Monnaie unique européenne
L’euro poursuit son ascension
A plus de 1,24 dollars, l’euro continue sa progression face à la devise américaine, au risque de compromettre la reprise qui s’annonce.
Pour leur dernière réunion de l’année 2003, les gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) auront donc résisté aux appels à une baisse des taux. Pour au moins trois raisons: l’œil rivé aux statistiques, les dirigeants de la BCE ont noté un frémissement inflationniste. Or, la lutte contre l’inflation fait partie de la mission de base de l’institut d’émission européen; en second lieu, les responsables de ce dernier se sont fait une règle de ne jamais paraître céder au pressions des milieux politiques afin d’établir leur crédibilité en tant que Banque centrale indépendante; enfin, c’est tout particulièrement vrai de son nouveau président, le Français Jean-Claude Trichet qui ne veut surtout pas inaugurer son mandat par une politique qui donnerait le sentiment d’être plus laxiste que celle de son prédécesseur, le Néerlandais Wim Duisenberg.
Pourtant, face à la hausse continue de l’euro face au dollar, les certitudes de l’institut basé à Francfort paraissent quelque peu ébranlées. Jean-Claude Trichet n’a pas écarté l’hypothèse d’une intervention des banques centrales sur le marché des changes, tout en laissant entendre qu’elle serait nécessairement concertée avec son homologue américain, le président de la Fed. D’autre part, un membre du conseil des gouverneurs, Arnout Wellink, a déclaré ce jeudi au Financial Times sa préoccupation face à l’appréciation rapide de la devise européenne: cette hausse constitue «sans aucun doute l’un des facteurs de risque pour la reprise économique» en cours en Europe. «Le plus grand danger est que le taux de change progresse si rapidement que l’économie n’a pas le temps de s’adapter», a ajouté M. Wellink. Cette déclaration, venant d’un membre du conseil des gouverneurs, est sans doute l’indice d’un intense débat au sein de l’institut d’émission qui n’a pas habitué les opérateurs à faire entendre en public des avis divergents.
C’est que la croissance de l’euro face au dollar, après avoir connu une accalmie voici deux mois lors de la publication de chiffres encourageants pour l’économie américaine, est repartie de plus belle. Les déficits abyssaux des États-Unis en sont la principale raison, naturellement, d’autant que le gouvernement Bush, au-delà de quelques formules convenues sur la nécessité d’un dollar fort, a fait passer le message au marché qu’il s’accommodait parfaitement de voir filer le dollar face à toutes les devises. Mais on s’aperçoit également que cinq ans après sa création, l’euro commence à exercer une réelle attraction en tant que monnaie de réserve, concurremment au dollar. Du coup, de nombreuses banques centrales, notamment en Asie, ont arbitré la répartition de leurs avoirs au profit de la monnaie européenne, contribuant à soutenir son cours. De même, les fonds de pension souscrivent davantage d’obligations libellées en euros. Enfin, de grands contrats, traditionnellement formulés en dollars, commencent à l’être en euros.
Protectionnisme monétaire
Evidemment, comme souvent dans le domaine monétaire, la médaille de ce succès a son revers: plus l’euro s’apprécie et plus il pénalise les exportations. Certes, en retour, l’importation de biens libellés en dollars est moins coûteuse. C’est ainsi que le niveau élevé de la devise européenne a largement amorti la hausse des prix du pétrole, dont les cours sont fixés en dollars. Cependant, alors que la conjoncture économique européenne est atone et que la reprise qui s’annonce reste fragile, la hausse continue de l’euro est susceptible de la briser nette. A quel taux de change se situe véritablement le risque ? Les experts, comme toujours, sont partagés. Mais à supposer qu’on n’ait pas encore atteint la cote d’alerte, on n’en est plus loin: les analystes estiment généralement que le seuil d’intervention de la BCE se situe à 1,32 ou 1,33 euros pour un dollar. Depuis le début de l’année, l’euro a progressé de 18%. Mais depuis un an, la hausse atteint 23% et si on prend comme point de comparaison l’automne 200, lorsque l’euro ne valait que 0,82 dollar, la progression atteint 50%!
Voici quelques jours, le président Bush a annoncé qu’il renonçait à appliquer les surtaxes frappant l’importation de l’acier, condamnée par l’OMC. Certes, ce faisant, l’administration américaine se met en conformité avec les règles du commerce international et évite les sanctions que menaçait de prendre l’Union européenne. Mais il est vrai également que l’acier américain n’a plus besoin de protections tarifaires: vu les taux de change actuels, le protectionnisme monétaire est tout aussi efficace pour tenir à l’écart la concurrence européenne, qu’il s’agisse de l’acier ou de tout autre produit.
Pourtant, face à la hausse continue de l’euro face au dollar, les certitudes de l’institut basé à Francfort paraissent quelque peu ébranlées. Jean-Claude Trichet n’a pas écarté l’hypothèse d’une intervention des banques centrales sur le marché des changes, tout en laissant entendre qu’elle serait nécessairement concertée avec son homologue américain, le président de la Fed. D’autre part, un membre du conseil des gouverneurs, Arnout Wellink, a déclaré ce jeudi au Financial Times sa préoccupation face à l’appréciation rapide de la devise européenne: cette hausse constitue «sans aucun doute l’un des facteurs de risque pour la reprise économique» en cours en Europe. «Le plus grand danger est que le taux de change progresse si rapidement que l’économie n’a pas le temps de s’adapter», a ajouté M. Wellink. Cette déclaration, venant d’un membre du conseil des gouverneurs, est sans doute l’indice d’un intense débat au sein de l’institut d’émission qui n’a pas habitué les opérateurs à faire entendre en public des avis divergents.
C’est que la croissance de l’euro face au dollar, après avoir connu une accalmie voici deux mois lors de la publication de chiffres encourageants pour l’économie américaine, est repartie de plus belle. Les déficits abyssaux des États-Unis en sont la principale raison, naturellement, d’autant que le gouvernement Bush, au-delà de quelques formules convenues sur la nécessité d’un dollar fort, a fait passer le message au marché qu’il s’accommodait parfaitement de voir filer le dollar face à toutes les devises. Mais on s’aperçoit également que cinq ans après sa création, l’euro commence à exercer une réelle attraction en tant que monnaie de réserve, concurremment au dollar. Du coup, de nombreuses banques centrales, notamment en Asie, ont arbitré la répartition de leurs avoirs au profit de la monnaie européenne, contribuant à soutenir son cours. De même, les fonds de pension souscrivent davantage d’obligations libellées en euros. Enfin, de grands contrats, traditionnellement formulés en dollars, commencent à l’être en euros.
Protectionnisme monétaire
Evidemment, comme souvent dans le domaine monétaire, la médaille de ce succès a son revers: plus l’euro s’apprécie et plus il pénalise les exportations. Certes, en retour, l’importation de biens libellés en dollars est moins coûteuse. C’est ainsi que le niveau élevé de la devise européenne a largement amorti la hausse des prix du pétrole, dont les cours sont fixés en dollars. Cependant, alors que la conjoncture économique européenne est atone et que la reprise qui s’annonce reste fragile, la hausse continue de l’euro est susceptible de la briser nette. A quel taux de change se situe véritablement le risque ? Les experts, comme toujours, sont partagés. Mais à supposer qu’on n’ait pas encore atteint la cote d’alerte, on n’en est plus loin: les analystes estiment généralement que le seuil d’intervention de la BCE se situe à 1,32 ou 1,33 euros pour un dollar. Depuis le début de l’année, l’euro a progressé de 18%. Mais depuis un an, la hausse atteint 23% et si on prend comme point de comparaison l’automne 200, lorsque l’euro ne valait que 0,82 dollar, la progression atteint 50%!
Voici quelques jours, le président Bush a annoncé qu’il renonçait à appliquer les surtaxes frappant l’importation de l’acier, condamnée par l’OMC. Certes, ce faisant, l’administration américaine se met en conformité avec les règles du commerce international et évite les sanctions que menaçait de prendre l’Union européenne. Mais il est vrai également que l’acier américain n’a plus besoin de protections tarifaires: vu les taux de change actuels, le protectionnisme monétaire est tout aussi efficace pour tenir à l’écart la concurrence européenne, qu’il s’agisse de l’acier ou de tout autre produit.
par Olivier Da Lage
Article publié le 18/12/2003