanche : «Je suis persuadé que si l’on avait une permanence de soins en ville correctement organisée et correctement assurée, les services hospitaliers d’urgence pourraient travailler dans de bien meilleures conditions». Ces déclarations ont été interprétées comme une mise en cause directe par les principaux syndicats de médecins qui ont rétorqué en dénonçant la politique du «tout hôpital» à la française, menée depuis plusieurs décennies, qui a abouti à provoquer des situations ingérables. Le Syndicat des médecins libéraux a ainsi affirmé : «A force de valoriser les urgences hospitalières et de les mettre au centre du dispositif de soins, l’Etat récolte ce qu’il a semé : un engorgement des services d’urgence». Du coup, il ne faut pas présenter comme «une désorganisation de l’ensemble du dispositif de soins», une «mauvaise utilisation des ressources». La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a, quant à elle, dénoncé l’inexactitude des propos du ministre : «Ce n’est parce qu’il y a un surcroît d’activité hospitalière et que des médecins hospitaliers le font savoir partout, que, pour autant, la médecine de ville est déficiente». Elle a aussi mis en cause «l’incohérence gouvernementale, qui tout en souhaitant recentrer la prise en charge des soins en amont de l’hôpital, favorise très largement ce dernier sur le plan budgétaire».

«Une polémique inutile»

Dans un contexte où l’on se repasse la responsabilité de la crise du système de soins français comme une patate chaude depuis le précédent de la canicule et de ses 15 000 morts, les généralistes ne veulent pas porter le chapeau. Ils ont d’ailleurs reçu, dans leur riposte, le soutien de l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF) dont le président, Patrick Pelloux, a dénoncé «une polémique inutile», ajoutant même : «Qu’est-ce que c’est que ces pouvoirs publics qui disent ‘n’allez pas à l’hôpital’ ? Derrière ce discours se cache la volonté de ne pas donner les moyens aux hôpitaux de travailler». Il a d’ailleurs donné un exemple des contradictions gouvernementales en dénonçant la fermeture de lits dans les hôpitaux «alors que l’on rentre dans une période d’épidémies saisonnières».

Et voilà de nouveau la balle dans le camp du ministre de la Santé. Car cette nouvelle crise, qui survient alors même que les épidémies de grippe, gastro-entérite et bronchiolite n’ont pas atteint leurs pics annuels, est révélatrice de la nécessité de réorganiser un système défaillant. Du côté des hôpitaux, les problèmes du manque de moyens et de personnels sont toujours aussi criants. L’application de la réforme de la réduction du temps de travail et le passage aux 35 heures provoquent des dysfonctionnements à répétition dans les services. Du côté des médecins de ville, la situation n’est pas plus satisfaisante. La SML estime ainsi : «Plutôt que de se défausser et d’ouvrir le parapluie, le ministre de la Santé devrait veiller à accélérer la réforme en cours de la permanence des soins», notamment en revalorisant les astreintes et en donnant la possibilité aux médecins d’avoir des repos compensateurs. Elle propose aussi la mise en place de solutions «alternatives» aux urgences hospitalières comme les «maisons médicales» de garde. Mais la priorité semble être d’améliorer la «coordination ville-hôpital» en mettant en place des dispositifs d’alerte mais aussi, selon certains comme Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé, en organisant un «double sas» à l’entrée des urgences, où les généralistes feraient le tri entre les cas qui nécessitent une hospitalisation et les autres.

Cette nouvelle crise semble montrer que les enseignements de la canicule n’ont pas encore été tirés, à la fois en terme d’organisation et de coordination mais aussi en terme de gestion politique et de communication. La seule note positive vient du fait que face à l’afflux des patients victimes de la grippe, de la gastro-entérite et de la bronchiolite, les plans d’urgence ont été déclenchés sans attendre dans les hôpitaux. Ce qui a permis de mieux gérer la situation délicate durant le week-end.

A écouter également :

L'invité du matin : Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes au micro de Pierre Ganz (03/12/2003, 8'30")



par Valérie  Gas

Article publié le 02/12/2003